mercredi 6 novembre 2013

Être Français



Le débat sur l’identité française (que je n’ai absolument pas suivi) aurait donné lieu à toutes sortes de dérapages aptes à déclencher la colère et l’indignation de nos amis de gauche qui ont pour ces deux activités un irrésistible penchant. Son principal mérite aura donc été de fournir à ces braves gens une occasion de pratiquer leurs hobbies.

Est-il vraiment nécessaire de définir l’identité française, à savoir d’établir une liste de ses constituants principaux ? Je pense que non. Ne serait-ce que parce qu’obtenir un consensus en la matière est absolument impossible quand pour certain ce qui prime ce sont les fameux droits de l’homme,  tandis que pour d’autres c’est la Culture (toujours avec un grand C) ou que pour d’autres encore c’est une gloire militaire passée ou toutes sortes de critères parfois totalement antagonistes.

Certains diront que c’est le hasard qui les a fait naître Français. Un peu comme s’ils étaient une âme qui aurait pu s’incarner ici ou là au gré des caprices d’un destin aveugle ou simplement espiègle. En ce qui me concerne, je dois ma nationalité à un enchaînement de causes logiques : des parents, Français tous deux et eux-mêmes de parents Français m’ont engendré et ma naissance s’est produite en France. Que ce soit par droit du sol ou droit du sang cette nationalité s’imposait donc. Il eût été curieux que, vues ces circonstances, je me sois retrouvé Ivoirien ou Guatémaltèque.

Maintenant, qu’est-ce qui me fait Français ? Je pourrais comme nombre d’andouilles de mes concitoyens me déclarer avant tout « citoyen du monde ». Comme si une telle citoyenneté existait ailleurs que dans des discours fumeux ! Mes parents, afin de parachever mon enracinement m’ont transmis non pas leur Breton natal mais la langue communément usitée en terre de France, à savoir le Français. Comme si ce n’était pas suffisant, je suivis les cours d’écoles, de lycées et de facultés où cette même langue était pratiquée. Autour de moi, la société était organisée selon des institutions françaises. Tout cela eut finalement pour effet de faire de moi un Français. C'est-à-dire quelqu’un qui se sent chez lui en France. Qui ne saurait, sauf si les circonstances l’y obligeaient, vivre durablement  et heureux en aucun autre pays. J’ai vécu plus de six années de ma vie adulte à l’étranger. Je n’ai jamais cessé de m’y sentir Français et n’ai jamais envisagé de m’y établir pour de bon.

Né Français, élevé et formé en France et en français, je me sens Français et ne vois pas comment ni par quel miracle je pourrais me sentir autre. Il se trouve que l’histoire et la géographie me font également Européen mais  l’appartenance à un continent est bien plus abstraite que celle qui nous lie à une nation composée de gens partageant  une même langue,  les mêmes institutions et plus ou moins le même mode de vie.

Ainsi, ce qui fait le Français à mes yeux est le sentiment d’appartenance à la communauté nationale française, rien de plus. Ceux qui n’ont pas ce sentiment sont soit des imbéciles de souche, soit des Français de papiers. Cela n’implique ni une adhésion inconditionnelle à tout ce qui est français, ni un sentiment de supériorité par rapport à qui n’aurait pas cette « chance ». C’est comme dans une famille : on ne considère pas nécessairement que parents, enfants, frères, sœurs, cousins et arrière-cousins  y sont tous dotés de qualités merveilleuses mais on en fait partie, à des niveaux variables selon le degré des proximité, par les liens naturels qui nous unissent à eux et que renforce une histoire commune.

12 commentaires:

  1. Dans une pièce de théâtre de Peter Ustinov "L'amour des quatre colonels"; Ceci: " Le monde sans la France serait comme une tasse de thé sans lait" ; mais c'était en 1954 depuis le lait a tourné et le thé est devenu imbuvable.

