jeudi 24 novembre 2011

Voyage (scolaire) au bout des ennuis





Un jour, au zoo, l’idée saugrenue d’emmener l’ensemble des cinquièmes passer une semaine en Angleterre germa dans l’esprit ingénu d’une jeune collègue d’anglais. Le projet dut plaire puisqu’il se réalisa. Je fus choisi, avec mon vieil ami D, anglais et ex-militaire dont la conception musclée de l’encadrement se montra bien souvent utile, une jeune collègue et l’initiatrice du projet pour accompagner le convoi.

Un voyage scolaire n’est jamais reposant. Mais emmener une cinquantaine de p’tits gars en car avec quatre accompagnateurs c’est plus que de la témérité. Cette semaine dépassa mes angoisses.

Je passerai rapidement sur le début d’incendie qu’ils allumèrent dans le car, sur la manière peu protocolaire dont nous nous fîmes virer par les gardes du parvis de Westminster abbey, sur les longues marches à travers Londres au cours desquelles  ils s’amusaient à ennuyer les vieilles personnes croisées, sur les soirées entrecoupées des coups de fils de familles d’accueil qui nous exprimaient leurs nombreux griefs et déceptions  ainsi que sur les pleurs de nos petites collègues quand les événements les dépassaient.  Je ne retiendrai que trois moments forts de cette infernale odyssée : la visite au zoo, ma nuit à l’hôpital et le moment des adieux.

Nos p’tits gars semblant intéressés par les bêtes, nous les laissâmes baguenauder à leur aise dans les allées du zoo, leur demandant de nous rejoindre à une heure donnée dans le hall. Tandis que je les y attendais, l’un d’eux vint me demander ce qu’il pouvait acheter avec la monnaie qu’il tenait dans sa main. Visiblement pas grand-chose, lui dis-je au vu de la somme que je comptais pour lui tout en remarquant qu’elles étaient un peu bizarres d'aspect, ses pièces. Nos ouailles rassemblées, nous montâmes dans le car et nous apprêtions à partir quand un agent de la sécurité frappa à la porte tandis que ses collègues entouraient notre véhicule. Une fois dans le car, il nous expliqua que nos petits anges avaient vidé de son argent la fontaine des vœux et que, s’ils ne restituaient pas ledit argent, ils appelleraient la police. On traduisit et alors les fenêtres du car s’ouvrirent et s’en échappa une pluie de pièces à faire rêver un chanteur de cour : nos chères têtes pas-toujours-aussi-blondes-que-ça se délestaient fissa de leur bigaille afin de ne pas se faire prendre les poches pleines de pièces oxydées.  Après une première quête dans le car, auprès de ceux qui n’étaient pas près d’une fenêtre, quelques volontaires désignés furent chargés de ramasser, par seaux entiers, les piécettes qui jonchaient le sol autour du car sous le regard soupçonneux des gardes. La sécurité, satisfaite, finit par nous laisser partir…

Un soir, alors que nous nous préparions à une nuit de repos bien méritée, le téléphone sonna et une brave dame affolée m’annonça que le p’tit gars qu’elle hébergeait souffrait de violentes douleurs aux parties. Elle allait l’emmener à l’hôpital mais il lui fallait un interprète. J’acceptai. Je n’aurais pas dû. Si vous ne connaissez pas le service d’urgence d’un hôpital anglais, je ne voudrais pas vous priver de la surprise quand vous en ferez l’expérience. C’est,  disons, ...étonnant.  Pour faire court, après quelques longues heures d’attente en compagnie du gars qui geignait, nous finîmes par rencontrer un médecin qui m’annonça que le petit s’était, allez savoir comment, retourné un testicule et qu’il fallait l’opérer d’urgence. Au cas où il serait trop tard, l’ablation s’imposerait. Je tentai alors d’appeler  le numéro de portable  des parents mais, bien entendu, personne ne me répondit. Je me trouvai donc, de facto, responsable légal du gamin ayant à décider de l’opportunité de l’opération. Je ne pus qu’accepter, mais tout le temps qu’elle dura je n’en menais pas large. Un p’tit gars qui se serait réveillé avec un petit quelque chose en moins aurait peut-être été difficilement gérable… Tout se passa bien. Ouf ! Vu l’heure tardive, on me proposa de garder le petit, et, toujours serviable,  j’acceptai de rester lui tenir compagnie. On m’offrit donc un lit pliant particulièrement inconfortable et ainsi je pus passer une nuit d’insomnie rythmée par les hurlements de bébés et de jeunes enfants malades qui font le charme ordinaire d'un service de pédiatrie. A côté de moi, le jeune ronflait du sommeil du soulagé…

