mercredi 25 septembre 2019

Un brave vieux

Quand j'ai aperçu sa silhouette, marchant avec difficulté, s'aidant d'une canne anglaise, ça m'a fait plaisir. J'adore parler avec ce vieil homme. Pour diverses raisons dont la moindre n'est pas qu'il parle d'une voix très douce avec cet accent limousin que seuls les vieux possèdent encore alors qu'il y a trente ans, quand j'ai découvert la Corrèze, il était le fait de beaucoup. Je parle de voix douce, pas efféminée.C'est un bonheur de l'entendre. Il me héla d'un « Alors, toujours au travail ? » à quoi je répondis d'un simple «  Toujours ! » Une longue conversation s'ensuivit. Nous parlâmes santé, bien sûr. Le pauvre a connu trois AVC et l'an dernier une chute qui lui brisa des côtes. Le diabète, l'hyperthyroïdie (quatre ans de traitement!) n'ont plus de secrets pour lui. Depuis quatre ans que je le connais, les choses ne s'arrangent pas. Il est vrai qu'il se traîne vers les quatre-vingts ans, comme il peut mais avec le sourire. Il se plaint un peu, certes, mais sans geindre...

Je ne me souviens pas de comment nous nous sommes connus. Je me souviens par contre qu'il y a un an ou deux il m'avait salué d'un « De retour au pays ? » me donnant un sentiment d'appartenance à un village où, prenant la suite de son père, il avait exercé toute une vie la profession de menuisier. Fier de ses réalisations, il m'en cita quelques unes dans le village. Je fis semblant de voir de la porte de quel garage il était l'auteur... Il m'apprit que c'était son père, alors qu'il était tout gamin, il y a plus de 70 ans de cela, qui avait fabriqué mes volets, content de les voir toujours fonctionnels et en bon état malgré les ans avec leurs petites ouvertures circulaires pratiquées afin qu'on pût voir s'il faisait jour. On sentait l'homme à sa place, l'homme qui aimait son métier et en tire une modeste fierté. Il m'arrive d'envier, moi 'éternel nomade, les gens qui sont de quelque part, qui y ont passé toute leur vie, entourés de leurs parents et des mêmes amis, y voyant grandir puis partir leurs enfants, aux côtés de la même femme... Mais étais-je fait pour ça ? J'en doute.

Une particularité de langage que j'ai remarquée chez lui comme chez le vieil homme avec qui je partageai ma chambre à l'hôpital de Tulle et qui ne saurait donc être une idiosyncrasie, c'est qu'évoquant leur épouse, ils ne disent pas « Ma femme » mais « La femme ». Comme si, ce disant, à la possession ils préféraient l'unicité.

La conversation fut longue. On parla de ci, de ça, d'autres choses et surtout du reste. Un peu honteux, j'appris son aversion pour la peinture des meubles, surtout s'ils étaient d'un bois noble comme le châtaignier ou le merisier. J'étais justement occupé à peindre un vieux buffet et une armoire moins ancienne. J'atténuai plus tard mes remords en arguant, dans mon for intérieur, que ces meubles, abandonnés par les héritières de l'ex-propriétaire, n'étaient pas de première beauté ni jeunesse, que les vers s'en étaient copieusement repus, que je leur avais rendu un peu de leur lustre, bref, je me trouvais toutes les excuses que le fautif ou son avocat trouve à ses forfaits...

Nous finîmes par nous quitter. L'heure de la soupe approchait.Il ne fallait pas que « la femme » s'inquiète.

10 commentaires:

  1. merci pour ce témoignage... mais il parle quelle langue votre vieil homme ? j'avais vu des vidéos sous lesquelles il fallait une traduction.. c'est chantant je trouve
    par ex : https://www.youtube.com/watch?v=7tA3jdOYRO8
    il y a une autre vidéo avec un vieil homme qui fabrique des paillassoux en paille de seigle et éclisses de ronce. J'ai trouvé cela fascinant.
    anne

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    1. Il s'exprime dans un français parfait. Il faut dire que l'Occitan comme toutes les langues qui ne sont pas enseignées est fractionné en sous-ensembles qui eux mêmes se divisent en une multitude de patois locaux. En Corrèze sont pratiqués le Limousin et à l'est du département l'Auvergnat. Une infirmière me disait que les gens du Lonzac (où j'habite) avaient du mal à comprendre la variante pratiquée par ceux de Chamboulive commune pourtant limitrophe. Dans votre vidéo, l'homme semble faire un curieux mélange de Français et d'Occitan. Il roule les R ce qui n'est pas le cas vers chez moi. On dirait de l'Auvergnat mais je peux me tromper. Ce mélange, j'ai pu le constater dans mon enfance en Bretagne car le Breton manquait de mot pour tout ce qui était plus ou moins moderne et leur langue se mêlait de Français.

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    2. Des recherches m'ont permis d'identifier le vieil homme de la vidéo : il s'agit de Raoul amouroux, habitant à Louignac, à la limite de la Dordogne. Il ne s'agit donc pas du dialecte auvergnat mais bien du limousin. Je m'aperçois à l'instant que ces détails étaient donnés en dessous de la vidéo !

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  2. Les langues et les coutumes locales et jusqu'aux accents disparaissent avec les vieux, du fait du centralisme français, de la mobilité qu'implique la vie moderne et de la télé. Ce n'est pas le cas partout en Europe. En Angleterre les accents subsistent, en Allemagne et en Italie, les langues locales (ou les patois) continuent d'exister.

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  3. Témoignage très émouvant qui nous en dit autant sur vous que sur votre vieux compagnon, Oncle Jacques !
    Voilà qui démontre, si besoin en était, que pour écrire un bon billet, rien ne vaut mieux que de partir nez au vent, et s'en remettre au hasard des rencontres.

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    1. J'espère que ça n'en dit quand même pas trop sur l'inquiétante personnalité qui est la mienne !

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  4. Un brave vieux, en effet, ce n'est pas si fréquent que cela...enfin je veux dire braves...
    Amitiés.

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  5. C'est un complot pour éclipser mon anniversaire, demain !

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  6. Après 5 ans de relation avec mon petit ami, il a soudainement changé et a cessé de me contacter régulièrement. Il proposait des excuses pour ne pas me voir tout le temps. Il a cessé de répondre à mes appels et à mes sms et il a cessé de me voir régulièrement. J'ai ensuite commencé à le rencontrer avec différentes amies de filles, mais à chaque fois, il disait qu'il m'aimait et qu'il avait besoin de temps pour réfléchir à notre relation. Mais après que j’ai contacté (padmanlovespell@yahoo.com), Dr.Padman du temple des sorts jeté un sortilège d’amour et après un jour, mon petit ami a commencé à me contacter régulièrement et nous avons emménagé ensemble au bout de quelques mois et il était plus ouvert à moi. qu’avant et il a commencé à passer plus de temps avec moi que ses amis. Nous nous sommes finalement mariés et nous sommes maintenant mariés avec bonheur depuis 2 ans avec un fils. Depuis que le Dr. Padman de padmanlovespell@yahoo.com m'a aidé, mon partenaire est très stable, fidèle et plus proche de moi qu'auparavant

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