dimanche 13 mars 2022

Un OLNI (Objet Littéraire Non Identifiable)

 


J’approche de la fin du bizarraroïdissime roman de John Kennedy Toole intitulé La Conjuration des imbéciles. Ma fille me l’avait offert pour une fête des pères ancienne. Je l’avais lu et, curieusement, n’en avais gardé aucun souvenir. Rien de bien neuf, me diront mes fidèles lecteurs car j’ai maintes fois répété que je ne gardais aucun souvenir de mes lectures. Certains livres, cependant, du fait qu’ils m’ont, pour une raison ou pour une autre, marqué, me laissent un vague souvenir, bon ou mauvais. Or de celui-ci ne m’en gardais absolument aucun. A qui m’aurait dit que ça parlait de la pêche au goujon dans le Nebraska ou des angoisses existentielles d’un adepte du bilboquet, j’aurais été bien en mal d’apporter le moindre démenti.

Et voilà que je le relis et que sa totale originalité me laisse totalement abasourdi. L’histoire du manuscrit, elle-même n’est pas banale. Son auteur, persuadé d’avoir écrit un chef-d’œuvre, le proposa à nombre d’éditeur qui le refusèrent avec un bel ensemble. J.K.Toole, à la différence de bien d’autres dans son cas, au lieu de passer à autre chose et de devenir hôtesse de caisse chez Félix Potin (ou son équivalent étasunien) en conçut un grand dépit, sombra dans la déprime et se suicida à l’âge de 31 ans en 1969. Mais il avait une maman ! Ce fait n’a rien de très original, c’est vrai mais en l’occurrence, la sienne croyait dur comme fer en l’œuvre de son petit génie de fils. Elle fit le siège d’éditeurs et d’écrivains jusqu’à ce qu’un de ces derniers, séduit par son originalité insistât auprès d’un éditeur pour qu’il le publiât. Il parvint à ses fins en 1980. Et ce fut le succès : 1,5 millions d’exemplaires, traduction en 18 langues et, cerise sur le gâteau, le prix Pullitzer du roman en 1981. Comme quoi, l’écrivain frustré a parfois tort, comme Toole, de se laisser aller au désespoir…

Cela dit, de quoi parle ce livre ? Son personnage central, Ignatius Reilly, natif de la Nouvelle-Orléans et n’en étant sorti, pour son plus grand malheur, qu’une fois, mène aux crochets de sa mère une existence quasi végétative. Diplôme de l’enseignement supérieur, se pensant habité par le génie , il refuse toute implication dans une vie ordinaire. Il faudra que sa mère, ayant bu un coup de trop comme elle n’en a que trop la fâcheuse habitude, suite à un accident de voiture, se trouve dans une position financière délicate pour qu’il consente à entrer dans la vie active. Et ceci à reculons. En plus d’être une grosse feignasse, Ignatius est doté d’un physique remarquable : très grand, très obèse, pour tout arranger, il s’accoutre de manière originale et tout ça le fait considérer par qui le rencontre comme un parfait abruti. Mais ça ne s’arrête pas là car Ignatius, pense, écrit et parle ce qui n’arrange pas les choses. Et ce qu’il pense, écrit et dit est totalement loufoque. Ce qui l’amène à agir de manière pour le moins saugrenue. Sans entrer dans le détail, ses expériences dans le monde du travail (qu’il consigne dans un délirant journal) oscillent entre le catastrophique et le burlesque. Il faut dire que les personnes qu’il est amené à côtoyer n’ont rien à lui envier en matière de loufoquerie. Faire une liste des personnages foutraques qu’il rencontre et de leurs déroutantes idiosyncrasies prendrait un temps infini. Sachez simplement que pour en trouver un qui s’approche même timidement d’une quelconque norme, il faudrait avoir l’esprit large et s’armer de patience.

Cette lecture, je le répète est totalement déroutante. On peut y voir une critique virulente de la société étasunienne, on peut la trouver hilarante, assommante, géniale, débile ou ce qu’on voudra. Une chose est certaine, ce roman est original. Si le cœur vous en dit, allez y voir…

Ah, j’allais oublier : il n’y est nulle part, et pour cause, fait mention du Covid ou de l’Ukraine. C’est déjà ça !

14 commentaires:

  1. Ah ! La Conjuration ! J'ai découvert ce roman au début des années quatre-vingt, si ma mémoire ne me trompe pas. Dire que je l'ai adoré serait encore bien faiblard… J'ai commencé par le faire lire d'autorité à tous les membres du rewriting de France Dimanche… pour lesquels je suis illico devenu "Ignatius" et le suis resté durant quelques années !

    J'ai bien dû, aussi, l'acheter une dizaine de fois, pour en faire cadeau à toutes les personnes qui me semblaient mériter de le lire et capables de l'aimer.

    Et voilà que, il y a deux ou trois ans, l'idée m'est venue de le relire. Je l'ai donc racheté (il avait évidemment disparu de ma bibliothèque maraboutée) et… et j'ai calé avant d'arriver à la centième page, en me demandant comment j'avais pu placer si haut un roman qui devient aussi vite ennuyeux à force d'outrances systématiques, et devenant de ce fait très artificielles.