Tout ayant une fin, même les pires choses, le jour du départ arriva. Les hébergeurs nous ramenèrent nos  chers petits. Certains, après nous les avoir déposés, revinrent bien vite. Eh oui, certaines séparations sont difficiles… C’était d’ailleurs réciproque. Quelques p’tits gars, probablement pour garder un objet auquel accrocher les souvenirs de cette semaine mémorable, avaient cru bon, dans leur innocente fraîcheur, d’emporter avec eux quelques petits souvenirs de la famille qui les avait accueillis. Curieusement, les familles en question  auraient préféré que leurs souvenirs demeurent purement sentimentaux et venaient donc réclamer qu’on leur rendît les bibelots ou autres pièces d’argenterie selon eux dérobés. Tout le monde n’est pas Monseigneur Bienvenu. C’est dommage mais c’est comme ça. Cerise pourrie sur l’infect gâteau, dans une démarche inverse, un des p’tits gars avait tenu à laisser un souvenir à ses logeurs : n’ayant rien à offrir, le pauvre, avant de refaire consciencieusement son lit, avait copieusement pissé sur le matelas. Les babioles restituées, la propriétaire du matelas dédommagée , nous reprîmes le chemin de  Doulce France, les yeux emplis d’étoiles…

18 commentaires:

  1. @ Jacques,

    Je lirais pas vos textes le Vendredi car tout le sait: "Tel qui rit Vendredi,pleurera Dimanche".

    Toujours bien écrit et avec un tant d'humour.

    Désolé pour mon proverbe africain, je ne me doutais qu'il allait déclencher une telle chienlit.

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  2. J'adore lorsque je lis un texte y trouver un mot que je ne connaissais pas. Aujourd'hui "bigaille" !
    Moi, j'aurais bêtement écrit "mitraille".
    Je consulte l'abrégé du Littré qui est toujours ouvert sur ma table. Déception, on y passe directement de "bifurquer" à "bigame".
    Qu'à cela ne tienne, je m'empare du volume 2 de mon Littré en 20 volumes, et là, récompense :
    BIGAILLE (bi-ga-ll',ll mouillées), n.f. Nom générique des insectes ailés dans nos colonies. ETYM. Bigaille est, dans l'Aunis, le nom du menu fretin, du petit poisson, Gloss. aunisien, La Rochelle, 1870, p.72.

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  3. @ Grandpas : Votre prudence est peut-être justifiée mais comme nul ne saurait jurer vendredi qu'il sera encore là dimanche je continue personnellement à prendre le risque.

    Puisque vous vous repentez de votre proverbe, je vous absous !

    @ Mildred : bigaille est un reste d'argot de mon enfance banlieusarde : "j'ai que d'la bigaille, ça vous dérange pas ?" s'excusait le client auprès de la boutiquière quand il payait ses courses en menue monnaie. La commerçante le rassurait bien vite, lui disant toujours en manquer. C'était avant le verlan... J'ai un peu hésité à utiliser ce mot rare, mais mon brave Word ne l'ayant pas souligné fautif, j'osai. Suite à votre commentaire, je me saisis de mon fidèle Petit Robert et ne l'y trouvai pas. J'ai dû recourir à Google pour trouver ça : http://www.cnrtl.fr/lexicographie/bigaille

