dimanche 22 septembre 2013

Faute de Goux ?



L’autre jour, Monsieur Didier Goux s’en prenait avec véhémence  à d’honorables chanteurs  qu’il avait, en sa prime jeunesse, aimés et que, renégat, il considérait aujourd’hui comme de prétentieuses outres emplies de vent, à savoir MM. Jean Vasca et  Jacques Bertin. Bien qu’ayant tout  ignoré en leur temps de ces deux fleurons de la chanson gauchiste, ces noms sonnèrent une cloche (comme dirait le maladroit traducteur). Il me sembla me souvenir que ces deux lascars étaient les idoles et les modèles de Georges Cuffi, modérateur du défunt forum Écrits vains ? , résolument ancré à gauche et sur lequel je tins voici déjà plus d’un lustre le rôle ingrat de réac de service.  Craignant de me tromper, je googlai et eus confirmation de l’amour inconditionnel du bon Georges pour ces aèdes modernœuds. Il me revint alors que j’avais un temps eu coutume d’intercaler, sur ledit forum,  entre deux provocations droitières, des « nouvelles » consacrées au village imaginaire de Saint-Marcelin-en-Bauge, dont les habitants cultivaient ivrognerie et autres débauches avec fraîcheur, innocence et persévérance. Ces historiettes eurent l’heur de plaire à certains de mes « adversaires politiques » du lieu, un peu surpris toutefois qu’un réac puisse faire dans l’humour, attitude que chacun sait être de gauche.

Suite à un ennui informatique, j’avais perdu tous ces textes ainsi que d’autres œuvres dont il faudra bien que l’histoire de la littérature universelle apprenne à se passer. Sur les conseils de Sébastien (qui hantait ces lieux et à qui il arrive de commenter ici comme chez Monsieur Goux) je parvins,  il y aura bientôt deux ans,  à en récupérer quelques uns. Mes recherches me menèrent avant-hier à en retrouver davantage. Je les relus, et, les abordant d’un œil neuf (mon amnésie sélective m’amène à perdre tout souvenir de ce que j’ai lu et même de ce que j’ai écrit) elles me firent bien rire, tant je suis bon public. J’ai donc décidé d’en publier quelques unes ici.

Ces textes écrits et publiés il y a 6 ou 7 ans, m’ont permis de réaliser qu’en ces temps qui s’éloignent j’avais une veine bien plus gauloise qu’aujourd’hui. Le quasi-vieillard digne, sérieux, d’une sagesse profonde voire austère que je suis devenu a du mal à se reconnaître dans ce quinquagénaire égrillard qui écrivait des co(cho)nneries d’un autre style. La seule pensée que j’aie pu m’abaisser jusqu’à évoquer la tenue d’un CRS (Championnat Régional de Sodomie (en salle)) fait monter le rouge de la honte à mon front chenu. S’ils ne vous plaisent pas, vous n’aurez qu’à vous prendre à l’odieux Didier.

 Pour commencer ce cycle, je vous proposerai le début d’une nouvelle aventure de Ginette Dubourg, jeune rosière à la mode baugeoise dont j’avais déjà esquissé le portrait en action  ici et .



Pour en finir avec « L’autocar de l’effroi »

La semaine dernière, selon certains, des scènes d’une violence inouïe se seraient déroulées à l’intérieur de l’autocar qui relie Bézouilly-en-Baugeois à Corbinville-la-Houleuse via Saint-Marcelin.

En cette période pré-électorale, on raconte que tout aurait été fait pour éviter que la divulgation des faits ne crée un climat de psychose favorable au vote extrémiste. La déontologie nous impose de rétablir la vérité. Une équipe d’enquêteurs a donc été mise sur l’affaire. Après mure réflexion, la rédaction a décidé de vous livrer les résultats de leur travail, pensant qu’une relation objective des événements est toujours préférable aux ravages qu’opère la rumeur.

Au départ de Bézouilly, jeudi dernier à 7 heures et demie, rien de spécial. L’autocar emmenait vers le chef-lieu d’arrondissement son lot habituel de vieux à casquette et de ménagères âgées à fichu, munies de ces sacs à provisions indispensables les jours de marché. Certains saucissonnaient comme il se doit, faisant passer une flasque de bouillette* ou une bouteille de rouge dont on se désaltérait à la régalade. A chaque arrêt montaient de nouveaux passagers qui rendaient à grands cris leurs salutations à ceux qui les accueillaient avant de prendre place lourdement dans les sièges fatigués. On atteignit ainsi Saint-Marcelin.

