vendredi 9 novembre 2012

Huissier mon ami !



Les huissiers sont des mal-aimés.  Sans le moindre Apollinaire pour les chanter. Mettez-vous à leur place… Vous croyez que c’est marrant, vous, d’arriver chez les gens avec du papier bleu, d’avoir à leur réclamer des sommes qu’ils n’ont généralement pas, d’être contraint de leur proposer des arrangements alors qu’un paiement franc et massif serait tellement plus simple ?

Sans compter que la plupart de vos clients ont tendance à n’apprécier que moyennement votre visite. Comme si c’était de votre propre initiative que vous veniez les importuner !  Certains se montrent même agressifs, quand ils ne vous refusent pas l’entrée de leur demeure.  Un bien triste métier.

Fut un temps où j’eus régulièrement affaire à ces braves gens. Ce ne fut pas une période agréable, bien que j’eusse toujours été du genre accommodant et que j’eusse compris le côté ingrat de leur mission.  Je ne les blâmais pas d’exercer leur ministère et les recevais aimablement. J’ai connu tous ceux de la ville. Il y en avait de timides qui, redoutant un mauvais accueil, mettaient un point d’honneur à prendre un air désagréable, limite agressif, de plus bonhommes avec qui, une fois la saisie conservatoire effectuée dans la bonne humeur, nous devisions des malheurs du temps. Et puis il y en eut un qui… Que… Enfin, un qui me marqua.

Maître X continue d’exercer son sacerdoce dans la belle ville d’Y. Je ne serai donc pas plus précis. D’emblée, nous sympathisâmes. Surtout lui. Il prit bien vite l’habitude de m’appeler Chef ou mon Chef, parfois même Grand Chef. J’ai toujours détesté cette forme d’adresse. Nous nous entendions à merveille, je crois même qu’il m’estimait vu qu’un jour il me déclara : « Vous, ça va,  vous êtes correct, mais ceux qui ne le sont pas, je les laisse à poil sur le trottoir ». L’idée que, quoi qu’il arrive, il me laisserait un caleçon fut un baume à mon cœur meurtri.

Un jour, lui rendant visite pour quelque règlement, je vis qu’il avait changé d’adresse. Je me rendis donc à ses nouveaux locaux et fus frappé par la beauté des lieux. Le hall d’entrée, de proportions imposantes,  foisonnait de plantes vertes. La décoration en était sobre, élégante, de bon goût.  La réussite dont ces aménagements témoignaient ne put que me réjouir tant le succès d’autrui et un emploi judicieux de mes modestes contributions furent agréables à mon âme que l’envie épargne. Il se trouva que Maître X, tandis que je m’entretenais avec la personne de l’accueil, sortit de son bureau et,  m’apercevant vint  saluer « son chef » et s’enquérir de sa bonne santé. A son « Comment il va ? » Je lui répondis, montrant d’un geste ses nouvelles installations : « Visiblement moins bien que vous, Maître ! ». Croyant y voir je ne sais quelle ironie, le brave garçon  me répliqua avec bienveillance : «Ça, il me le paiera ! ». Bien sûr, sa bonne nature lui interdit de n’en rien faire.

Il advint une autre fois que j’eus quelque menu détail financier à régler avec lui. Son bureau se montra à la hauteur du hall. Il m’invita à m’assoir. Je le fis, puis trouvant le fauteuil offert un peu trop éloigné de son bureau, je tentai, machinalement, de rapprocher celui-ci dudit meuble. Je m’aperçus que le siège était solidement fixé au sol. Maître X m’expliqua que l’éloignement était dû au fait qu’il jugeait certains clients un brin malodorants et que leur fixation évitait certaines tentatives de jet que les colériques auraient  sûrement regrettées tout en lui épargnant de menues contusions…

La dernière fois que je le croisai, j’étais en compagnie de mon épouse.  Nous n’étions plus en affaires. Visiblement, la plastique de ma compagne l’impressionna favorablement. Il exprima son admiration avec tact : « Mais c’est qu’il a une belle femme, le Chef. C’est pour ça qu’’il ne me l’avait jamais montrée… ». J’ai édulcoré un peu, ne voulant pas m’enorgueillir de compliments  qui ne s’adressaient qu’indirectement à moi.

Tout ça pour dire que, quelque délicates soient les circonstances, on rencontre des personnes dont les hautes qualités enrichissent et rassurent quant à délicatesse naturelle de l’humain.

4 commentaires:

  1. Personnellement je ne me suis jamais rendu compte du visage que pouvait bien avoir l'huissier qui avait décidé de me faire rendre gorge.
    Mon bull-mastiff l'attendait au portail et je retrouvais le papier bleu tout maculé de boue par-terre le lendemain de la visite qui était passée totalement inaperçue, puisque le pauvre homme (ou femme ?) n'avait jamais pu atteindre la sonnette.

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  2. Vous avez des amis particuliers.Je les imagine toujours en vautour voir pire en hyènes.

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