mardi 26 novembre 2013

Conte de Noël (suite et fin)


M. A, lorsque le conseiller lui annonça sa découverte parut, malgré son tempérament placide un rien décontenancé. « Le Président pense trouver une inversion dans ses souliers au matin du 25 ? Mais il déraille complètement ! Bien sûr, en tant que  socialistes, nous croyons tous, comme ceux qui nous ont portés au pouvoir, au Père Noël mais de là à surévaluer les pouvoirs de l’objet de notre culte… »

Une réunion des principaux membres du cabinet A. fut organisée d’urgence en s’assurant que le secret de ce conseil improvisé serait parfaitement tenu et surtout que le Président H. n’en saurait rien. Le fait que celui-ci s’était rendu à l’institut François Mitterrand de Gaborone afin d’y prononcer la conférence inaugurale de l’Association Franco-Botswanaise pour un Macramé Citoyen facilita les choses. M. A., après avoir déclaré la séance ouverte, résuma en quelques mots la découverte du conseiller et appela chacun à donner son avis sur l’attitude à adopter face à la situation. Du débat, plusieurs points forts ressortirent. D’abord, le Président, malgré son air ravi de la crèche et l’abondance de sa production de blagounettes désopilantes était un homme miné par son degré d’impopularité et que la non-réalisation de sa promesse d’inversion risquait de mener à péter un câble comme fit le bon M. Deschanel. Ce qui n’était aucunement souhaitable.  Ensuite, il fallait bien reconnaître que la publication de chiffres du chômage en hausse courant janvier risquait de nuire à toute l’équipe. Il était donc essentiel de trouver une solution.

Plusieurs furent avancées. La destruction du réseau SFR fut rapidement évacuée, vu que le bug d’août avait attiré l’attention des Français sur l’influence de cette entreprise dans l’établissement des statistiques. De même, l’envoi de menaces de mort au directeur de l’INSEE s’il ne publiait pas des chiffres maquillés fut vite balayée : trop de statisticiens étaient en mesure de découvrir la supercherie et les liquider tous pourrait faire naître la suspicion. Restaient les emplois aidés. Seulement, les candidats ne se bousculaient pas. C’est alors que le Ministre des Décisions Primesautières et de l’Enfumage Généralisé, dont l’influence grandissait sans cesse, émit une idée qui rallia tous les suffrages : la période de Noël était une période de trêve politique et de grande consommation. Seulement, elle ne durait que peu de temps… Sauf si, par décret, on l’allongeait. S’il était décidé de prolonger celle-ci, à titre expérimental, jusqu’au 31 décembre 2014, les retombées économiques risquaient d’être importantes et d’entraîner une embellie sur l’emploi. Imaginez seulement : les parents distraits du monde entier, ayant oublié de fêter Noël et de gâter leurs enfants venant en France pour rattraper le coup. Ceux que la maladie, le travail ou toute autre raison avaient empêchés de réveillonner venant à tout moment se goinfrer de menus spécial fêtes à des pris faramineux dans les restaurants de l’hexagone ! La France entière, transformée en parc à thème attirerait du monde entier tous ceux qui avaient gardé une âme d’enfant…

Il fut donc décidé que le projet serait soumis au Président dès son retour du Botswana. Bien entendu, une telle mesure ne put que recueillir son adhésion tant elle s’inscrivait dans le droit fil de l’anaphore « Moi président… » qui lui avait si bien réussi bien qu’il se fût retenu de déclarer, « Moi président ce sera tous les jours Noël ! ». Il fut immédiatement décidé qu’il annoncerait lui-même la nouvelle au peuple de France lors d’une allocution télévisée qu’il prononcerait costumé en Père Noël. Ce qui fut dit fut fait. Le Président suggéra que le Pays fût rebaptisé Santaland, mais ses conseillers l’en dissuadèrent, jugeant la décision prématurée.

