lundi 31 janvier 2022

Coup de torchon

 


Pour la énième foi, j’ai regardé hier soir ce qui est probablement mon film préféré (plus ou moins ex-æquo avec Les Tontons flingueurs, Coup de tête, Série noire, La Fiancée du pirate, Le Père Noël est une ordure, Les Bronzés font du ski et quelques autres encore) : Coup de torchon.

Qu’en dire ? La distribution est éblouissante. Un Noiret, jouant les faux innocents, proprement époustouflant. Une Isabelle Huppert au sommet de sa beauté et de son art, une Stéphane Audran impeccable, un Eddy Mitchell incarnant son rôle de semi-débile de manière presque trop crédible, un Jean-Pierre Marielle réapparaissant comme un clone de son frère, pour personnifier avec brio la totale incompréhension, un Guy Marchand si grotesque qu’il en devient presque sympathique, un François Perrot irrésistible de comique « involontaire » dans son rôle de Colonel Tramichel lorsqu’il se présente ou commente l’actualité.

Dix nominations aux Césars et une aux Oscar. Résultat : aucune récompense ! La concurrence était, certes rude mais quand même !

Cette petite ville coloniale, ses rues de sable bordées de demeures décrépites (ce qu’elles n’étaient probablement pas au temps ou est censée se dérouler l’intrigue) vient par son délabrement accompagner le sentiment de déréliction qu’engendre une société promise à la disparition (j’en ai traversé d’aussi mélancoliques au Sénégal lors de mon (trop long) séjour dix ans avant que n’y ait lieu ce tournage).

Le problème, avec ce grand film, c’est que plus je le vois et moins je parviens à comprendre les motivations et, plus largement, le fonctionnement psychique de Lucien Cordier, à la fois pitoyable, monstrueux et sympathique « héros » de l’histoire. Le réduire à un personnage trop souvent humilié se vengeant de façon machiavélique de ses « bourreaux » me paraît simpliste. Il y a évidemment vengeance, mais ça va beaucoup plus loin car sa « folie » meurtrière peut toucher également ceux qui ne lui ont fait aucune offense. Il semble agir comme un agent du destin, animé par une force qui lui échappe et à laquelle il se résigne à obéir.

Bertrand Tavernier aurait tourné une autre fin à ce film, et justifié son choix d’une fin qui n’en est pas vraiment une. Je n’ai pas vu cette fin alternative et ne sais rien des raison de son rejet. Peut-être est-ce mieux. Ainsi le mystère demeure entier, du moins à mes yeux...

17 commentaires:

  1. Non ! Quand il tend des pièges où tombent ses victimes et qu'il feint benoitement d'ignorer en être l'auteur, il n'a rien d'innocent. Mais c'est peut-être là la caractéristique de l'ange devenu démon...

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  2. Si l'on ne partage pas entièrement l'enthousiasme juvénile de Messire Étienne pour cet honnête film, on pourra lire ou relire le roman de Jim Thompson (évidemment bien meilleur) dont il est tiré. En français, le dit roman s'intitule Pottsville, 1280 habitants. Il a été publié par les éditions Rivages/Noir (qui devraient bien se rebaptiser fissa : Rivage/Racisé…) dans une nouvelle traduction.

    La précédente traduction n'était qu'un vil charcutage dû au consternant et gallimardeux Marcel Duhamel qui, de façon absurde et grotesque, avait intitulé le résultat de son tripatouillage : 1275 âmes.

    En somme, il s'était livré de son propre chef à une sorte de "coup de torchon" qui avait éliminé cinq des habitants de Pottsville.

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    1. Que voulez-vous ? Juvénilité et enthousiasme sont les principaux traits de ma personnalité. Quant à qualifier d'honnête ce chef-d'oeuvre, je trouve ça un peu court. Il est vrai que ça manque un peu de ces petits mickeys et de ces effets spéciaux qui rendent le cinéma étasunien si magistral que je n'ose regarder ses produits.

      Dire qu'un livre est supérieur, égal ou inférieur à un film m'étonne toujours : c'est comparer l'incomparable. Le film contient toujours plus d'images et le livre davantage de mots, c'est tout ce que je peux en dire.

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    2. « Le film contient toujours plus d'images »

      Voilà qui reste à prouver !

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    3. « Le film contient toujours plus d'images »

      Voilà qui reste à prouver !

      Vous atteignez là un niveau de mauvaise foi remarquable !

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    4. J'ai toujours été un incompris radical : tout petit, déjà…

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    5. Alors, il faut m'expliquer car un livre contenant plus d'images qu'un film, je ne vois pas...

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    6. J'y avais pensé mais à 24 images par seconde deux heures durant, il est difficile d'imaginer un livre fourmillant à ce point de métaphores !

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    7. Quand les films passent à la télé c'est à 25 images par seconde...

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    8. Disons que, comme l'indique plus ou moins M. Maque, nous divergeons quelque peu quant au sens du mot "image".

      Partant de la mienne, je n'exagérerais qu'à peine en affirmant que la plupart des films qu'il m'arrive encore de voir ne contiennent à peu près AUCUNE image, même en restreignant le mot à son sens purement visuel.

      Mais bon…

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  3. Un film de la même veine que "Buffet Froid" ...

    Et à ne pas confondre avec un tour de cochon (qui s'en dédie ?) !!!

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    1. Mouais, après un premier enthousiasme, les films de Bertrand Blier ont fini par me lasser un peu.

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    2. Blier a ceci d'étonnant, à mes yeux, qu'il réussit le plus souvent d'excellentes premières moitiés de films, lesquels, dans leur seconde partie, ont tendance à se déliter, à s'envaser (voire à sombrer dans le n'importe quoi comme c'est le cas, par exemple, pour Calmos).

      Blier est donc un remarquable demi-cinéaste…

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  4. En fait, cher Fredi, nous ne parlons pas de la même chose : j'admire le jeu de Noiret quand il fait l'innocent, vous parlez de ce qui l'amène à ne plus l'être.

    Je suis heureux de ces convergences.

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  5. Hé Bé!
    Je viens de m'infliger cette horreur a titre d'étude ethnologique de la blogoshphère.
    (le film complet est aisément téléchargeable)
    C'est un sommet de la "philosophie en carton pâte" et vous êtes vraiment des branquignols complétement à côté de vos pompes, vous n'allez pas être déçus par les années qui viennent.

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    1. J'ai dû oublier de publier ce commentaire : "Cher realist, votre avalanche de compliments confine à la flagornerie. J'espère qu'il n'en est rien et vous remercie de ce fervent homage.".

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  6. Ce film montre un phénomène courant pendant les guerres civiles : la vengeance aveugle des humiliés.
    Tocqueville en parle dans ses Souvenirs sur 1848-1851 : il entend fortuitement sa concierge discuter de son projet de meurtre à son encontre.

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