« Elle a toujours eu mauvais genre, la fille à Dubourg,», nous relate une passagère qui a préféré conserver l’anonymat. « C’est à se demander comment elle a pu devenir Rosière ! Enfin, si M. Rougier-Marcelin a insisté pour que ce soit elle, il doit y avoir de bonnes raisons. C’est pas moi qui irais le critiquer. » Selon ce témoin, la tenue de la jeune fille qui monta dans le car à Saint-Marcelin contrastait fortement avec celle de ses compagnons de voyage. Son voisin de car, M. Léo F., qui écrit des chansonnettes, la décrit ainsi. « C’te nana, a’ portait un’ robe de cuir, comme un fuseau qu’avait du chien sans l’faire exprès. A ras-l’bonbon, sauf vot’ respect ! Et puis moulante ! Le haut, j’vous dis pas. Même au Comice à Corbinville, j’ai jamais vu autant de mamelle à la fois ! Et pareil pour c’qu’est du jambon. ». Même en faisant la part de l’exagération poétique, il faut reconnaître que Ginette Dubourg portait une tenue plus suggestive que celle de la ménagère, fut-elle de moins de cinquante ans, qui se rend au marché. Toutefois, ce qui frappa le plus les voyageurs ne fut pas la mise de la jeune fille mais sa démarche incertaine. Avant de s’affaler sur la banquette du fond, elle s’écroula plusieurs fois, dans des éclats de rire niais, sur les passagers médusés. « J’aurais ben voulu qu’a m’tombe dessus, déclara le vieux Léo, quitte à mourir enfoui sous une avalanche de loloches ! Une bien belle mort, ç’aurait été ! »

Tout le monde ne sembla pas prendre les choses avec la légèreté de notre poète. Suite à cette traversée, l’échange de banalités habituelles fit place au silence réprobateur. Seul le ronronnement du moteur se faisait entendre. C’est une odeur de foin brûlé qui fit se retourner les gens. Et leurs femmes qui contraignirent les hommes à regarder ailleurs. Une jambe reposant sur le dossier du dernier siège de chaque rangée, laissant voir ce qu’un string aurait pu tenter de cacher, Ginette venait de s’allumer une cigarette. De forme tronconique. Visiblement roulée main. Et qui ne sentait pas vraiment le tabac. « On a beau être dans le Baugeois, on entend quand même parler des choses… » nous déclara une passagère. « Faut pas nous prendre pour des arriérés, on sait bien que c’est interdit ce qu’elle faisait cette gamine. On fume pas dans les autocars, enfin pas quand y’a tant d’ monde ! »

Une voyageuse se risqua à faire remarquer à la Rosière en quoi son comportement était déplacé. Mal lui en prit, car au lieu d’obtempérer à ses requêtes, la jeune effrontée adressa à celle qu’elle qualifia entre autres de « vieille morue » une litanie semée d’injures. De ses propos, dont la véhémence cachait mal l’articulation pâteuse et quelque peu embarrassée, il ressortit en substance que la passagère en question ferait bien d’aller pratiquer le coït anal en pays méditerranéen, que ce car de merde rempli de vieux cons puait la mort et qu’en conséquence, elle irait passer son examen à pied. Cela dit, elle se leva tant bien que mal et entreprit de se diriger vers l’avant du car. Au passage, elle confisqua à Arsène Boulanger la bouteille de bouillette dont il accompagnait ses déplacements commerciaux. Elle en avala l’essentiel d’une lampée avant d’asperger quelques passagers du reste de son contenu. Une sorte d’hystérie s’ensuivit. Car la bouillette, c’est son seul défaut, tache. Des cris stridents retentirent, faisant se retourner le chauffeur. Conséquemment, le car se mit à zigzaguer Reprenant ses esprits, le chauffeur rétablit bien vite la trajectoire, malgré les hurlements dus au tangage. Continuant sa laborieuse remontée, la pulpeuse imbibée s’empara au passage d’un litre de blanc au goulot duquel elle se désaltéra. Parvenue à la hauteur du chauffeur, Ginette, boitant à cause d’un talon aiguille cassé, lui intima dans les termes suivants l’ordre de s’arrêter : « Tu vas l’arrêter ton putain de car de merde, Athénagoras ! ». Ce curieux surnom, Jean-Claude Dubas le traînait depuis les années 60 où sa barbe fournie de viril adolescent lui avait valu d’être comparé au patriarche orthodoxe de l’époque.

