samedi 25 février 2017

Abnégation

Ce matin, on frappe à ma porte. J'étais à l'étage, encore en pyjama. Comme je ne reçois que très peu de visites, lorsqu'on toque à ma porte (je n'ai pas de sonnette), j'en ressens toujours un certain désagrément, car pour savoir qui se trouve sur mon seuil,, il me faudrait ouvrir ma fenêtre, m'y pencher et, ce faisant, révéler ma présence, je me résigne donc à descendre. Surtout qu'on ne sait jamais : peut-être est-ce le destin ? Une créature divine ayant développé une attirance irrépressible pour les bricoleurs chenus ? Un Ivoirien, qui lassé de ne pas me voir répondre à ses mails, viendrait me livrer en mains propres les millions de dollars qu'il a dans sa musette ?

Hélas, tels ne sont jamais mes visiteurs. A part Raymond qui, exceptionnellement, vient me voir en quête d'un service ou pour me proposer un demi-agneau qui sans mon secours lui resterait sur les bras, ce sont, au moins au départ, des inconnus en quête de quelques sous : le cacochyme vendeur de billets de la loterie paroissiale qui a tant de mal à se traîner que je n'aurais pas le cœur de lui refuser l'achat d'un carnet dont je ne saurai jamais si les billets étaient gagnants ou, en novembre, les valeureux soldats du feu dont j'achète le calendrier avant de le classer verticalement. Il arrive aussi que quelque personne perdu dans le bocage vienne me demander de l'aider à trouver des gens que je ne connais pas. Et puis, il y a, comme ce matin, les Témoins de Jéhovah.

Nul besoin qu'ils se présentent : je les renifle à distance et, après un rapide bonjour, je leurs dis, tout en sourire, sans qu'ils aient le temps de placer le moindre mot, que je ne suis pas intéressé. Certains insistent un peu, d'autres, comme ceux de ce matin comprennent qu'ils perdraient leur temps, me souhaitent une bonne journée et, d'un pas alerte, partent déranger le voisin.

Je m'en veux un peu de ne pas mieux les recevoir. Je me console  en me disant qu'étant fermé à toute aspiration religieuse, le temps qu'ils perdraient avec moi serait, peut-être, plus fructueusement employé auprès de personnes plus perméables à leur discours. Mais en existe-t-il beaucoup ? Combien de refus d'ouvrir, de portes qui claquent à leur nez, de rebuffades mal aimables et peut-être même parfois d'insultes pour une brebis « sauvée » ? Et pourtant ils continuent, sacrifiant leur temps libre à leur apostolat.

Je ne peux m'empêcher d'admirer leur abnégation. Je sais les critiques auxquelles ils sont en butte. Sectarisme, refus de soins, endoctrinement de leurs enfants, etc. N'empêche que leur prosélytisme est compréhensible : comment, quand on est porteur d'une vérité, se résigner qu'au péril de leur salut éternel les autres restent dans l'erreur ?

Seulement, des porteurs de vérités intangibles, on tape dans un réverbère, il en tombe cent... Et parallèlement à cette admiration, je me félicite qu'ils soient les seuls avec les Mormons, à sillonner villes et campagnes en vue d'âmes à sauver. Si les Marxistes de la dernière heure, les Adorateurs du Saint Caméléon, les Dévorateurs de Bidoche et tous ceux qu'habite une virulente foi en faisaient autant, on n'aurait plus une minute à soi le week-end.

12 commentaires:

  1. Qui ne vous envierait pas cette facilité avec laquelle, d'un événement anodin, vous nous faites un petit billet si vivant et si plaisant à lire. Bravo donc, Oncle Jacques, et bon week-end !

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    1. Vos compliments me font rosir dr plaisir ! Pas certain de les mériter, cependant.

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  2. Un jour, je me suis laissé attendrir... et je leur ai répondu.
    Mal m'en a pris.
    Cependant comme je connaissais un peu leur discours : "le monde existe, il y a donc un architecte... C'est Jéhovah, bien entendu."
    Je les attendais donc au virage.
    La question ne tarda pas à venir : "Qui a construit votre maison?" la réponse la plus à même est : "un maçon"...
    Mais ma réponse les laissa sans voix "C'est moi qui l'ai construite" ! Ne pouvant m'assimiler à Jéhova, ils sont partir la queue entre les jambes.
    Comme quoi être bricoleur comme notre ami Jacques sauve souvent la situation.
    François

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    1. Quand j'étais jeune, je me lançais avec eu dans de longues discussions. Je crois que je finissais par les lasser.

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  3. En leur consacrant un peu de votre temps, et de votre sagesse, vous auriez pu les convertir (au placo ou à l'éradication de la piéride), qui sait ? Et utiliser le temps qui leur a permis, peut-être, d'endoctriner Raymond, sa fille ou son chien.

    Peut mieux faire, cher Jacques ;-)

    Ceci dit, je suis moi-même de mauvaise foi en vous écrivant cela, car à l'heure où je traine en pyjama, faut pas m'faire chier.

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    1. Les Adorateurs du Divin Placo (ADP à ne pas confondre avec les autres ADP (Aéroports de Paris)) pas plus que les Eradicateurs Démoniaques de Piérides (EDP à ne pas confondre avec les autres EDP ( Équation aux dérivées partielles)) ne pratiquent pas le prosélytisme. Qu'on se le dise !

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  4. Méfiez-vous de certains témoins qui se présentent comme des Macronistes, ils écument les campagnes paraît-il.

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    1. On risque de les confondre : leur discours est sensiblement le même.

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  5. Je leur ai dit que j'étais adventiste,ils ne sont jamais revenu.
    Marie-France

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  6. Je vous trouve bien dur avec ces braves gens.

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  7. La foi c'est quelque chose qui ne s'explique pas...en revanche
    le fait d'aller enquiquiner le pauvre monde pour se mettre dans
    les petits papiers du Père Éternel, ça s'explique très bien, c'est
    de l'égoïsme!
    Amitiés.

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