lundi 30 août 2021

Une fois n'est pas coutume

 


Pour la première fois, je publie ici un texte dont je ne suis pas l’auteur. Je n’ai pas demandé à ce dernier l’autorisation de le faire. Qu’importe, vu qu’étant publié sur le Net, il est loisible à tous d’en prendre connaissance. On me dira que M. Clavé enfonce des portes ouvertes, que tous ne partagent pas sa manière « élitiste » de considérer la langue, que plus que perdre son temps à enseigner les subtilités d’une langue désuète on ferait mieux de la simplifier de manière à ce qu’elle soit directement accessible à tous et toutes sortes d’âneries de cet acabit. 

Le constat qu’il établit me paraît clair et argumenté, c’est pourquoi je vous le propose.

"L’effet de Flynn du nom de son concepteur, a prévalu jusque dans les année 1960. Son principe est que le Quotient Intellectuel (QI) moyen ne cesse d’augmenter dans la population. Or depuis les années 1980, les chercheurs en sciences cognitives semblent partager le constat d’une inversion de l’effet Flynn, et d’une baisse du QI moyen.

La thèse est encore discutée et de nombreuses études sont en cours depuis près de quarante ans sans parvenir à apaiser le débat. Il semble bien que le niveau d’intelligence mesuré par les tests de QI diminue dans les pays les plus développés, et qu’une multitude de facteurs puissent en être la cause.

A cette baisse même contestée du niveau moyen d’intelligence s’ajoute l’appauvrissement du langage. Les études sont nombreuses qui démontrent le rétrécissement du champ lexical et un appauvrissement de la langue. Il ne s’agit pas seulement de la diminution du vocabulaire utilisé, mais aussi des subtilités de la langue qui permettent d’élaborer et de formuler une pensée complexe.

La disparition progressive des temps (subjonctif, passé simple, imparfait, formes composées du futur, participe passé…) donne lieu à une pensée au présent, limitée à l’instant, incapable de projections dans le temps. La généralisation du tutoiement, la disparition des majuscules et de la ponctuation sont autant de coups mortels portés à la subtilité de l’expression. Supprimer le mot «mademoiselle» est non seulement renoncer à l’esthétique d’un mot, mais également promouvoir l’idée qu’entre une petite fille et une femme il n’y a rien.

Moins de mots et moins de verbes conjugués c’est moins de capacités à exprimer les émotions et moins de possibilité d’élaborer une pensée.

Des études ont montré qu’une partie de la violence dans la sphère publique et privée provient directement de l’incapacité à mettre des mots sur les émotions.

Sans mots pour construire un raisonnement la pensée complexe chère à Edgar Morin est entravée, rendue impossible. Plus le langage est pauvre, moins la pensée existe.

L’histoire est riche d’exemples et les écrits sont nombreux de Georges Orwell dans 1984 à Ray Bradbury dans Fahrenheit 451 qui ont relaté comment les dictatures de toutes obédiences entravaient la pensée en réduisant et tordant le nombre et le sens des mots. Il n’y a pas de pensée critique sans pensée. Et il n’y a pas de pensée sans mots. Comment construire une pensée hypothético-déductive sans maîtrise du conditionnel? Comment envisager l’avenir sans conjugaison au futur? Comment appréhender une temporalité, une succession d’éléments dans le temps, qu’ils soient passés ou à venir, ainsi que leur durée relative, sans une langue qui fait la différence entre ce qui aurait pu être, ce qui a été, ce qui est, ce qui pourrait advenir, et ce qui sera après que ce qui pourrait advenir soit advenu? Si un cri de ralliement devait se faire entendre aujourd’hui, ce serait celui, adressé aux parents et aux enseignants: faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants.

Enseignez et pratiquez la langue dans ses formes les plus variées, même si elle semble compliquée, surtout si elle est compliquée. Parce que dans cet effort se trouve la liberté. Ceux qui expliquent à longueur de temps qu’il faut simplifier l’orthographe, purger la langue de ses «défauts», abolir les genres, les temps, les nuances, tout ce qui crée de la complexité sont les fossoyeurs de l’esprit humain. Il n’est pas de liberté sans exigences. Il n’est pas de beauté sans la pensée de la beauté."

Christophe Clavé

Professeur de stratégie & management INSEEC SBE

22 commentaires:

  1. Ce constat est en effet lumineux, Oncle Jacques. Mais lumineux pour qui, c'est la question ?
    Sans doute pour vous et moi qui ne sommes pas loin d'être des dinosaures - moi surtout - car je suis intimement persuadée que les enseignants d'aujourd'hui sont déjà, pour la plupart, incapables d'utiliser la langue de la manière que M. Calvé le préconise.
    Cela dit, je ne pense pas que cela soit advenu par hasard mais cela a plutôt obéi à un plan qui consistait, pour des raisons idéologiques, à toujours vouloir niveler la société française par le bas, et a transformé en quelques années l'Éducation Nationale qui faisait la fierté de notre Nation, en cette "Fabrique du crétin" qui bat son plein aujourd'hui.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis bien d'accord, chère Mildred : l'égalitarisme étant plus aisé à pratiquer par le bas que par le haut, on a choisi une facilité qui mène à la catastrophe.

