dimanche 13 janvier 2019

Boys don't cry !

Je vous avais mitonné un billet ironique sur les GJ qui à force de se promener et d'émeuter dans le VIIIe avaient fini par devenir une attraction touristique avant de se transformer en spectacle où des comédiens avaient remplacé GJ et CRS. On venait du monde entier pour voir chaque samedi le Rioting Paris Show. Sur les gradins entourant l'immense arène construite au Champ de Mars, on applaudissait à tout rompre les barricades enflammées, les plus belles charges de CRS, les lanceurs de pavés les plus adroits...

Et puis ça m'est tombé sur le coin de la gueule, comme ça, sans crier gare. Pendant la cérémonie du petit dèje. Normalement, celle-ci consiste à boire un grand bol de café au lait accompagné de deux tartines en croisant les mots tandis que Cnews distille son ronron habituel. Ce matin pas de Cnews. J'en ai plus que soupé des inepties du GJ de service, des flics syndicalistes, des spécialistes de la question et des experts en com qui commentent ce que Tartempion ou Bidule n'auraient pas du dire. C'est donc dans le silence que les larmes me sont venues aux yeux. Elles m'ont pris en traître. Y'a que comme ça qu'elles peuvent m'avoir, ces salopes. Oh, ce ne fut pas le Niagara, juste un voile humide. Les glandes lacrymales, c'est comme les muscles : si on ne s'en sert pas, elles s'atrophient.

Il y a plus de quarante ans, sur mon chemin chaotique d'alors j'ai croisé une fille. Elle était jeune, très jeune. Je l'étais aussi mais moins au vu de l'état civil. Ce fut le début d'une histoire de quatorze ans qui, après des débuts agités se mua en un bonheur rare avant que la vie...

Mariage, enfant, fortune, avec elle tout devint possible. On vivait en osmose. On finit par vivre ensemble 24 h sur 24 au grand étonnement de ceux dont on se demandait comment ils pouvaient se supporter cinq minutes d'affilée. Elle me voyait Pygmalion, elle était ma source de force. Et puis la merde a atteint le ventilo, tout s'est gâté. Suivirent bien des années d'amères rancœurs. Seule notre fille permit que subsistât un lien ténu qui se rompit quand la petite vola de ses propres ailes. En août 2016, les fiançailles de cette dernière vinrent mettre un terme au silence. On se reparla. On se téléphonait. Nous avions chacun notre vie, bien sûr, après 26 ans d'absence mais j'étais heureux de ces retrouvailles. Et puis il y a quelques mois elle m'apprit que le crabe l'avait attaquée. Elle prenait la chose avec sa dignité et sa force coutumière de petit soldat de la vie. Suivit un traitement qui échoua. Un pronostic sans appel. Et tout s'est dégradé, organe après organe. Des douleurs atroces se sont installées que la morphine ne sait calmer. Et je suis là, comme un con impuissant, n'osant pas l'appeler, de peur de déranger. Et pour dire quoi ?

Qu'est-ce qu'il vient nous faire chier, ce con, avec son pathos de merde se demanderont certains. C'est indécent ! C'est possible, et alors ? Peut-être que j'écris pour moi, pour endiguer le Niagara. Boys don't cry, c'est bien connu. Le boy, il a quelques courses à faire, un plafond à réparer. Sa vie, au boy, jusqu'à nouvel ordre, elle continue !

18 commentaires:

  1. j'ai connu, ça, il y a un paquet d'années maintenant et je m'en souviens comme si c'était hier, j'étais bêtement étalée dans un centre de soins esthétiques quand mon téléphone a sonné, on m'apprenait que l'homme avec qui j'avais vécu une belle histoire pendant 7 ans, ne s'était pas réveillé d'une opération tout a fait bénigne ,et j'ai pleuré aussi à ce moment là, ce n'est pas Niagara Boys cher Jacques, c'est cette putain de vie , il nous reste encore des bons et beaux sentiments, on n'oublie jamais les moment heureux , bonne peinture, la vie continue

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  2. demandez à votre fille si ça lui ferait plaisir que vous l'appeliez. Courage

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    1. Je l'ai fait, bien sûr mais elle ne sait pas trop. Car le pire est que la douleur amène parfois sa mère à se montrer revêche. De plus, ça varie sans cesse. Récemment, je l'ai appelée. Elle n'a pas répondu mais m'a rappelé ensuite. Tout cela est très délicat. Merci de votre soutien.

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  3. Ce n'est pas vraiment de la déprime, juste une forte émotion. Merci de votre empathie.

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  4. J'avais renoncé au téléphone. Trop intimidant. les SMS, beaucoup, tout le temps, et les photos de portable pour continuer à partager. Jusqu'au palliatif.
    Le dernier message.
    Un an plus tard j'ai tout retranscris, avec les fautes de frappe, sur un cahier.
    Le cahier est au coffre, pour mes héritiers, les messages furent effacés il y a peu.

    De temps à autre, une douleur au ventre silencieuse.

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    1. Oui, les SMS. Je n'y pense jamais. Peut-être la solution pour être là sans déranger.
      Merci.

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  5. Ah quelle tristesse! Heureusement qu'il vous reste une fille, peut-être mariée maintenant et en principe qui vous soutient.
    Le plus désolant c'est quand on n'a plus personne avec qui partager son chagrin.
    Orage

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  6. Merci Orage ! Ma fille n'est pas mariée, les fiançailles ont été rompues pour des raison qui font que je ne dirai pas hélas. Mais elle est adorable, nous partageons beaucoup même si la distance nous sépare. Je viens de passer une heure au téléphone avec elle : elle avait appelé après avoir lu mon billet. Je lui souhaite de connaître le bonheur qui un temps fut le mien et que le sien dure...
    Merci encore !

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  7. And sometimes girls as well !

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  8. Juste une pensée....
    J-J S

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  9. De tout cœur avec vous dans ce moment difficile.
    Jacques, courage.

    Mauricette

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  10. Mauricette de "Vertige de l'amour" d'Alain Bashung ?...

    Dominique

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