mercredi 30 novembre 2011

Polémiques




Ces derniers temps, certains de mes amis virtuels se sont trouvés mêlés à des polémiques plutôt violentes. Vous savez, ce que mon pote Robert, dit Le Petit, décrit comme un "débat par écrit, vif ou agressif".  Vif, ça se discute. C'est parfois presque lourd. En revanche, pour ce qui est de l'agressivité, on ne peut pas se plaindre, elle est là et bien là. 

Les participants se donnent du mal. Ce n'est pas toujours facile de trouver une ordure bien dégueulasse à balancer à travers la gueule de l'adversaire. Quelque chose qui blesse, humilie, salisse. Certains s'y essaient mais, probablement handicapés par les  restes d'un début d'éducation ou plus souvent par l’exiguïté de leurs champs lexicaux, pataugent lamentablement. 

La méchanceté est une condition nécessaire de la polémique mais pas suffisante, loin s'en faut. Comme tout sport, la dispute de plume exige qu'on ait un don au départ mais comme disait tonton Georges "sans technique un don n'est rien qu'une sale manie". Il faut savoir jauger son adversaire, trouver son talon d'Achille, le défaut de sa cuirasse. La pire des insultes, mal adaptée à son destinataire, fait un flop. Par exemple traiter de "pauvre puceau" un p'tit jeune qui n'aurait pas connu l'amour peut être blessant mais adressée à DSK la même insinuation perd de sa force...

Des questions se posent pourtant : Pourquoi polémiquer ?  Qu'est-ce qui peut bien pousser un bon petit gars, une gentille fille, plutôt timides, du genre à tenir la porte à celui ou celle qui les suit, à laisser leur place assise à une personne âgée à revêtir, sur le net, une panoplie de bretteur et à s'inventer une personnalité de caïds de cité ? En plus violent ?

S'agit-il de schizophrénie ? Docteur Bonenfant et Mister Polémiqueur ? D'un mécanisme de compensation  où, caché derrière un pseudo, celui qui enfant se voulait invincible, parvenu à l'âge "adulte" poursuit tant bien que mal son rêve en devenant, par clavier interposé, le redoutable héros qu'il ne saurait-être dans la vie ?

L’Internet, avec ses forums, ses blogs, ses réseaux sociaux semble avoir multiplié les vengeurs masqués du bac à sable. On est en droit de se demander ce que les plus anciens faisaient avant. Passaient-ils leur nerfs sur leurs proches, insultant femme, enfants, chats, chiens et voisins ? Sur qui, faute d'Internet, les plus jeunes auraient-ils vomi ? S'en prendre à des gens réels est parfois délicat. Lassés de vos insultes, l'épouse peut vous quitter, les enfants vous pousser dans l'escalier, le chat vous griffer, le chien vous mordre, le voisin vous ramener à la raison d'un convivial coup de barre à mine dans les dents... Tandis que là les risques sont moindres. 

On peut aussi envisager que dans leurs villes de grande solitude les insulteurs du Net n'aient personne sur qui déverser les tonnes de bile qui leur tiennent lieu de personnalité : ni femme, ni enfant, ni voisins qui leur parlent, ni chat à fouetter, ni chien à martyriser. Qu'ils se sont fait virer de tous les bistrots où ils lançaient désespérément leurs invectives comme autant de grappins visant à les rattacher à un semblant d'existence.

J'ai beau faire des efforts, j'ai vraiment du mal à voir en ces polémistes haineux autre chose que de pauvres gens. Le meilleur service à leur rendre étant de les  ignorer, de s'efforcer de ne jamais leur répondre quelle que soit la violence de leurs attaques. Ce n'est pas toujours évident, mais entrer dans leur jeu c'est les laisser s'enfoncer dans leurs folles ornières, encourager leurs tendances schizoïdes, les dissuader de se construire autrement. C'est manquer de charité.