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  4. Monsieur,

    On sent dans votre propos un je-ne-sais-quoi de relent nauséabond et vous déshonorez votre profession. Visiblement, vous êtes d’une génération antérieure au renouveau pédagogique dont bénéficient heureusement nos élèves aujourd’hui. Nous avons là la confirmation des effets pernicieux de la dictature sarkosyste tant il est vrai qu’on aurait dû vous mettre à pied depuis longtemps…
    J’en veux pour preuve les sous-entendus stigmatisant de votre prose : L’expression "chères têtes blondes", signifiant générique désignant les enfants, ne saurait être dévoyée par la vipérine mention : "pas-toujours-aussi-blondes-que-ça"… C’est totalement inacceptable !
    En outre, votre description de ces jeux innocents est entachée d’une exagération systématique et de votre volonté manifeste d’occulter le reste. Cacher ainsi à vos lecteurs tout l’enrichissement procuré par un tel voyage à ces jeunes apprenants, leur joie innocente, leur émerveillement de découvrir une autre culture et de faire des progrès linguistiques ; tout ça relève d’une désinformation fascisante…
    Nous nous voyons contraints de faire à votre sujet un "signalement"

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  5. Être en Angleterre et aller au zoo quand il suffit pourtant de déambuler dans les rues. Quelle idée.

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  6. Quelle idée aussi d'emmener un zoo en Angleterre !
    J'espère qu'elle en a fait beaucoup d'autres, votre jeune collègue…
    Je ne me pose pas la question pour vous.

    Grandpas:
    Merci de votre humour et de votre appréciation: Chienlit vous-même !
    Il fallait le dire que c'était un blog où il ne faut pas délirer !
    Moi j'ai lu ce panneau dans l'entrée:"Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane."
    Donc, dorénavant, soit je serai sérieuse, soit je la fermerai.
    Plus de chienlit. (j'adore ce mot, pas vexant du tout, je trouve)

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  7. Je ne sais pas si jacques ne veut que des gens sérieux ici mais Grandpas et Mildred ont l'air de vouloir jouer les modérateurs.
    J'ai déjà supprimé des commentaires hier, j'aimerais bien avoir l'avis du maître de céans la-dessus.
    Vous voulez du pisse-vinaigre ? du sérieux ? du tout-venant ?

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  8. @ Plouc : Monsieur, vous avez arraché le masque bouffon qui dissimule maladroitement ma nature profondément mauvaise. Je n'aurais pas l'impudence d'argumenter qu'en parlant de têtes "pas-toujours-aussi-blondes-que-ça" je ne faisais que décrire la réalité. Les sous-entendus hurlent si fort que les nier serait peu crédible.
    Il est vrai que je n'ai pas non plus suffisamment insisté sur l'enrichissement qu'apporta sans aucun doute cette occasion d'ouverture à l'autre à nos petits protégés.
    Je m'en repens.
    Quant à mon approche passéiste du rapport au jeune, elle fut souligné au retour par nos jeunes collègues à notre bon directeur devant qui elles critiquèrent nos interventions musclées, à D. et à moi, lorsque la situation devenait critique. Peut-être aurions-nous dû les laisser brûler le car, bousculer les personnes âgées, se battre sauvagement entre eux et comme elles, pleurer ou leur prêcher un comportement plus cool...

    @ Fikmonskof : Totalement d'accord.

    @ Carine : Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on délire ici. Tant que l'on reste dans les limites de la bienséance (voire de la bienséance élargie) et qu'on ne s'y bat pas comme chiffonniers.

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  9. @ Carine : Curieusement, cette expérience semble avoir fait passer à ma jeune collègue le goût de excursions...

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  10. Jacques:
    "notre bon directeur devant qui elles critiquèrent nos interventions musclées, à D. et à moi, lorsque la situation devenait critique."

