mercredi 2 octobre 2013

Qui fut vraiment Saint Marcelin ? (1)



Peu de gens connaissent ce que fut la vie, à bien des égards exemplaire, de Saint Marcelin. Il était grand temps que cette lacune fût comblée. C’est ce que nous nous proposons de faire dans cette nouvelle série propre à orner de nouvelles connaissances l’esprit des véritables amateurs d’histoire. De  patientes études sur chartes et chroniques de la seconde moitié du Xe siècle et du XIe commençant nous ont permis de synthétiser ce que furent les principaux faits marquants d’une existence si riche qu’une biographie exhaustive exigerait qu’on y consacrât de nombreux volumes ce qui risquerait de lasser la patience du plus avide de science de nos lecteurs.

Le 6 avril on fête Saint-Marcellin, nous jugeons utile de rappeler à nos lecteurs qu’il n’existe aucun rapport entre ce saint et le patron du village Baugeois qui fait l’objet de nos chroniques.
Notre but n’est pas de rabaisser l’obscur légat d’Honorius, ami de saint Augustin qui mourut victime des donatistes à Carthage en 413. Que le fils de Sainte Monique ait jugé bon d’écrire son « De remissio peccatorum » et d’autres ouvrages en réponse aux questions de Marcellin, qu’il lui ait dédié « La Cité de Dieu », qu’il soit intervenu afin d’éviter son martyre n’y change rien : Marcelin, lui, était homme d’une toute autre envergure.
Certains mettront en avant le fait qu’il est absent de tout calendrier, qu’en tout et pour tout deux villages de France portent son nom (l’un d’entre eux suite à une faute d’orthographe) et que Rome ignore jusqu’à son existence pour minimiser son importance. Ils ont tort.
Si dans le Baugeois il est l’objet d’un culte fervent, il nous paraît cependant bon de rappeler aux moins érudits de nos lecteurs étrangers au pays les faits les plus marquants de sa longue existence.
Marcelin naquit dans une famille de hobereaux baugeois en l’an de grâce 927. Son père, Philipe Brasfort, seigneur de Montaleux et sa Mère Isabèle de Bois-Rasquin formaient un couple uni par une profonde foi chrétienne et une haine héréditaire des consonnes doublées. Comme tous les jeunes de sa caste, Marcelin mena une jeunesse dédiée à l’apprentissage du maniement des armes. A douze ans, bien que de petite taille, il faisait preuve d’une force herculéenne. Un jour, poursuivant le sanglier à courre, il tomba de sa monture. Le solitaire qu’il chassait le chargea. Plutôt que fuir, Marcelin fit face et, le saisissant à la gorge il entreprit de l’étrangler, puis saisi de pitié pour la souffrance qu’exprimaient les cris de la pauvre bête, il lui broya le crâne d’un seul coup de poing. Il chargea sa victime sur son épaule et revint à pied au château où le monstre de quatre cents livres fournit la viande d’un grand banquet. Certains voulurent voir dans cet exploit le premier des miracles de Saint Marcelin. Ce serait exagéré, vu qu’à partir de ce jour le jeune homme décida de ne plus chasser qu’ainsi et que ses prises se multiplièrent au point que son père, las de manger du cochon finit par lui conseiller d’aller à la pêche.
Rien de bien marquant ne se passa jusqu’à sa vingtième année au cours de laquelle il eut le malheur de perdre ses parents lors de l’incendie du donjon de bois qui dominait leur motte féodale. Fou de douleur, le jeune Marcelin se lança alors dans une vie de débauche effrénée. Les incessantes fêtes qu’il offrait à tout ce que le pays comptait de seigneurs paillards et de grasses ribaudes vinrent vite à bout de la maigre fortune héritée de ses parents. Qu’importe ! Il pressura d’impôts ses serfs. Comme il ne leur laissait même pas de quoi subsister, ceux-ci moururent de disette. En compagnie des débauchés qui formaient sa suite il se mit alors à razzier les alentours. Monastères, châteaux, humbles chaumières, il pillait et brûlait tout avant d’égorger les témoins de ses méfaits.
Emu de voir le Baugeois ainsi ravagé, l’évêque Rainier de Corbinville décida d’intervenir. Les menaces d’excommunication se montrant inopérantes, il décida d’agir plus finement. La perspective d’un riche mariage parviendrait peut-être à ramener à la raison ce seigneur brigand. Or il se trouvait qu’une sienne nièce, Damoiselle Guenièvre de La Riche Motte, suite au décès accidentel de ses parents, morts dans l’incendie du donjon de bois qui dominait leur motte castrale* se trouvait à la tête d’une fortune appréciable. Le ciel lui avait en outre fait don d’une remarquable beauté. Pieuse, sage et douce, victime du même malheur, La gente Guenièvre saurait peut-être convertir le jeune homme…
Un émissaire convainquit Marcelin de se rendre sans escorte et sans armes au château de la dame. Rainier jurait sur sa foi que rien ne serait entrepris contre lui. Il voulait simplement que les jeunes gens se rencontrassent.
Lorsque de loin il aperçut la motte de Guenièvre, Marcelin manqua défaillir. Jamais il n’en avait vues d’aussi vaste et puissante. Lorsque monté dans le donjon de pierre et introduit en la grande salle il vit la jeune Dame, il se mit à trembler d’émotion. Oncques n’avait vu plus belle damoiselle. Lorsqu’elle le pria de s’asseoir à son côté, il trouva à sa voix des accents angéliques. Il ne sut balbutier en réponse que de vagues compliments.
Mais dès lors il sut que sa vie avait basculé…

Il en alla de même pour la pieuse Guenièvre.
« Il était laid, les traits austères,
La main plus rude que le gant
Mais l’amour a bien des mystères
Et la nonne aima le brigand.
On voit des biches qui remplacent
Leurs beaux cerfs par des sangliers… »

Si ce vieux cochon de Victor avait remplacé « nonne » par belle, cet extrait aurait parfaitement décrit ce qui se passa entre les deux jeunes gens.
Nous n’entrerons pas dans les détails. Disons qu’après l’souper bien arrosé qu’on leur servit, la biche eut tout loisir d’apprécier la vigueur du sanglier qui lui-même pensa que les ribaudes gagneraient à suivre un stage chez les nièces d’évêques, histoire de se décoincer un peu.
*Jusqu’à ce qu’on inventât la cheminée à âtre et conduit de pierre, les incendies de donjons firent de nombreuses victimes, d’où l’abondance au cours des IXe et Xe siècles des toponymes « Ardenta motta » (La Motte en feu) ou  Cramata motta (Motte cramée).

6 commentaires:

  1. Y a-t-il un rapport entre ce saint et le fromage du même nom (hors consonne double)? Qu'y a-t-il de vrai dans cette affirmation selon laquelle la consommation de ce fromage après celle du péché de chair donnerait droit à une indulgence plénière?

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  2. C'est tout à fait édifiant, en effet...la vie des saints nous enrichit toujours le spirituel et parfois la méfiance vis à vis des donjons de bois, Dieu merci beaucoup plus rares de nos jours.
    Amitiés.

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    1. Il est vrai qu'il se construit de moins en moins de donjons de bois ces dernières années. Peut-être la dureté des temps les remettra-t-elle à la mode ?

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  3. Merci, c'est très amusant !

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