Tout ça pour dire qu'ici ils n'auront jamais leur place.

dimanche 27 novembre 2011

Le père Marcel, poivrot de village





Devant quitter mes collines pour quelques jours afin de m'acquitter de certaines tâches en rapport avec mon texte de ce matin, et ne bénéficiant, là où je vais d'aucune connexion Internet, j'ai pensé laisser à ceux de mes visiteurs qui apprécient de me lire de quoi combler cette absence. Je leur propose donc un texte écrit il y a quelques années et publié sur le site écrits ...vains . Ce texte fait partie des "Chroniques de Saint-Martin-en-Bauge" une série en partie publiée sur ce site et dont les autres ont disparu au cours de l'incendie qui voici deux ans ravagea un peu ma maison... Un petit dommage  pour moi mais une grande perte pour l'humanité, comme disait l'autre. Si jamais il advenait que ce texte vous plût, c'est avec plaisir que je vous en offrirai d'autres. Il se pourrait même que je complète la série...


Bonne lecture et à mercredi. Si tout va bien....



Le père Goussard passe ses journées sur un banc d’une place où ne passe personne. Ainsi passe son temps. C’est l’ancêtre du village, le doyen. Il attend on ne sait quoi. Peut-être même n’attend-il rien. Finir, c’est un sacré boulot. Vivre, n’importe quel con sait faire. Mais finir une vie…

Là, sur son banc de la place où personne ne passe, la casquette en défaite, la canne supportant mains noueuses aux ongles crasseux et menton rasé de loin, un kile de gros rouge aux pieds, Goussard finit . De temps en temps il finit son litron. C’est le signal de la longue marche. Pas celle de Mao. Celle du Marcel. Du Marcel Goussard. Longue en temps plus va le jour. Elle mène à l’autre place, celle de l’épicerie, où tout le monde passe. L’épicière saurait presque dire l’heure à ses passages. Heure d’été, heure d’hiver. Normal, en été il fait plus soif. On vient plus tôt au réassort.

Certains soirs d’été, quand approchent sept heures, le dernier retour du Marcel au banc se fait odyssée. Plein comme un fût, la canne hésitante, le litre mal assuré dans une main gauche qui tremble, la jambe flageolante et la direction incertaine, l’Ulysse marcelinois navigue tant bien que mal vers son Ithaque où aucune Pénélope ne l’attend. Ce qui, vu l’état du bonhomme, n’est pas vraiment désolant. Qu’est-ce qu’il en ferait d’une Pénélope ?

Ainsi passent les jours du Marcel, en attendant de passer de l’autre côté. Sur la place où personne ne passe et où lui seul habite. Oh, il n’avait pas toujours été le doyen ! Avant, il était l’ivrogne du village. Le bon à rien de service. De service, façon de parler… Quel service demander à un gars qu’est soûl comme une bourrique de matin au soir et du premier Janvier au trente et un décembre ? « Une vie régulière ! » disait le maire.

Personne ne se souvient plus de quand il est arrivé. Ni d’où il venait. Parce qu’il n’est pas du pays. Certains vieux pensent qu’il a dû arriver un peu après la mort du Thibault Duranthon. Un bel ivrogne aussi.. Ils n’en sont pas si sûrs… Toujours est-il que le Marcel habite le taudis où restait le Thibault. C’est là qu’il va s’écrouler le soir sauf les jours où, pour cause d’intempéries, il s’arsouille à domicile.

De quoi vit le Marcel ? De sa retraite. Retraite de quoi, vu qu’il a jamais rien branlé ? Ben, le minimum vieillesse, il y a droit…

En fait, il n’en est rien.

Marcel Goussard est un fonctionnaire à la retraite. Le dernier de sa catégorie. Le corps des poivrots de villages.

Fut un temps où tout village avait son poivrot, son idiot, son maire, son curé, sa fille facile et son instituteur. L’idiot est parti le premier. On dit que le chemin de fer l’a tué. Qu’il est parti en ville. Le curé, crise des vocations, vient d’Afrique et s’occupe de bien des paroisses. L’instituteur s’est regroupé pédagogiquement. La fille facile (souvent fille du poivrot) n’a plus de raison d’être, vu le relâchement des mœurs… Reste le maire.
Les gens ne se posaient pas de questions. C’était dans l’ordre des choses. Faut de tout pour faire un monde. Peu savaient que le poivrot était employé de l’état. Il arrivait bien que l’ivrogne déclarât être fonctionnaire les soirs de cuite sincère. Mais pourquoi y aurait-on porté plus d’attention qu’à ses autres dégoiseries ?

