mardi 16 juillet 2019

Dieu que l'amour est triste !

Une grande vague de paresse m'ayant récemment submergé suite à de petits ennuis de santé, plutôt que de faire un ménage depuis trop longtemps délaissé ou mettre en ordre le jardin , je me contente du minimum syndical. Je cueille des haricots, je cuisine, je fais mes courses et la vaisselle (c'est à dire que je remplis puis vide tour à tour le lave-vaisselle). Cela me laisse des loisirs que j'occupe à croiser les mots, lire ou regarder la télé. Ainsi, cet après-midi ai-je regardé deux Maigret avec dans le rôle principal M. Cremer. Il y avait bien longtemps que je ne m'étais pas replongé dans le monde de Simenon...

Dès la sixième, j'avais commencé à lire ses romans. Je me demande ce que je pouvais à cet âge y comprendre mais il faut croire que j'y trouvais mon compte. Je l'ai dit et redit, mes lectures ne me laissent peu voire aucun souvenir. Pourtant j'ai beaucoup lu. Simenon fut un de mes auteurs favoris. J'ai usé et abusé de ses œuvres. J'ai lu des tas de Maigret mais aussi d'autres romans, ses derniers ouvrages autobiographique ainsi que des livres à lui consacrés. Jusqu'à l’indigestion. Ça m'est souvent arrivé : je m'entiche d'un auteur, je lis parfois des dizaines de ses livres et puis, allez savoir pour quoi, je n'en peux plus et l'idée même de les relire un jour m'apparaît improbable. La liste de ces désamours est longue, elle comprend Balzac, Zola, Mauriac, Modiano, Faulkner, Caldwell, Dickens, Pratchett, Rankin, Vaugh, Wodehouse, et bien d'autres dont le nom a rejoint leurs œuvres dans mon total oubli.

Simenon est un cas spécial. Disons qu'il y avait une raison à mon désamour. Plus que la lassitude, c'est l’écœurement, qui m'a fait le quitter. Je n'en pouvais plus de son univers glauque, étouffant presque désespérant. Avec un talent indéniable, il a su décrire un monde disparu, celui des années trente à cinquante voire soixante. Seulement, il nous en a donné une image terrible : quel que soit le milieu où se déroulent ses intrigues y règne une atmosphère pesante, ça sent le renfermé et la tristesse. Les familles y ont tant de secrets qu'on se demande si ce ne sont pas plutôt les secrets qui y ont des familles. De tous les éléments qui participent à l'établissement d'un climat délétère, le sexe est probablement le plus actif. Il n'est pas source de joie ou de plaisir. On le subit. Il est compulsif ou passif. Les femmes n'ont souvent le choix qu'entre la frigidité et la nymphomanie (ce qui, selon Gary, ne sont que deux symptômes du même mal être). Les hommes n'y trouvent qu'un soulagement à leurs pulsions.

Un autre élément récurrent est l'alcool. Pas festif non plus. On boit pour oublier problèmes, échecs et malheurs. On boit histoire de boire comme dans certains Maigret où on se demande dans quel état le commissaire va finir la journée.

A cela rien d'étonnant quand on connaît un peu la vie de l'auteur, son penchant pour la boisson, sa sexualité envahissante (n'a-t-il pas déclaré avoir « honoré » 10 000 femmes, en général prostituées ?) comme la constance avec laquelle le malheur frappait les siens. La description à peine masquée que fait de lui et de son entourage Alphonse Boudard dans Cinoche en 1974 est édifiante à cet égard. On pourrait même se demander comment les intéressés ne l'ont pas poursuivi pour diffamation si on oubliait que déclarer se reconnaître dans ces tristes clowns eût été peu glorieux.

Tout cela dit, il n'en reste pas moins que Simenon est un grand, un très grand écrivain. Dont il ne faut peut-être pas abuser...

18 commentaires:

  1. J'ai aussi lu des Maigret les uns après les autres à une certaine époque où j'étais très jeune. Mais je dois dire que ces livres n'ont pas eu du tout le même effet sur moi que sur vous, car j'avais l'impression qu'on me racontait les histoires de gens aussi inconnus de moi que s'il s'était agi de peuplades de la Patagonie profonde !
    Je crois que je ne relirai jamais les Maigret car je suis incapable de lire le moindre roman. Mais je reconnais qu'un Maigret joué par Bruno Cremer, à l'heure de la sieste c'est pas dégueu !

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    1. Si je vous suis, pour vous les peuplades de Patagonie avaient beaucoup en commun avec les Français (et les Belges) des années 3 à 50 !

      Comme vous j'apprécie Cremer à l'heure de la sieste. Pour moi ça constitue une excellente excuse pour ne rien faire.