La presse, écrite, parlée et télévisée, s’empara du slogan « Avec le Président H, c’est tous les jours Noël ! ». Cet enthousiasme contamina les citoyens, et les affairistes. Les importateurs de rennes embauchèrent à tour de bras, entraînant l’éclosion d’entreprises spécialisés dans les soins aux cervidés, les fabricants de guirlandes lumineuses multiplièrent leurs effectifs et créèrent des filiales de maintenance, les commerces de bouche, d’élevage de volaille et de crustacés leur emboîtèrent le pas, une prospère industrie des traineaux à rennes (avec roulettes escamotables pour les temps chauds) vit le jour, les contrats de Pères Noël, jusque-là de quelques jours se transformèrent en contrats annuels reconductibles…

Par centaines de milliers, des emplois nouveaux virent le jour… Les chiffres de décembre révélèrent non seulement un inversement de la courbe mais un véritable boom sur l’emploi, ramenant la confiance des investisseur et des particuliers. La croissance repartit comme en quarante et le président H. vit sa popularité monter à des niveaux inconnus d’aucun de ses prédécesseurs. Ce qui lui fit confier à un proche : « Cette vieille baderne de Mitterrand croyait aux forces de l’esprit, moi je crois au Père Noël, et jusqu’ici ça ne m’a pas trop mal réussi ! »

IMPORTANT : Toujours à l’écoute de notre lectorat et désireux de mieux connaître ses motivations et ses attentes, nous vous proposons de participer à un SONDAGE que vous trouverez en haut de la colonne de gauche.

11 commentaires:

  1. Oncle Jacques, arrêtez l'eau et reprenez du whisky, vos hallucinations s'arrêteront d'elles même, de plus le climat se réchauffe alors vos rennes auront plutôt la forme de

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    1. dromadaires, appuyez trop vite.

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    2. De l'eau ? Vous n'y pensez pas !

      Quant aux rennes, c'est indispensable.

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  2. C'est bien vrai, ça, il suffisait d'y penser! Comme quoi, le socialisme, tout de même,
    hein?
    Amitiés.

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  3. Mon cher Jacques, savez-vous que cette idée de Noël permanent et obligatoire a déjà été à l'origine de deux bandes dessinées (oui, deux) : "La semaine des 7 Noël" et "Houppeland"?

    Mais un doute me vient : vos talents étant aussi variés qu'immenses, ne seriez-vous pas aussi scénariste de BD, entre deux astiquages de poireaux?

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    1. Je l'ignorais. Seulement, dans ces BD, le but de cette permanence était-il l'inversion de la courbe du chômage ?

      Quoi qu'il en soit, lorsque vous écrivez "vos talents étant aussi variés qu'immenses", je ne peux que m'incliner devant la justesse de votre jugement.

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    2. Eh bien, dans "La semaine des 7 Noël" il s'agit effectivement de relancer la consommation et toutes ces sortes de choses. Vraiment, la coïncidence est troublante.

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  4. J'adore la phrase qui clôt ce joli conte. pépère a enfin réussi à enfiler les charentaises du Père François. Il avait déjà le chapeau et le pardessus, il a maintenant la panoplie complète. Et avec un peu de chance, le Père Noël reconnaissant de tant de bonté, le récompensera en lui apportant la boîte de petits soldats que son père lui avait confisqué quand il avait 14 ans. Mésaventure qui avait marqué le petit Fanfan et qui n'est peut-être pas pour rien dans son choix du Parti Socialiste pour faire carrière, histoire de faire bisquer son vieux réac de paternel qui était très Algérie française.

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    1. Excellente idée ! Si nous lancions la souscription nationale "Des soldats pour Fanfan" ? Le temps qu'il passerait à les peindre nous dispenserait peut-être de quelques apparitions télévisuelles ?

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    2. J'allais oublier la collec' de Dinky Toys partie également à la poubelle au grand dam de l'ado attardé.

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