L’idée de la création d’un corps de poivrots de village payés par les fonds secrets , nous la devons à Hyppolite Bragemont (1826-1904), ministre de l’intérieur de 1882 à 1886. Elle découlait d’un constat : certes, il existait des poivrots, mais leur répartition était aléatoire. Certains villages en regorgeaient tandis que d’autres en étaient dépourvus. Il s’agissait donc d’assurer leur implantation régulière comme le requiert l’égalitarisme républicain.

Or, quoi de plus utile pour l’édification de la jeunesse et généralement pour la stabilité du corps social qu’un poivrot de village? Si la république voulait de robustes fantassins aptes à délivrer les cigognes de la tyrannie prussienne, ceux-ci devaient être exempts de ce vice d’intempérance qui tendait à ravager nos campagnes. Afin d’en limiter les dégâts, on décida donc de créer un corps de fonctionnaires dont la mission serait la suivante : montrer jusqu’à quel point de déchéance mènent l’alcool et l’oisiveté. Et ça marcha. Ca marcha même très bien.

On aurait pu avoir recours aux sermons, mais c’eût été faire la part belle au clergé et Bragemenont le radical n’y tenait pas trop. Les instituteurs faisaient leur possible lors des leçons de morale, mais leur public était restreint et son âge peu adapté. Et puis les sermons ou la morale, entre nous, hein, tout le monde s’en tape…

En revanche, un individu étalant son indignité sur chaque place aurait plus d’impact : les enfants seraient élevés dans la crainte de "finir comme le Marcel", les jeunes portés sur le canon y regarderaient à deux fois avant de se laisser trop glisser, et les plus fieffés soiffards auraient la consolation de voir pire qu’eux…

Bref ce système n’aurait que des avantage. Restait à assurer le recrutement de ce corps d’élite, hussards avinés de la république, à mettre au point un système de financement, et à établir un corps d’inspection afin d’éviter que des brebis vertueuses n’infectent le troupeau.

Le recrutement ne posait pas de problèmes : la France n’a jamais manqué de pochtrons et, même si par malheur s'y instaurait une tyrannie islamiste, elle n’en manquera jamais. Que parmi ceux-ci se trouvent des volontaires pour être payés à entretenir leur péché mignon, quoi de plus naturel ? La sélection se fit par concours. Seuls les plus aptes à rester défoncés du matin au soir étaient retenus.

Un habile système de financement fut mis au point : il fallait que le poivrot vive de la charité publique. On eût pu le faire passer pour un retraité de la coloniale , mais cela eût empêché les jeunes d’entrer dans la profession et pu donner naissance à une forme de compassion (« après les chaleurs qu’il a endurées… ») Abreuvé aux frais du contribuable, en plus du mépris, le poivrot provoquerait une sourde haine. Un accord fut donc passé entre le ministère de l’Intérieur et les maires afin que ceux-ci assurent la survie du poivrot par le biais de l’aide sociale. Ils recevraient du ministère le double des sommes engagées en espèces, à partager en égales parties entre le poivrot et leurs bonnes œuvres ainsi qu’une indemnité de taudis, l’emploi impliquant l’attribution d’un logement de fonction. A droite comme à gauche, ce financement reçut un accueil favorable. Les plus vertueux versèrent leur part qui aux bonnes œuvres de la paroisse qui au bureau d’entraide municipal. Les plus ordinaires répartirent ces subsides entre les différents postes de leur budget loisirs. Les plus corrompus prétendirent offrir des secours pharaoniques au poivrot afin de mieux se garnir les poches…

Les inspecteurs généraux des poivrots faisaient de régulières tournées pour vérifier que les employés du service étaient bien à la hauteur de leur tâche. Ils n’étaient en général pas déçus tant la sélection à l’entrée était draconienne. Les rares poivrots modérés étaient immédiatement mutés à la voirie.

