jeudi 14 janvier 2016

Gardons la tête froide !

« On ne réfléchit plus Monsieur, non, on réagit à l'émotion  » cette phrase, extraite d'un article d'Arnaud D. est d'une totale justesse. L'émotion remplace le raisonnement et participe de la faiblesse de nos sociétés en ce qu'elle révèle à nos ennemis l'état de délabrement moral qui nous mine.

A première vue, rien n'est plus « normal » que de s'émouvoir. L'émotion est émouvante en diable ! Et quel signe plus manifeste de profonde humanité que de laisser libre cours à son expression ?

Alors, on s'émeut à tours de bras. A-t-on réussi à un examen que seuls 10 pour cent des candidats parviennent à rater ? On hurle de joie ! Le moindre drame est l'occasion de déposer, fleurs, bougies, dessins d'enfants, pensées puériles griffonnées sur un bout de papier sur le lieu où il s'est produit. Si bientôt on voyait un ministre de la santé en pleur se rendre au chevet de qui se serait retourné un ongle, je n'en serais pas plus que ça surpris : n'a-t-on pas récemment vu l'homme le plus puissant du monde essuyer de furtives larmes en évoquant le massacre d'enfants qui ne lui étaient rien ? Présidents, ministres et sous-ministres se doivent, avec la tête d'enterrement requise, d'exprimer aux familles, à la nation, au monde et à sa banlieue la profonde émotion que provoque en eux la moindre victime et d'assister, avec une peine toujours renouvelée, aux commémos qui suivent. On se demande comment ils tiennent. L'émotion est aujourd'hui un must. Mais n'est-elle pas surtout une mode ?

Sans pouvoir en fixer la date, l'expression publique des émotions n'est apparue que relativement récemment. Je ne me souviens pas avoir entendu le Général De Gaulle exprimer la sienne à tout bout de champ et pourtant ce n'était pas faute d'occasions dans les temps agités où il présidait aux destinées de la France. Naguère encore les ministres avaient d'autres occupations que d'aller consoler les mères, cousins, voisins ou passants éplorés. On obtenait ou échouait à un diplôme sans larmes ou cris de joie ou de douleur. Furent des temps anciens où, selon la légende, la mère de Boabdil pouvait dire à son fils vaincu « pleure comme une femme ce que tu n’as pas su défendre comme un homme ! » montrant à la fois le mépris que lui inspiraient les épanchements intempestifs et le peu de place que les études de genre avaient conquis en ces âges obscurs.

J'aurais tendance à considérer que cette mode, comme beaucoup de ce qui nous nuit, vient des États-Unis, pays de grande sensibilité bisounoursique s'il en est, comme en témoignent depuis des décennies ses divers bombardements aussi massifs qu'humanitaires. Elle se répand par le truchement de la télévision qui encourage et propage l'hystérie.

Plus que de montrer toute la tendresse de petits cœurs fragiles, je pense qu'il vaudrait mieux que raison nous gardions. Les nombreuses manifestations d'émotions diverses qui ont suivi les récents attentats n'ont fait que démontrer notre vulnérabilité et partant conforté les terroristes dans l'efficacité de leurs actions. N'eût-il pas mieux valu qu'on se contentât d'enterrer les morts dans le silence et qu'on se concentrât sur l'action à mener afin qu'à l'avenir leur nombre soit réduit ?

21 commentaires:

  1. L'émotion publique et institutionnalisée est devenue pour nos gouvernants un ersatz qui remplace à moindre coût la réflexion et l'action qui devrait en découler. C'est un aveu d'impuissance comme le seraient pour une armée en campagne des prières pour la paix.

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  2. De quelle émotion parlez-vous, celle que vous agitez sans cesse, le migrant violeur, l'étranger envahisseur, le musulman assassin, le ministre de la justice laxiste, le jeune de banlieue inculte ?

    Sébastien

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    1. Oh mon petit toit petit homme, te serais tu trompé de problème.
      Va jouer avec les gosses de ta rue et viens pas nous ennuyer si un de tes amis te refait le visage en taxant ton portefeuille.

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    2. "Sébastien", je prends la peine de vous répondre, non parce que votre commentaire présente un quelconque intérêt mais parce qu'il pose problème. De deux choses l'une : soit vous l'avez posté par erreur sur ce blog alors qu'il s'adressait à un autre, soit vous comprenez mal ce que vous lisez. En effet, c'est en vain que vous chercheriez ici de l'indignation ou de l'émotion au sujet des thèmes que vous évoquez. Dans ce blog, comme il est dit, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane. C'est une question de tempérament. A moins, bien entendu que tout texte fonctionne pour vous comme une sorte de test de Rorschach sur lequel vous projetez la vision que vous vous faites de qui ne partage pas vos "idées".

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  3. Il est qu'Obama pleurant des larmes de crocodile,était d'un goût douteux, " comediante, tragediante" aurait dit un certain pape.
    Je partage votre avis.

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  4. J'ajouterais à vos exemples celui des sportifs. Je défie quiconque de trouver dans les archives un perdant qui pleure, trépigne ou se jette par terre avant les années 70/80, disons. On enseignait dans les écoles que l'on devait rester impassible, voire qu'il était souhaitable de grommeler un "bravo, tu étais le meilleur". Pareil pour les étreintes et les embrassades en cas de victoire.