    Vous avez eu de la chance !
    Elles auraient pu vous accuser d'avoir "retourné le testicule" du ptit blond en question.
    Et là, allez donc vous défendre…Beaucoup se sont fait avoir.

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  11. "Carine : Je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on délire ici. Tant que l'on reste dans les limites de la bienséance "
    Merci Jacques, il fallait que cela fût dit ^^

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  12. Monsieur plouc émissaire veut peut-être tenter l expérience de l enseignement dans cet établissement où les jeunes sont si "taquins". Disons qu une heure serait amplement suffisante pour le test. Il devrait s enfuir en courant avant comme tous ceux qui sont arrivés avec cet optimisme. ..

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  13. Ah ! la fameuse "torsion de testicule"...on aimerait que l'épidémiologie suive la morale et qu'elle atteigne de préférence ceux qui ont beaucoup fauté. Il n'en est rien, malheureusement.

    Cher Jacques , votre blog est vraiment un régal

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  14. Caro, comme Nicole, tu t'es laissée piéger par le second degré du Plouc (Lequel n'est qu'un affreux réac comme il va jusqu'à l'avouer)! Ça prouve que c'est habilement fait et que ce genre de discours est couramment tenu, mais sans rire, par bien des gens.

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  15. ouais ! j'ai douté pendant un moment...

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  16. @ Carine

    Je suis loin d'être un père la pudeur donc loin de moi l'idée de jouer les modérateurs moralistes.

    Des proverbes africains, j'en ai plein un livre et que pensez vous de celui ci:

    " Le singe qui ne voit son derrière se moque des autres singes"

    Bonne journée

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  17. Jacques en passant par chez vous j’ai trouvé cette missive orpheline de destinataire, c’est à vous je crois qu’elle s’adresse, je vous dépose donc la lettre, suivie de mon apostille.

    Cher Ignatius,
    Quel fâcheux moucheron vous aurait donc piqué qui conspirerait à troubler votre repos ? Est-ce donc pour apprendre le soninké que bourdonne le voisinage à tout propos ? Quel importun, quel commentaire alambiqué, contribuerait à renverser votre chapeau ? J’ai beau regarder, je cherche ce qui anime cet intérêt soudain pour les chats de gouttières. Qui oserait prétendre en ce blog équanime mener, lugubre, vile et vaine souricière ? La voix d’un fantôme me souffle votre tort, celle d’XP s’élevant des caves d’Ygor : Eh quoi ?! Deux lignes et vous voilà tous gonds dehors ! (Enfer et damnation ! Peste soit des gens lisses ! Tout juste six ans d’âge mental, et encore ! Des mille et une lignes vomies sur Ilys pas une consacrant son style, il n’en a pas.) Quant à vos statistiques exhalant leur trépas, reprit ce cavilleux rhéteur le verbe haut, elles sont à deux chiffres, c’est un maigre repas, faites attention au tigre de Bornéo, il paraitrait qu’entre deux pets et un grand pas, parfois on le dise un petit peu cannibale, je vous souhaite avec lui un joyeux rodéo, il a dévoré tout le QI du Bengale. Bien à vous. Signé Myrna Minkoff

    Mais la voix semblait sombrer plus que hisser haut sa verve rageuse devenue sourde et atone, comme enlisée dans les douves d’Adrénaline, bannie après en avoir convoité le trône. La parole en berne, toute voilure éteinte, rassemblait ses navires pour rentrer au port, les mots, d’un froid nocturne subissant l’étreinte, prenaient d’étranges allures de mauvais sort.

    Qu’elle est curieuse et laide la patrie des blogs, l’un fait la teigne, l’autre le rogue, distribue les châtaignes puis retourne dans sa bogue. Le goujat s’y plait et le cuistre, tantôt on croise quelques basanés, enfin de ces gens qui ont le dit un peu bistre, le lendemain c’est d’une langue surannée que l’on se fait remonter les bretelles, et l’on y noie comme dans le vin ses années, en triste clown ou joyeux ménestrel.

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