Tout continua ainsi jusqu’au début des années soixante. L’exode rural et l’avènement de la télé sonnèrent le glas des poivrots de village : quand les rares habitants qui restaient passaient leurs soirées devant la télé, à quoi bon payer quelqu’un à faire le guignol sur une place ou personne ne passe ? On arrêta donc le recrutement (à peu près au même moment que celui des filles faciles, également fonctionnaires) puis on licencia les plus jeunes.

Le père Marcel, approchait de la retraite. Il garda son poste. Sa robuste constitution lui permit, l’âge venu, de continuer ses activités comme si le mot retraite n’avait pas de sens pour lui. Pourtant, personne ne songea à récompenser cet exemplaire dévouement . Pour Goussard, pas de médaille de la fonction publique. Pas d’Ordre National du Mérite. Pas de Légion d’Honneur.

Pourtant, un jour, son mérite sera reconnu. L’épicière ne le voyant pas alertera le maire. On découvrira le corps sans vie de Marcel dans son gourbi. On l’enterrera en douce dans le coin des indigents. Là où personne ne passe… Mais le peu qui à un moment ou à un autre évoqueront sa mémoire lui rendront le plus beau des hommages : « C’ÉTAIT QUAND MÊME UN SACRE POIVROT ! »

QUI DE NOUS VERRA, PAR-DELA LA MORT, SON MÉRITE AUSSI SINCÈREMENT RECONNU ?

La montre de Papa



Ce n’est pas la montre de quelqu’un qui n’a pas raté sa vie, c’est une montre toute simple, dépouillée,  fonctionnelle comme je les aime. Quand mon père est mort, il y a quelques semaines, j’ai voulu garder ce « souvenir ».  J’ai pourtant horreur des « souvenirs ». Je préfère les  vrais, ceux qu’on a dans la tête. Même s’il y en a beaucoup dont je me passerais.  Depuis je la porte et, bien souvent, elle joue le rôle que je voulais lui assigner en l’adoptant : en regardant l’heure, je pense à lui. Et je regarde très fréquemment, l’heure…

A force d’y penser, j’ai fini par accepter bien des choses : la lente décrépitude des dernières années, l’agonie finale, se sont inscrites dans une logique, quittant la  soi-disant injustice  que constituerait une « triste fin » pour celle, toute simple, de la vie. Eh oui, ce n’est pas bien gai de voir la maladie dégénérative envahir peu à peu un être et finir par ne plus lui laisser qu’une vie végétative, on préférerait quelque chose de plus enlevé… Une mort en pleine forme, en quelque sorte, une « fin rigolote », ou à tout le moins pas « triste ». Une qui prend en traître, quand on s’y attend le moins. Qui provoque chez ceux qui restent un choc, une peine, qui engendre le deuil, les larmes et cet absurde sentiment d’injustice… Ce qu’on appelle une belle mort.

Comme si c’était mieux ! Comme s’il n’était pas préférable d’être préparé, doucement,  dans la douleur aussi, à l’issue fatale ? Comme si finir par  la considérer comme une délivrance, pour le mort comme pour les autres n’atténuait pas la peine…

Je suis réconcilié avec sa mort. Le suis-je avec lui ? Oui. Il y a longtemps que le processus était engagé. Il n’était pas parfait. La patience, la générosité, l’altruisme n’étaient pas ses points forts. Il n’était pas exempt de mesquineries diverses non plus. Mais qui l’est ? Ses colères, ses jugements hâtifs et injustes sur bien des gens m’ont un temps mis hors de moi. Avec le temps, j’ai fini par m’y résigner : il ne changerait pas. Pas plus que je ne changerais. Est-il possible que l’on change d’ailleurs ? Serait-ce même souhaitable ?  Il est peut-être plus utile de se réconcilier avec soi-même. Ça aide à le faire avec les autres. Nous en étions donc venus, petit à petit, à un modus vivendi, à une acceptation mutuelle. Plutôt cordiale. Ce n’est déjà pas si mal…