    Je me sens de moins en moins appartenir à la communauté française et pourtant j'aime ce pays qui m'a vu naître,grandir et y éduquer mes enfants mais cela ne me suffit plus à satisfaire mon sentiment de fierté, la faute à qui, aux français eux même, c'est tout.

    Ce sentiment n'est venu depuis une année mais il s'est installé insidieusement depuis longtemps et il ne fait que grandir jusqu' à parfois devenir étouffant.

    Etant un de ces français qui ne comprend pas pourquoi, 2 milliard d'individus ne parlent mon idiome, je suis coincé ici pour de longues et nombreuses années.

    Je me venge de façon certes misérable en applaudissant aux défaites des sportifs censés représentés cette nation.

    Je bois de moins en moins de vin et de plus en plus de bière étrangères belges le plus souvent, petit mais combien jouissif, pour le fromage le problème est plus ardu mais je me console en évoquant la province où il est fabriqué.

    Le comble , c'est que mon épouse est fière que moi ce pays, la reconnaissance, je ne sais pas pourquoi ou alors ce pays m'a trop donné et j'agis tel un enfant gâté..

    Entendre Hollande s’écriait "Vive la France" ; c'est trop pour moi!

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    1. Relis toi du schmoll, la phrase était dîtes par le colonel anglais aux deux autres colonels présents , un russe et un américain, le français était absent, je ne sais plus pour quelle raison.

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    2. Satisfait ou pas, vous n'en êtes pas moins Français, Grandpas ! Même si des occasions de quitter le pays s'offraient à vous et que vous les saisissiez, vous n'en demeureriez pas moins Français. D'autre part, il me semble bien illusoire de penser qu'il y a des pays comparables en terme de développement où ne se posent pas les mêmes problèmes.

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  2. C'est vrai: la naissance, la langue, l'habitude, la culture etc mais aussi et surtout le fait d'être entouré d'autres Français qui appartiennent comme moi à cette communauté qu'on peut appeler un peuple ou une nation (au choix). Ce qui est de moins en moins le cas. Je suis un ancien Français. Pas un nouveau Français dans cette nouvelle France.

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    1. Je comprends votre point de vue mais les anciens Français ont autant, sinon plus, leur place dans la "nouvelle France" que les "autres". A nous de l'affirmer bien haut et d'exiger de nos gouvernants qu'ils prennent nos aspirations en compte. Ce n'est pas évident, mais de manière modeste, n'est-ce pass ce que nous tentons de faire en bloguant ?

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  3. Ce billet, d'ailleurs écrit avec virtuosité dans une langue admirable, de M. Etienne montre une sorte d' enracinement, mot qui vient de "racine", lui-même engendré par "race"... --dois-je en dire plus
    Au bûcher, M. Etienne !

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    1. Je ne suis pas certain de l'étymologie que vous donnez à "racine"... Toutefois si tel était le cas, j'accepterais le châtiment (que faire d'autre ?) en souhaitant, vue l'ampleur de ma faute, être d'abord roué vif et écartelé à quatre chevaux.

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  4. Bravo, tout est dit simplement et clairement. Et cela fait du bien.

    Comme dit la chanson: "les gens d'ici ne sont pas meilleurs, mais ils sont d'ici, les gens d'ici"

    Enfin je cite de mémoire...

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    1. Merci pour le compliment et heureux de vous apporter quelque agrément.

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  5. Réponses
    1. Un épisode de pluie de compliments serait-il en cours sur la Basse-Normandie ? Je rougis de confusion...

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  6. Excellent billet que vous avez écrit là, mon cher Jacques-Etienne. Néanmoins comme grandpas, il y a des moments où j'ai honte d'être français et de voir ce qu'est devenu mon pays sous la férule d'incompétents apatrides, me fait mal au cœur. Malgré cela, j'aurais du mal à le quitter et aller vivre ailleurs. On reste français toute sa vie et pas seulement par la nationalité mais par les tripes si j'ose dire !

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