Pour le moins perturbé par cette apostrophe, le jeune remplaçant de Jean-Claude tourna son visage glabre vers la jeune fille qui réalisa immédiatement sa méprise.

- Putain, mais c’est pas Athénagoras, c’est un p’tit jeune homme, s’écria la distraite ! Mais c’est qu’il est mignon comme tout ce p’tit chauffeur ! Petit, mais mignon ! D’ailleurs petit, ça veut rien dire. Comme disait ma grand-mère, ces petits gars-là, faut pas s’y fier, ça a l’air de rien, mais c’est tout en queue…

La colère fit alors place en elle à une montée irrésistible de libido.

* La bouillette est une boisson locale, une eau de vie aux vertus puissantes qui l'apparentent à la panacée. 

A suivre…

14 commentaires:

  1. Ben tiens ! Môssieur Jacques Étienne écrit des cochonneries, mais c'est la faute de ce pauvre Didier Goux, si délicat, pudique et réservé ! Non mais quelle honte !

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    1. Vous n'êtes pas responsable de l'écriture mais de l'exhumation de ces textes.

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  2. Ça fait longtemps que je ne commente plus. Je me contente de lire. Au fait, Jacques Bertin n'est pas un gauchiste. S'il l'a été, il ne l'est plus. Comme en témoigne ce texte digne d'un vilain réactionnaire :

    Les petits blancs

    Le lien avait été publié sur Ecrits-Vains, c'est pourquoi je m'en rappelle. Merci de nous rappeler cette heureuse époque. Vos Chroniques de Saint-Marcelin-en-Bauge étaient vraiment très bien. Au plaisir de vous lire et longue vie à ce blog !

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    1. Stupéfiant, ce texte de Bertin ! J'en fais immédiatement un billet chez moi. Merci à vous pour le lien…

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    2. Stupéfiant ?
      On doit aussi pouvoir en trouver...
      Zola n'y retrouverait pas l’Assommoir mais depuis il y en a bien d'autres.
      C'est Bamako et la Casbah réunies et M. Daniel Vaillant semble trouver ça très pittoresque.

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    3. @ Sébastien : Merci de votre appréciation et de vos vœux . Tout ça ne nous rajeunit pas...

      @fredi : Gervaise habitait la toute voisine Goutte d'or, non ? Quartier également charmant par son cosmopolitisme.

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  3. Il y a une chose qui m'intrigue, qui ne colle pas.
    C'est l'invisibilité de ces millions de musulmans français. Tout le monde se croit autorisé à parler d'eux, mais eux nous ne les voyons pas, ne les entendons pas. Aucun pour venir nous vanter les mérites de la charia au 20h, pour nous démontrer la compatibilité de l'Islam et de ces douceurs avec nos lumières, pour crier leur désir de vivre ensemble. C'est curieux. A leur place un hystérique, un évadé de la camisole, qui cauchemarde en français et doit rêver d'Aliyah, Claude Askolovitch, se fait leur porte parole, crie avec eux sa haine du pays qui les accueille.
    Mais eux, où sont-ils ?

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    1. Je trouve votre jugement sur ce brave Askolovitch un peu trop modéré. Était-ce hier ou avant-hier qu'on entendit ses propos délirants sur la RSC ? Il ne se rend même pas compte qu'il serait en tête de liste si ses "amis" étaient à même de mener une épuration. Triste connard !

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  4. Mais dites donc, c'est tout à fait succulent, ça!
    Ne laissez pas perdre un talent pareil, recommencez, quitte à abandonner un ou deux carrés de poireaux...
    Amitiés.

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    1. marci Nouratin ! Le jardinage va se tasser : les récoltes touchent à leur fin. Et puis, des Chroniques de Saint-Marcelin, j'en ai encore 11 en stock...

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