Venu le temps des bilans, que me reste-t-il de ce père dont je me suis longtemps senti si différent ?  Dans toutes les familles, je suppose, dans la mienne en tout cas, les parents ont tendance à se répartir les enfants : l’un est censé être « du côté » de son père, l’autre « du côté » de sa mère. Il arrive aussi qu’un enfant paraisse « sorti de nulle part », une sorte de SFNI (Sujet Familial Non Identifiable) en qui personne ne se reconnaît. Mouton noir, vilain petit canard, forcément, car on se reconnaît toujours dans le beau cygne ou le mouton de concours.  J’étais dans ce schéma censé être le fifils à sa maman.  Et puis la vie m’a montré qu’en fait, même si je devais quelques traits à ma mère, j’avais beaucoup emprunté à mon père : son envie de changer de lieu, d’occupation, ses impatiences, un relatif goût de l’entreprise mais avant tout un trésor inestimable : la résilience. Cette capacité de rebondir qui fait que, quelle que soit la violence du choc subi, on retrouve sa forme première et on peut, pas trop cabossé, continuer sa route. Ce qui amène à une vision plutôt optimiste quoique désabusée de l’existence.

Ne serait-ce que pour ça : un grand merci Papa ! Je continuerai, quelques années j’espère, à regarder, souvent, mes heures à ta montre.

samedi 26 novembre 2011

Les paysans ? Ils ne pensent qu'à s'amuser ! (2)





Je l’ai déjà dit, le paysan est d’un naturel joueur. Sa soif inextinguible de distractions stimule sa créativité jusqu’à l’absurde.

Depuis plus d’une semaine, l’un d’entre eux se livre à une activité aussi nouvelle qu’intrigante. Ses tracteurs, roulant à tombeau ouvert, munis de très longues remorques passent d’abord à vide puis, plus lentement, chargés d’une étrange cargaison retournent d’où ils venaient. Je ne vois pas, de mon bureau l’endroit où ils se rendent. J’aperçois simplement, au loin, tracteurs et remorques monter lentement un chemin avant de disparaître de mon champ de vision.

J’ai d’abord cru qu’ils transportaient du bois. Mais, vu le volume chargé, ce n’était pas possible pour des raisons de poids. Intrigué, je profitai du passage devant ma maison d’un chargement pour en avoir le cœur net. Je fis une découverte étonnante : en fait, il s’agissait de sapins ! Pas de grands fûts de sapin, non, de sapins entiers mais petits !  De plus, leur ramure était prisonnière d’une sorte de filet de plastique vert ! Là ne s’arrêta pas ma surprise : j’aurais pu admettre que, ne sachant trop quoi faire au cœur de l’automne, la sainte-Catherine approchant, le paysan ait entrepris de replanter ses sapins dans un endroit plus propice mais, aussi incroyable que ça puisse paraître, il semblait qu’il eût coupé toutes leurs racines  et même retiré l’écorce de la base de leur tronc donnant  à celle-ci une forme tronconique régulière ! 

Je ne vois vraiment pas ce que ce pauvre homme pourra bien faire de ces arbrisseaux mutilés ! Les mettra-t-il à sécher pour en faire un piètre combustible ?  Deviendront-ils, une fois débarrassés de leurs branches,  de minables  piquets de clôture ? Non, ça ne tient pas !

Si vous aviez des suggestions susceptibles de donner une logique quelconque à cette absurde activité, n’hésitez pas. 

Pour moi, cet homme est fou.

vendredi 25 novembre 2011

La retraite ? Un monde merveilleux !




Pierre qui roule n’amasse pas mousse. Pour avoir pas mal roulé, je peux  confirmer. C’est en vain qu’on chercherait sur moi la moindre trace de mousse. D’ailleurs je ne m’appelle pas Pierre. C’est peut-être pour ça.