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    2. Non ! ce que je disais, c'est qu'au moment où je lisais ces livres j'en savais autant sur les peuplades de Patagonie que sur les Français. C'est-à-dire : RIEN !
      J'ai revu deux Maigret de plus cet après-midi. Il faut dire que j'ai beaucoup appris sur les Français depuis l'époque dont je vous parlais, d'où le plaisir que procure la vision ces épisodes filmés avec soin et joués à la perfection.

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  2. Le reflet d'une époque disparue. Il faut l'avoir connue même de la bouche de nos parents pour apprécier et retrouver le monde de notre enfance.

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  3. Oui, le sexe triste et l'alcoolisme têtu, deux constantes chez Simenon, que ce soit dans les Maigret ou les "romans sérieux". Au moins, ça me facilite la prise de distance d'avec ses personnages.

    Mais, dites-moi, 10.000 femmes ? J'en étais resté à 5.000. (Pour la plupart, prostituées, c'était déjà admis, oui.)

    De Evelyn Waugh, je viens de lire "Black Mischief" et "Scoop" (en VO, siouplaît), et je me suis régalé (je ne vois pas d'autre mot pour le dire). Redonnerez-vous leur chance à ces deux relativement brefs romans ?

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    1. 10000 ou 5000, don Giovanni largement battu !

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    2. Je maintiens les 10 000 ! et je ne suis pas le seul : https://www.dhnet.be/medias/livresbd/l-homme-aux-10-000-femmes-51b7ab17e4b0de6db986ae79

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  4. tiens ! étonnant non ? je suis en train de re-relire Simenon, j'avais acquis à une lointaine époque une dizaine de gros livres où tous ses romans sont concentrés, je pense les avoir tous et je retrouve beaucoup des atmosphères de années 60 , le monde que j'ai connu dans ses années là est bien lointain et complètement perdu , je n'ai pas de nostalgie, un peu de regrets sans doute

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    1. Le hasard ! Je ne suis pas certains que j'aimerais vivre dans le monde des années 50-60. On y étouffait un peu...

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    2. Tous ses romans en “une dizaine de gros livres” ? Simenon en ayant écrit deux cents, ça me paraît difficile : cela reviendrait à caser vingt romans par volume ! Je sais bien que les livres de Simenon dépassent rarement les deux cents pages "format poche", mais tout de même…

      Personnellement, j'ai ici une édition en vingt-quatre volumes, de huit à neuf cents pages chaque. Et, là, ils y sont vraiment tous !

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    3. Edités par France Loisirs dans les années 80/90. 12 volumes, contenant chacun entre 9 et 15 romans, sur papier bible, il me semble que la collection doit être pratiquement complète,un peu plus de 1000 pages à chaque fois , peut êre en manque-t-il quelques uns, mais c'est déjà pas mal !

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    4. Édition France-Loisirs : précisément celle que j'ai, à un mètre cinquante de ce fauteuil ! Je viens donc d'aller vérifier : il y a bien 25 volumes de mille pages. Ils ne sont pas sur papier "bible" et contiennent chacun sept à huit romans seulement. L'ensemble (échelonné sur deux ou trois ans) date du tout début des années 90.

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    5. alors ils ont fait plusieurs éditions car dans les miens, c'est bien sur papier bible et entre 9 et 15 romans, nous avons donc 2 éditions différentes mais ce n'est guère étonnant de la part de France Loisirs qui édite tout ce qui peut se vendre en différents supports , on va pas leur reprocher non plus !

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    6. Ou alors et réflexion a retardement, j'ai pas la totalité d'une édition….ce qui est encore possible !!

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  5. Il est certain que de tous ceux qui l'ont incarné à l'écran (petit ou grand)Cremer est le plus convaincant des Maigret.

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  6. Je ne devrais pas intervenir sur ce billet : j'avoue n'avoir jamais ouvert un seul Simenon, ni lu un seul Maigret, à l'exception de l'excellent Bruno Cremer à la TV...
    Peut-être son univers glauque, sordide et désespéré dont vous faites mention et qui ne m'a jamais attiré.
    Difficile à expliquer, mais il suffit parfois d'entrer juste une fois dans l'univers d'un écrivain pour n'en plus sortir...ou en être à jamais dégoûté.
    On reste admiratif, toutefois, devant l'abondance de l'oeuvre, à croire que cet homme-là ne s'arrêtait jamais d'écrire des histoires...

    Vendémiaire.

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  7. J'adorais Cremer, mais dans les Maigret il me donne le cafard, ce que je ne ressens pas du tout en lisant Simenon.

    Hélène dici

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