jeudi 12 mars 2020

Mourir


En ces temps de grande angoisse, je crois qu’il est utile de détendre un peu l’atmosphère. Quel meilleur sujet pour ce faire que d’évoquer la mort ? C’est un sujet que l’épidémie rend très tendance sans nuire à sa constante actualité. Figurez vous que si, comme il est de bon ton de s’y attendre, les 67 millions d’habitants que compte notre cher et beau pays se trouvaient contaminés, au taux actuel de létalité de 2 % (chiffre contestable vu le fait que les porteurs sains ne sont pas recensés, ce qui laisse penser que le taux réel est inférieur mais le temps est-il à la ratiocination?) nous nous trouverions avec 1 340 000 morts sur les bras ! Quand je dis « nous », je fais preuve d’un optimisme injustifié, vu qu’il se pourrait très bien que je fasse partie des victimes. Ce qui n’est pas rien. En même temps, pour reprendre la formule tant appréciée de notre coûteux président (j’ai choisi un synonyme de cher pour ne pas faire de peine à ceux qui ne le portent pas dans leur cœur*), ce n’est pas tout, vu qu’il resterait plus de 65 000 000 de plus ou moins braves gens pour peupler notre Douce France.

Bien que remontant à la plus haute antiquité et que personne ne soit parvenu jusqu’à preuve du contraire à lui échapper, la mort a toujours beaucoup de mal à se faire accepter. Je pense même que nos contemporains répugnent de plus en plus à envisager son inéluctable survenue. La prolongation récente de l’espérance de vie, en la repoussant à une date de plus en plus lointaine aide certains à en oublier la menace. Pas plus tard qu’hier, ma coiffeuse me vantait même la vie merveilleuse d’une cliente nonagénaire qui vivait encore chez elle ! Il est vrai qu’on oublie parfois de se réjouir comme il siérait de ne pas se retrouver enfermé dans un EHPAD !

Certains ont la foi en une vie éternelle. Curieusement, cela ne semble pas toujours, comme on pourrait s’y attendre, les rendre capables d’envisager sereinement de quitter cette vallée de larmes pour un monde meilleur. Personnellement je ne partage pas cette croyance et son absence ne me chagrine pas. Me considérant comme un être limité, je craindrais même de me trouver confronté à un infini auquel rien ne m’a préparé.

Je me souviens avoir étudié au lycée un texte de Montaigne où il écrivait que « philosopher c’est apprendre à mourir ». Soit. Mais si en plus ça pouvait apprendre un peu à vivre, ce ne serait pas mal non plus. Quoi qu’il en soit, j’ai commencé cet apprentissage très tôt. Du coup, passée la prime jeunesse où comme tout un chacun je n’y croyais pas trop (c’est pourquoi les jeunes conduisent comme des patates et partent plus volontiers à la guerre que leurs aînés), j’ai assez rapidement apprivoisé l’idée de ma disparition. Je disais, il y a une bonne quinzaine d’années,à mon frère aîné : « J’ai fait l’essentiel de ce que j’avais à faire, je peux donc partir n’importe quand. ». Il ne s’agit pas là à mes yeux d’un quelconque pessimisme mais d’une évidence. Surtout qu’il se serait pu que je meure avant d’avoir fait quoi que ce soit d’intéressant. Je m’étonne même parfois d’avoir atteint ma soixante-dixième année, vu le peu de prudence qui a toujours été le mien.

Je ne cherche pas plus à précipiter ma fin qu’à en retarder l’échéance. N’importe comment, ce ne sera pas moi qui déciderai mais les circonstances. Je vis comme je l’entends, j’aimerais bien mener à bonne fin certains projets cruciaux comme retapisser ma cage d’escalier, rénover ma salle de bains, finir de mettre, autant que faire se peut, aux normes mon installation électrique et mettre de l’ordre dans mes papiers pour faciliter les choses à ma fille mais, encore une fois, ce ne sera pas moi qui déciderai si ce temps me sera accordé.

Du coup, devant la psychose qui semble s’emparer de nombre de mes contemporains face à la pandémie en cours, je reste quasiment de marbre. Que l’avenir me donne raison ou non, qu’importe ? Comme l’écrivait ma fidèle commentatrice Mildred « Se bisogna morire moriamo » (si nous devons mourir, mourons). Telle est ma vision des choses.

PS : J’apprends avec horreur qu’un pangolin serait à l’origine de la transmission à l’homme du COVID-19 ! Moi qui vous recommandais, il y a quatre jours seulement, d’employer cet animal pour débarrasser votre logement des vermines ! J’espère que, pour une fois, vous n’aurez pas suivi mon conseil !

* J’en fais partie mais, souffrant d’une sévère atrophie de la glande haineuse, il ne m’agace guère plus que ses prédécesseurs.

9 commentaires:

  1. Merci, monsieur Etienne... effectivement !
    Effectivement, il y a quelques jours, vous invitez vos lecteurs à adopter un pandolin.
    Aujourd'hui, vous nous dîtes (je résume) qu'il faut bien se résigner à mourir un jour, que c'est dans l'ordre des choses, etc......
    Et, en même temps, vous feignez de regretter votre précédent conseil en semblant découvrir les conséquences fatales qui pourraient en découler
    Dans un commentaire que vous aviez mis sur mon blog, vous disiez ne rien craindre, n'étant vous-même âgé que de 69 ans 1/2 (je crois)
    Par ailleurs, je vous sais fin cordon bleu... pourriez-vous donner à vos lecteurs survivants (j'en suis) la recette de la soupe chinoise à la tête de chauve-souris ?

    NB par "j'en suis", je parle de "vos lecteurs" et de "survivants"

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    1. (je n'ai pas trouvé comment insérer le smiley "humour", chacun l'aura fait à ma place)

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    2. Je ne fais pas semblant de regretter : entre accepter l'inéluctable et pousser d'autres à prendre des risques inconsidérés, il y a une marge !

      N'étant pas amateur de soupe, je ne peux vous donner de recette. Normalement, la tête de chauve souris se mange crue, à la croque-au-sel :excellent à l'apéro ! (avec le corps, on fait un soufflé (voir article sur le rat)).

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  2. Cher Oncle Jacques, je vous soupçonne d'être beaucoup plus optimiste que vous ne voulez bien l'avouer. Sinon comment expliquer, vous qui êtes si économe, que vous vous soyez rendu chez votre coiffeuse avant que le pic de l'épidémie ne soit passé, afin d'être sûr de pouvoir amortir le prix de cette nouvelle coupe ? Et surtout ne me répondez pas que, au cas où, vous vouliez que votre fille puisse être fière de vous, même après la mort !
    Je ne vous embrasse pas puisque c'est interdit, mais le coeur y est !

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    1. Je n'avais pas pensé que ma visite au salon de coiffure pouvait être un signe d'optimisme. Toutefois en y réfléchissant, j'en suis venu à concevoir qu'en fait ce pouvait être tout le contraire et que cette coupe de cheveux pouvait refléter mon désir d'être bien reçu au paradis où, comme chacun sait, les bien coiffés sont mieux reçus que les hirsutes.

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  3. Et comment ne pas finir en chanson ?

    https://www.youtube.com/watch?v=cwQ5QK1E9VM

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  4. Comme vous y allez ! L'âge moyen de mort d'un fumeur masculin serait statistiquement de soixante et onze ans. Je ne commencerai, si Dieu me prête vie, mes heures sup que dans un an et demi. N'anticipons pas.

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