Toutefois, au plan métaphorique, si  la pierre qui roule est l’homme instable et  la mousse représente les biens matériels, le proverbe demeure vrai. Je ne suis pas très moussu et le pire c’est que je m’en fous complètement. En revanche, et ça ne simplifie pas la vie, pierre qui roule amasse les caisses de retraite. Il y a trois mois que je passe ma vie à écrire aux divers organismes qui sont censés me verser un petit quelque chose moyennant complétion de dossier. Pour l’instant, ils sont sept et, si Dieu me prête vie, dans quatre ans ils seront huit.

Huit retraites ? Si ce n’est pas du cumul ! Mouais… Cumul, certes, mais montant cumulé un peu maigre. Ne nous plaignons pas cependant : il est bien agréable d’être payé à ne rien faire, chez soi, en toute liberté.

Récapitulons : Outre la CNAV, je reçois des sous de mes amis de L’AGIRC et de l’ARRCO. Jusque là, rien que de très normal. Je reçois, depuis mes soixante ans, alors que je travaillais encore, une pension complémentaire du Teachers’ Pension. Pour celle de la sécu anglaise, il me faudra attendre d’avoir 65 ans.  Une autre vie me vaut de recevoir des sous de Mme IRCANTEC. Une autre encore contraint M. RSI (retraite des indépendants) à m’envoyer des sommes risibles.  Enfin, quand ils voudront bien s’en donner la peine, je devrais recevoir un petit quelque chose de l’APC, organisme un rien mystérieux chargé du non moins obscur  « Régime Additionnel ».

Je me suis longtemps plaint de n’avoir qu’une source de revenus alors que j’avais moult sources de dépenses. Tout a changé : j’ai maintenant de multiples sources de revenus et moins de sources de dépenses. Ce que j’appelais le « Miracle de la fin du mois », tant j’appréciais que de façon quasi-magique me soit régulièrement viré un salaire, s’est transformé en une série de petits miracles dont j’espère qu’aucune crise majeure ne viendra altérer la fréquence ni le montant.

Je vis donc désormais dans un monde merveilleux où, entre deux miracles du trimestre viennent s’intercaler les miracles du 9 et ceux, à dates variées,  de  la fin du mois. 

Elle est pas belle la vie ?

jeudi 24 novembre 2011

Voyage (scolaire) au bout des ennuis





Un jour, au zoo, l’idée saugrenue d’emmener l’ensemble des cinquièmes passer une semaine en Angleterre germa dans l’esprit ingénu d’une jeune collègue d’anglais. Le projet dut plaire puisqu’il se réalisa. Je fus choisi, avec mon vieil ami D, anglais et ex-militaire dont la conception musclée de l’encadrement se montra bien souvent utile, une jeune collègue et l’initiatrice du projet pour accompagner le convoi.

Un voyage scolaire n’est jamais reposant. Mais emmener une cinquantaine de p’tits gars en car avec quatre accompagnateurs c’est plus que de la témérité. Cette semaine dépassa mes angoisses.

Je passerai rapidement sur le début d’incendie qu’ils allumèrent dans le car, sur la manière peu protocolaire dont nous nous fîmes virer par les gardes du parvis de Westminster abbey, sur les longues marches à travers Londres au cours desquelles  ils s’amusaient à ennuyer les vieilles personnes croisées, sur les soirées entrecoupées des coups de fils de familles d’accueil qui nous exprimaient leurs nombreux griefs et déceptions  ainsi que sur les pleurs de nos petites collègues quand les événements les dépassaient.  Je ne retiendrai que trois moments forts de cette infernale odyssée : la visite au zoo, ma nuit à l’hôpital et le moment des adieux.

