vendredi 9 juin 2017

Micro-trottoir et autre attrape-nigauds

S'il existe une pratique aussi répandue que malhonnête c'est bien le micro-trottoir. Les media audio-visuels en raffolent. Quels que soient le problème ou la question, on va interroger l'homme de la rue (qui n'est pas comme je le croyais, en mon enfantine innocence un clochard). Et celui-ci répond. Et il tente généralement de le faire comme il faut, de n'avoir l'air ni trop con ni trop extrémiste, de paraître intelligent et posé, ce qui l'amène à répéter de préférence la parole de la soi-disant élite. La malhonnêteté du procédé est évidente : car ne passe à l'antenne qu'une sélection des propos recueillis et que ce choix est bien entendu conforme aux a priori de la rédaction. Bien sûr on laissera une petite place à des opinions divergentes mais seulement dans le but de maintenir une illusion de vraisemblance : une trop grande unanimité finirait par sembler suspecte.

Pourquoi a-t-on recours à cette piètre comédie ? D'abord par démagogie. Elle permet au gogo de base de penser que son avis a une quelconque importance. Mais aussi et surtout pour influencer. Le choix des propos diffusés jouent un double rôle : conforter les auditeurs qui partagent les préjugés du media choisi que leur opinion est quasi-unanimement partagée et donner à ceux qui ne les partagent pas l'impression qu'ils sont ultra-minoritaires ce qui peut pousser un mouton à penser qu'il s'est égaré loin du troupeau..

Il en va de même pour la parole qu'on « donne » aux auditeurs et autres téléspectateurs. Les questions ou remarques y sont si bien filtrées que sauf à proposer un discours acceptable pour, une fois à l'antenne, parler de toute autre manière, les propos discordants sont systématiquement éliminés. Ces mauvais plaisants se voient vertement tancés par le propagandiste qui les accuse de malhonnêteté comme si lui et son équipe, en censurant systématiquement toute parole non-conforme se montraient probes.

Mais mon pauvre ami, vous enfoncez-là des portes ouvertes ! Qui peut bien accorder le moindre crédit à ces pantalonnades ? Eh bien justement : j'ai de plus en plus l'impression que les Français sont des gogos avides de se rallier aux opinions des media, quelles que soient la couleur du fil dont elles sont cousues ou la grosseur des ficelles mises en œuvre. Ce n'est pas l'élection d'un président jupitérien qui invite à penser printemps qui dissipera mes doutes. Surtout si, comme prévu, il se voit offert une majorité écrasante.

15 commentaires:

  1. Non aux micro-trottoirs ...
    Oui aux maxi-trottoirs !

    Dominique

    RépondreSupprimer
  2. Monsieur des Collines :
    On ne dit plus micro-trottoirs on dit macron-trottoirs maintenant !
    (car j'ai vu à la télé beaucoup de ces interviews express où la question posée concernait le "mari" de Brigitte Trogneux...)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. D'un autre ôté, le personnage est si fascinant qu'on ne saurait lui attribuer trop de place.

      Supprimer
  3. Absolument! Et pour conforter votre constat il apparaît fort probable qu'à force de se l'entendre seriner sur tout les tons, le corps électoral s'attachera à lui donner son écrasante majorité... c'est ça la démocratie!
    Amitiés.

    RépondreSupprimer
  4. Bien sûr qu'il y a tri sélectif. Je soupçonne cependant que, interrogés pour passer à la télé, les gens se surveillent et n'expriment pas forcément le fond de leur pensée.

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour, Jacques Étienne. Je suis bien content de vous voir de retour.

    Sur votre billet, je ne vois pas ce que je pourrais ajouter de plus ou de mieux.

    Mais il y a tout de même un point qui me titille. Vous donnez comme envoi "Surtout si, comme prévu, il se voit offert une majorité écrasante."

    Ça me grattouille et ça me chatouille. N'eût-il pas mieux valu écrire "Surtout s'il se voit offrir une majorité écrasante" ou encore "Surtout s'il se voit offerte une majorité écrasante" ?

    Je… je suis troublé. Venez à mon secours. (Et si Goux, entre autres grammairiens, passe par là, ayant un avis fondé sur la question, qu'il ne se taise jamais, quitte à ce qu'il me donne les verges. Ça ne me fera pas plaisir, non — qu'alliez-vous penser là ? — mais je préfère l'étrillage au doute.)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Cette remarque m'était également venue à l'esprit, mais je n'avais osé l'écrire pour ne pas soit vexer notre si agréable hôte (eh oui je suis poli), soit passer pour un con si elle était infondée ...

      Dominique

      Supprimer
    2. J'avoue avoir connu vos doutes en écrivant. Des recherches sur le net ne m'ont pas permis de trancher. J'aurais mieux fait d'écrire "Surtout si les électeurs lui offrent une majorité écrasante"...

      Supprimer
  6. Se taire ou ne rien dire... vous avez choisi ! Hélas !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Expression sibylline que je ne sais trop comment interpréter.

      Supprimer
  7. Si j'en crois Michel Onfray, le micro-trottoir n'a plus aucun avenir face à cette nouveauté : "l'analyse transverse" qui consiste à donner des résultats en chiffres très précis en interrogeant des gens qui ont "au moins entendu parler" de l'objet de cette analyse "mêlant opinion, corporate et marketing).
    En réponse aux éventuelles questions s'en référer à "La cour des Miracles" dernier opus de l'auteur sus-cité.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je pense au contraire qu'il a beaucoup d'avenir. Il ne sert aucunement à analyser les opinions mais à favoriser les opinions qu'on soutient. Moyen de propagande médiatique, il a donc de beaux jours devant lui.

      Supprimer
  8. Il faut bien contrôler le troupeau humain.
    Le micro-trottoir est un excellent moyen.

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.