    Bref, la routine, quoi…

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    1. Pas mieux ! Mais le roman est tout de même nul !

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    2. Fredi : naturellement que c'est moi, puisque le roman, lui, n'a pas bougé d'une virgule !

      La question véritable, à mes yeux, est celle-ci : avais-je un "goût de chiotte" entre vingt et trente ans ou bien, au contraire, est-ce à présent que mon cerveau s'est ratatiné, me rendant incapable de voir la beauté, ou même le simple intérêt, où je les découvrait sans peine avant ?

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    3. Avoir un "Goût de chiotte" c'est équivalent à : j'étais jeune, con, péteux prétentieux, amateur de Bergman, prompt à me laisser séduire par un titre aguicheur, prêt à trouver toutes sortes d'astres au bout du premier majeur tendu ?

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    4. @ Didier : En fait, ce que vous avez connu vis-àvis de "Cent Ans de solitude" s'est également produit pour "La Conspiration". Il faudra que je relise le bouquin de Garcia Marquez pour voir si mon enthousiasme d'il y a quarante ans s'est maintenu ou s'il s'est étiolé au point de disparaître. Je n'en suis pas certain vu qu'à la suite de "Le Général dans son labyrinthe" j'ai relu "L'Amour au temps du choléra" et "La Mala Hora" avec un grand plaisir. Toutefois, "L'Automne du patriarche" m'est tombé des mains.

      Incidemment, je ne sais pas si j'aurais vraiment apprécié de me voir affublé du sobriquet d'Ignatius des années durant...

      @ Léon : Nul me paraît exagéré car on ne peut lui dénier certaines qualités. Par exemple, le passage du narrateur omniscient au narrateur à la première personne par le truchement du journal est intéressant et la création d'un microcosme totalement foutraque est originale même si l'impression générale reste pour le moins déroutante.

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  2. Je l'ai lu jusqu'au bout. Le seul souvenir qui m'en reste. Comme vous, je dis "déroutant".

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    1. Ce qui m'a étonné c'est que ma première lecture ne m'ait laissé aucun souvenir et que la seconde m'ait fortement impressionné.

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  3. Je n'ai pas lu ce livre donc je ne saurais en parler. Mon étonnement est cependant de constater que vous auriez lu et même relu ce roman humoristique - à ce qu'il paraît - dans sa traduction française qui pourrait peut-être à elle seule expliquer les réactions de vos commentateurs.
    En revanche moi aussi le peux vous parler d'un OLNI qu'un ami m'a apporté pas plus tard qu'à 17 heures ce soir même.
    Ce livre se présente avec une couverture noire très douce au toucher où est inscrit le titre uniquement : "Manifeste conspirationniste". Sur la quatrième de couverture on peut lire sur trois lignes : Nous vaincrons / parce que nous sommes / plus profonds (C'est moi qui ai ajouté les / pour délimiter les lignes). Au fond de la page en tous petits caractères figurent sur 2 lignes :
    ISBN 978-2-02-149566-9/Imprimé en France 01.22
    www.seuil.com

    C'est donc un livre sans auteur, mais édité par les Éditions du Seuil en janvier 2022.
    Je n'ai jamais rencontré une chose pareille. Si quelqu'un peut avoir des tuyaux sur - le ou les auteurs - de cet ouvrage ils seront les bienvenus.

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    1. Chère Mildred, J'ai tenté la version Baka sans plus de bonheur. Ce livre est un coup éditorial réussi à la mesure inverse d'un cuisant chef d'oeuvre de Michel Houellebecq.

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    2. Je mettrai comme vous des guillements à "humoristique". Je préciserai que la traduction m'a pau un peu lourde. Maintenant, il se peut que le style de JKT le soit également. Le problème, pour lire la version originale, j'avoue que ça me pose souvent problème avec les auteurs étasuniens, surtout quand, comme c'est le cas dans ce livre ils retranscrivent un parler populaire.

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  4. J'étais en train de regarder un charmant "Les petits meurtres d'Agatha Christie" sur Chérie 25 quand mes deux TV sont tombés en panne de son. Je suis alors retournée sur mon ordinateur.
    Léon m'avait laissé un message auquel je n'ai rien compris.
    J'ai tapé manifeste conspirationniste sur mon google et trouvé plusieurs d'entrées dont celle-ci qui a amplement suffi à mon bonheur :

    https://www.en-attendant-nadeau.fr/2022/01/26/manifeste-style-conspirationniste/

    Un survol de l'article m'a fait comprendre que ce n'était pas un livre pour moi. Ce sera retour à l'envoyeur qui espérait que j'allais l'acheter. Ah oui, je ne vous l'avais pas dit, l'ami qui m'a apporté le livre travaille dans une librairie disons, ésotérique.
    Et sur, Oncle Jacques, je vais me coucher en vous souhaitant le bonsoir.

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    1. Le complotisme et l'ésotérisme ne font pas partie de mes centres d'intérêt...

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  5. Je signale en outre à Messire Étienne qu'à la première ligne de son texte, il a curieusement évincé la conjuration au profit d'une conspiration qui n'en demandait pas tant…

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