mardi 5 février 2013

Relire Céline



Pour me changer les idées, je me suis lancé, une fois lue La Guerre et la paix, dans le Céline de Maurice Bardèche. Il m’avait été offert par mon ex-épouse pour Noël 1986 («  du temps heureux où nous étions amis »). Je suppose l’avoir lu alors, mais vingt-six ans plus tard il ne m’en restait pas le moindre souvenir. Je viens d’en terminer la lecture.

Qu’en dire ? D’abord qu’en en ôtant les redites, l’ouvrage eût été plus digeste. Ensuite que mettre en parallèle un auteur et son œuvre est quasi incontournable depuis Sainte-Beuve mais que dans le cas du Docteur Destouches ça pose problème dans la mesure où son œuvre est largement autobiographique ou du moins mêle des éléments transposés de la vie de l’auteur à des moments de délire qu’il voulait poétiques ou comiques.

Je ne suis pas un grand amateur de critique. Pour moi, cette activité que certains comiques iraient, quand ils sont en forme, jusqu’à placer au-dessus des créations, devrait se borner à faire connaître et susciter l’envie de lire ces dernières. Une lecture est toujours subjective et nous apprend souvent plus sur le lecteur que sur son sujet.

En plus de lire toute l’œuvre de Céline, j’ai beaucoup lu sur lui. Et je le regrette. Je préfèrerais ignorer que Bardamu ou Ferdinand revisitent  à leur manière la vie de M. Destouches. Le Voyage et Mort à crédit ont une valeur intrinsèque suffisante pour qu’on se dispense de supputer là où leur auteur triche, ment, dissimule, arrange ou délire. On n’a pas grand-chose à gagner, au moins pour ce qui est du plaisir de la lecture,  à leur superposer en calque la vraie vie de leur auteur. Surtout, que ledit auteur me paraît bien moins intéressant que ses deux premières « fictions ». Bien sûr, Céline n’est pas étranger, par la nature même de ses écrits,  à cette fâcheuse tendance. Il l’aura bien cherché ! Je veux bien admettre qu’Emma Bovary soit Flaubert mais je suis plutôt satisfait que Bardamu et Ferdinand ne soient pas vraiment Céline.

En fait, tout bien pesé, je n’arrive à retenir de son œuvre relativement modeste en volume que les deux premiers romans. Passons sur les pamphlets qui justifient largement ses ennuis ultérieurs. Guignol’s band (I et II), Féérie, D’un Château l’autre, Nord et Rigodon ont tendance à me tomber des mains, même si Bardèche semble retrouver dans l’ultime trilogie le « vrai » Céline, même si pour certains fans le « vrai »Céline ne s’affirme qu’après Mort à crédit. S’il n’est « vrai » qu’en hachant ses phrases jusqu’à en faire une incompréhensible bouillie, je le préfère « faux ».

Il m’arrive de penser qu’après le Voyage, le docteur Destouches aurait dû retourner à ses chers patients ou se mettre au bilboquet. Quand on atteint certains sommets, on ne peut que redescendre.

La lecture de Bardèche m’aura cependant été utile : En ravivant les traits d’un personnage que j’apprécie encore moins après son livre, il m’a donné l’envie de retourner au Voyage afin de dissiper un certain malaise. J’espère que cette énième lecture, comme celles qui l’ont précédée, sera un grand moment.

3 commentaires:

  1. Et dans la foulée, n'oubliez pas de relire aussi
    "Mort à crédit", dans l'ordre littéraire je crois que c'est le meilleur.
    Amitiés.

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  2. Entièrement d'accord avec votre avant dernier paragraphe. Le Voyage est un très grand roman, après...

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  3. @ Nouratin : Je pense que la glissade de Céline vers sa "petite musique" qui le mène au galimatias commence avec Mort à crédit. J'ai partagé votre opinion un temps fut, mais, avec le temps et les relectures je suis revenu à considérer le Voyage comme son sommet.

    @ Aristide : Les grands esprits se rencontrent.

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