jeudi 7 mars 2019

L'asile à ciel ouvert

J'ai de plus en plus l'impression que l'Occident, dans son ensemble est devenu fou. A la différence de la peste de la fable, cette folie n'est mortelle qu'à terme. Mais tous en sont touchés. Le plus élémentaire bon sens est prié de se taire. L'ultra-minoritaire se voit propulsé à l'égalité avec le général. Le déviant devient normal et vice-versa. A quoi bon en donner des exemples ? Leur multiplicité est telle que les nommer reviendrait à annoncer comme une découverte révolutionnaire celle de l'eau tiède.

Rares deviennent ceux pour qui un et un font deux. Pour la majorité, un et un peuvent faire tout ce qu'ils veulent. Car elle a découvert que le monde est complexe, qu'il n'y a pas de règles générales, que tout se discute y compris et surtout les plus élémentaires évidences. Les paradoxes les remplacent. On peut concéder que le roi soit nu, à condition de déclarer bien vite que la nudité est riche vêture (et, évidemment, vice-versa). La négation des évidences permet une multiplicité des opinions qui à leur tour engendrent un fractionnement du corps social. Au stade où nous en sommes, certains paradoxes à succès permettent encore momentanément l'émergence d'apparentes majorités qui ne le sont que par défaut.

Dans ces conditions, il devient difficile de s'intéresser à la politique. Celle-ci devient théâtrale. Pour les leaders (ou premiers rôles) il s'agit de se rallier aux paradoxes en vogue tout en laissant entendre que par certains côtés subsidiaires ils s'en tiennent à l'écart. Agir autrement serait extrémiste, c'est à dire se voir marginalisé car dans le système actuel, pour arriver au pouvoir, le présumé extrémiste doit mettre de l'eau consensuelle dans son vin jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que d'infimes traces.

Être réac n'est pas la solution. Ne serait-ce que parce qu'il n'exista jamais d'âge d'or. La solution pour moi consisterait à conserver le meilleur du passé, à en effacer les aspects moins glorieux et à adapter ce qu'on en a retenu aux données nouvelles d'une société qui change inéluctablement. Le progrès dans la continuité comme disait l'autre. Ce qui implique, évidemment, de maîtriser le changement et de lui imprimer un cap en accord avec des valeurs ayant fait leurs preuves. Ce qui est tout le contraire du cul-par-dessus-tête actuel.

Seulement, qui défend ce genre de position ? Tout le monde en théorie, personne en réalité car depuis que un et un peuvent faire ce qu'ils veulent et généralement pas deux, la continuité est discutable et le progrès polymorphe. C'est pourquoi je suis de plus en plus tenté de m'abstenir de tout soutien à un mouvement quelconque.

Ayant la chance de me trouver satisfait de mon sort, je préfère laisser à ceux qui se sentent à l'aise dans la folie courante le soin de décider de qui sera ou seront le ou les joueurs de flûte les plus aptes à les conduire vers l'extinction finale. En attendant ce beau jour, j'espère pouvoir continuer encore un peu, bien loin de la course des rats, à mener l'existence heureuse que me procurent mes passe-temps futiles.

8 commentaires:

  1. C'est mon dada mais je pense qu'il s'agit d'une "crise mimétique" au sens de René Girard, ça va considérablement empirer et c'est à l'échelle mondiale.

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    1. Vous me faites découvrir ce concept. Merci. Mais qui dans le cas présent est le modèle ?

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  2. Le modèle c'est "le Bien", il faut être meilleur (dans l'altruisme) à n'importe quel prix, ce qui a exactement le résultat inverse.

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    1. Merci de votre réponse. En effet, le bien pave le chemin de notre enfer !

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  3. Je trouve que pour quelqu'un pour qui "il devient difficile de s'intéresser à la politique vous avez encore assez de verve !
    Mais rassurez-vous, bientôt vous n'aurez plus à être "de plus en plus tenté de vous abstenir" puisque d'aucuns pensent déjà à supprimer le droit de vote aux personnes âgées !

    http://www.agisme.fr/spip.php?article27

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    1. Je ne me reconnais plus dans aucun parti mais cela ne m'empêche pas d'avoir des convictions, chère Mildred.

      Pour ce qui est de supprimer le droit de vote des plus de 80 ans, ça me paraît poser la question suivante : si on est gâteux (et ce n'est pas le cas de tous les octogénaires) est-ce pire que d'être jeune, inexpérimenté et con ?

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  4. Vous traduisez rat race par course des rats? Ça fait curieux en français..
    Orage

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    1. C'est en effet ce que je fais. Cette expression me paraît bien rendre compte de ce qu'est l'agitation frénétique que crée le jeu social urbain.

      Il y a nombre d'expression que l'on gagnerait à traduire car très imagées et plus parlantes que celles que possède len français. Exemple :"That's when the shit hit the fan".

      Au lieu de ça, on se contente de parsemer ses discours d'emprunts ayant de parfaits équivalents français. Ma fille, cadre dans un groupe de grands magasins, ne cesse de le faire, ce qui m'agace beaucoup.

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