Nos p’tits gars semblant intéressés par les bêtes, nous les laissâmes baguenauder à leur aise dans les allées du zoo, leur demandant de nous rejoindre à une heure donnée dans le hall. Tandis que je les y attendais, l’un d’eux vint me demander ce qu’il pouvait acheter avec la monnaie qu’il tenait dans sa main. Visiblement pas grand-chose, lui dis-je au vu de la somme que je comptais pour lui tout en remarquant qu’elles étaient un peu bizarres d'aspect, ses pièces. Nos ouailles rassemblées, nous montâmes dans le car et nous apprêtions à partir quand un agent de la sécurité frappa à la porte tandis que ses collègues entouraient notre véhicule. Une fois dans le car, il nous expliqua que nos petits anges avaient vidé de son argent la fontaine des vœux et que, s’ils ne restituaient pas ledit argent, ils appelleraient la police. On traduisit et alors les fenêtres du car s’ouvrirent et s’en échappa une pluie de pièces à faire rêver un chanteur de cour : nos chères têtes pas-toujours-aussi-blondes-que-ça se délestaient fissa de leur bigaille afin de ne pas se faire prendre les poches pleines de pièces oxydées.  Après une première quête dans le car, auprès de ceux qui n’étaient pas près d’une fenêtre, quelques volontaires désignés furent chargés de ramasser, par seaux entiers, les piécettes qui jonchaient le sol autour du car sous le regard soupçonneux des gardes. La sécurité, satisfaite, finit par nous laisser partir…

Un soir, alors que nous nous préparions à une nuit de repos bien méritée, le téléphone sonna et une brave dame affolée m’annonça que le p’tit gars qu’elle hébergeait souffrait de violentes douleurs aux parties. Elle allait l’emmener à l’hôpital mais il lui fallait un interprète. J’acceptai. Je n’aurais pas dû. Si vous ne connaissez pas le service d’urgence d’un hôpital anglais, je ne voudrais pas vous priver de la surprise quand vous en ferez l’expérience. C’est,  disons, ...étonnant.  Pour faire court, après quelques longues heures d’attente en compagnie du gars qui geignait, nous finîmes par rencontrer un médecin qui m’annonça que le petit s’était, allez savoir comment, retourné un testicule et qu’il fallait l’opérer d’urgence. Au cas où il serait trop tard, l’ablation s’imposerait. Je tentai alors d’appeler  le numéro de portable  des parents mais, bien entendu, personne ne me répondit. Je me trouvai donc, de facto, responsable légal du gamin ayant à décider de l’opportunité de l’opération. Je ne pus qu’accepter, mais tout le temps qu’elle dura je n’en menais pas large. Un p’tit gars qui se serait réveillé avec un petit quelque chose en moins aurait peut-être été difficilement gérable… Tout se passa bien. Ouf ! Vu l’heure tardive, on me proposa de garder le petit, et, toujours serviable,  j’acceptai de rester lui tenir compagnie. On m’offrit donc un lit pliant particulièrement inconfortable et ainsi je pus passer une nuit d’insomnie rythmée par les hurlements de bébés et de jeunes enfants malades qui font le charme ordinaire d'un service de pédiatrie. A côté de moi, le jeune ronflait du sommeil du soulagé…

Tout ayant une fin, même les pires choses, le jour du départ arriva. Les hébergeurs nous ramenèrent nos  chers petits. Certains, après nous les avoir déposés, revinrent bien vite. Eh oui, certaines séparations sont difficiles… C’était d’ailleurs réciproque. Quelques p’tits gars, probablement pour garder un objet auquel accrocher les souvenirs de cette semaine mémorable, avaient cru bon, dans leur innocente fraîcheur, d’emporter avec eux quelques petits souvenirs de la famille qui les avait accueillis. Curieusement, les familles en question  auraient préféré que leurs souvenirs demeurent purement sentimentaux et venaient donc réclamer qu’on leur rendît les bibelots ou autres pièces d’argenterie selon eux dérobés. Tout le monde n’est pas Monseigneur Bienvenu. C’est dommage mais c’est comme ça. Cerise pourrie sur l’infect gâteau, dans une démarche inverse, un des p’tits gars avait tenu à laisser un souvenir à ses logeurs : n’ayant rien à offrir, le pauvre, avant de refaire consciencieusement son lit, avait copieusement pissé sur le matelas. Les babioles restituées, la propriétaire du matelas dédommagée , nous reprîmes le chemin de  Doulce France, les yeux emplis d’étoiles…