    En revanche... on peut s'émouvoir pour quelqu'un qui ne vous est rien. C'est, je crois, une sorte d'empathie commune, loin de la sensiblerie, et fondatrice de grandes et belles actions.
    Si St Vincent de Paul ne s'était pas ému du sort des "enfants du péché", il n'y aurait pas eu l'Assistance Publique.
    Enlevez cette empathie, vous supprimez ce que le christianisme -et d'autres religions- ont de meilleur.

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    1. Vous avez raison quand au sport. Ça ne fait que corroborer mon idée qu'il s'agit d'une mode hystérique entretenue par les media.

      Pour ce qui est de l'empathie, je dois en être peu pourvu. J'ai l'impression que la charité a pour origine la nécessité pour qui la pratique de se faire une bonne image de soi-même ou pour donner un sens à sa vie à moins que ça ne découle d'un devoir religieux. On peut alors se demander qui aide qui ou si ça ne consiste pas en un échange ou chacun trouve son compte. Mais bon, comme je l'ai souvent dit, je suis, quoi qu'en dise M. Sébastien, je suis un animal à sang froid.

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    2. On a observé des enfants de un à deux ans dans des crèches. On voulait étudier les relations de groupe, et surtout savoir qui devenait chef, ou médiateur, et pourquoi.
      Le résultat de cette expérience est intéressant: sur une dizaine de groupes composés de huit à douze enfants, le chef était en général un des plus âgés (là, pas de surprise)et surtout un de ceux qui était le plus consolateur, celui qui allait faire un bisou ou ramasser le nounours d'un autre qui manifestait des signes de détresse, de douleur, etc. C'était ce chef là qui intervenait en cas de conflit, et tirait par le bras un enfant qui agressait un autre. On faisait entrer dans la salle sans adulte présent une personne déguisée avec une fourrure noire. Les enfants s'éparpillaient, criaient et se regroupaient derrière leur chef qui, sans aller jusqu'à combattre (deux ans tout de même !) s'interposait avec un certain courage. Il y avait autant de garçons que de filles chefs.
      On discuta ensuite pour savoir si l'empathie était inscrite dans nos gènes (certains mammifères en semblent pourvus)ou bien si l'éducation de ces enfants les avait déjà bien façonnés.

      "J'ai l'impression que la charité a pour origine la nécessité pour qui la pratique de se faire une bonne image de soi-même ou pour donner un sens à sa vie à moins que ça ne découle d'un devoir religieux. On peut alors se demander qui aide qui ou si ça ne consiste pas en un échange ou chacun trouve son compte."
      Oui, mais et alors ? Même si on ne vous voit pas, même si vous n'avez rien à cirer de tel ou tel dieu puisque vous ne croyez pas au ciel, à la vie éternelle et tout cela, vous ne vous arrêterez pas sur une route déserte si une voiture a fait trois tonneaux et que vous entendez des gémissements ?
      Vous avez bien un tout p'tit peu d'empathie ? Même si elle est réservée aux cas graves ?

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    3. C'est intéressant votre histoire de jeunes enfants qui semble indiquer que les chefs sont empathique. Ce qui explique que je n'ai jamais voulu diriger quoi que ce soit. Je suis un individualiste endurci.

      L'exemple que vous prenez est malheureux car je ne supporte pas du tout la vue des blessures d'autrui. Les miennes me laissent de marbre. Dans le cas évoqué, si j'ai un téléphone, j'appellerai des secours, sinon j'irai en chercher.

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  5. La grande majorité de ceux qui ne se sont pas rendu place de la République lors des commémorations,ont fait votre analyse
    En revanche j'ai bien aimé le dessin de Riss concernant le petit Aylan qui serait devenu tripoteur de gretchen:pan dans la gueule de tous les émotionneurs

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    1. On peut interpréter ce dessin de bien des manières. Personnellement je ne l'ai pas apprécié.

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  6. Et peut-être que penser qu'on est "l'homme qui est à la tête du plus puissant pays du monde" et qu'on redeviendra Mr. Nobody dans quelques mois, peut aider à "chialer comme un môme" quand le besoin médiatique s'en fait sentir.

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  7. Que voulez vous, dans notre univers hyper-médiatisé l'émotion engendre la sympathie et la sympathie peut engendrer des suffrages. La démocratie pleurnicharde est en marche, elle écrasera tout sur son passage à commencer par la raison.
    Amitiés.

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    1. En effet. Un bon exemple de cette perte de raison est la remontée de Hollande dans les sondages après les attentats. Je pense que media et dirigeants favorisent l'émotivité parce qu'une foule sentimentale est plus aisée à manipuler.

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  8. @ fredi : Ce n'est pas un proverbe mais une phrase que la légende attribue à la mère de Boabdil, roi de Grenade qui pleurait la perte de son royaume conquis par les Espagnols en 1492.
    Pour ce qui est d'Obama (et des Américains en général) elle est souvent à géométrie variable...

    @ Mildred : Vous êtes caustique !

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  9. Eh bien moi je dis que nonobstant l'apparente légèreté de l'exorde - "ici on rit, on batifole, on badine etc..." - il y a force sagesse dans ce propos, et même une certaine vigueur intellectuelle et morale, ma foi, de fort bon aloi. L'art étant, fort difficile, d'administrer la vigueur de la pensée derrière une certaine légèreté de ton, art délicat, très français, et fort abouti en l'espèce.

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    1. Un tel commentaire donne envie de se présenter à l'Académie Française ! Seulement, est-il mérité ?

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  10. Omy c'est toi jacques etienne ?

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