      Supprimer
  2. C'est amusant, un type qui prétend batailler pour la pureté de la langue et qui se présente comme un professeur de management

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "management" est issu d'un vieux mot français que Montaigne employait déjà sous la forme "mesnager".

      Supprimer
    2. Donc, comme Montaigne employait le mot "mesnager", vous en déduisez l'existence de "management" ? Étrange logique…

      Cela étant, que les deux tiers du lexique anglais viennent du français de Guillaume (le Bâtard ou le Conquérant, c'est selon), c'est une évidence. Il n'empêche que "management", à notre époque et dans ce sens, est bel et bien un anglicisme.

      Supprimer
    3. Il est assez étrange de s'en prendre à management dont l'origine est française /italienne et dérivée du latin (manus). Il y a suffisamment de termes anglais utilisés quotidiennement et sans origine française, italienne et donc latine, qu'il serait plus urgent d'apprendre à ne pas utiliser.

      Supprimer
    4. Cher monsieur Anonyme, vous commencez à m'emmerder.

      Supprimer
    5. Je ne peux que vous conseiller de prendre une potion calmante, monsieur l'atrabilaire qui ne supporte pas d'être déjugé.

      Supprimer
    6. Je ne sais pas si j'arriverai à réconcilier "monsieur l'atrabilaire" avec "monsieur Anonyme" mais ce que je sais, c'est que si l'on supprimait de l'anglais tous les mots d'origine française, les Anglais ne pourraient plus parler !

      Supprimer
    7. @ Didier : Ce brave homme n'est pas responsable de l'intitulé de ses cours ni de son domaine d'activité. Lui jeter la pierre serait donc injuste. Les cadres d'aujourd'hui ont une tendance à mon avis ridicule à s'exprimer dans un sabir franglais. Ma fille m'ayant envoyé un jour son CV pour correction, ma réaction fut de lui dire que je n'y comprenais rien et que je préfèrerais la version française. Il me fut répondu que les termes employés étaient adéquats. Que répondre à cela ?

      Pour ce qui est de la langue anglaise, son vocabulaire serait composé à environ cinquante pour cent de termes anglo-saxons et pour l'autre moitié de termes d'origine française OU empruntés directement au latin.

      Supprimer
    8. Oh mais je ne me moquais pas de lui directement ! Je me contentais de noter la "discordance", voilà tout. Je me doute bien que cet homme n'est pas responsable de l'intitulé moderne de sa profession…

      Pour le reste, nous sommes bien d'accord, même si l'ectoplasme (pardon : l'anonyme) s'obstine à raconter n'importe quoi.

      Supprimer
    9. "L'ectoplasme" dit l'anonyme ne raconte pas n'importe quoi mais rappelle l'origine du mot. Vous, en revanche, toujours passablement éméché,confondez vérité et opinion. Allez donc vous morfondre auprès de Catherine.

      Supprimer
    10. Cher Anonyme, je crains que votre ton ne soit pas de mise ici et vous prierai de ne pas dépasser les bornes de ma tolérance qui est certes grande mais pas infinie.

      Supprimer
  3. C'est un complot qui vient de loin.
    Le complot commença par la déconstruction de la géométrie.
    Puis le complot entama la déconstruction de la physique.
    Dernière étape : la déconstruction de la langue, avec l'écriture inclusive.
    Réveillez-vous, ou be woke, car tel est le bon et souverain plaisir de Shiva, Dieu de la destruction et du renouveau.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'ai tendance à croire que les évolutions sont davantage dues au substrat économique qu'à de quelconques comploteurs.

      Supprimer
  4. Et puis alors, quel fin stratège !
    "faites parler, lire et écrire vos enfants, vos élèves, vos étudiants"
    Il fallait y penser !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Anonyme de 09:49
      Euh...finalement,je vais signer:

      XX

      Supprimer
    2. Cher XX, se montre moqueur vis-à-vis de cette exhortation est facile. Malheureusement, beaucoup de parents ne lisent pas et ne poussent pas leurs enfants à lire et la seule lecture des œuvres au programme est insuffisante pour se créer un embryon de culture.

      Supprimer
  5. Le Didier a pris sa dose.. Je rigole...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous êtes caustique, renepaulhenry !

      Supprimer
    2. Il fait moins le fiérot quand il s'agit d'aller affronter le petit Chinois en dehors de son cabinet des antiques !

      Supprimer
  6. Ben là je viens de traverser la France entière, pris le métro, suis allé manger en Espagne, vais aller chez l'Abbé demain, ait fait remarquer à l'ophtalmo ce matin que le virus entrait principalement par le nez et qu'il veuille bien mettre correctement son masque, que voulez-vous que je fasse de plus pour monter que j'affronte parfois le petit chinois en dehors de mon cabinet des antiques ?

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.