jeudi 30 avril 2015

On est tous sur le même bateau, mais moi je rame !



Il y a quelque temps de cela, j’avais remarqué que Raymond s’occupait à fagoter dans le terrain des Anglais où, par pure charité, il fait paître deux ou trois brebis afin que celui-ci ne se transforme pas en jungle. Je me fis la réflexion que, vue la saison, il se pourrait bien qu’il coupât ces branches afin d’en faire des rames pour ses pois.

Avant-hier, je profitai de ce qu’il nourrissait ses bêtes pour lui demander innocemment s’il ne connaîtrait pas un endroit où je pourrais trouver quelques branchages qui puissent servir de tuteurs aux miens, avec, peut-être, l’arrière-pensée que, si le hasard faisait qu’il eût conservé quelques ramures surnuméraires par devers lui, il se ferait une joie de me les offrir. Hélas, il n’en fut rien.

Il déplora que je ne lui en aie pas parlé plus tôt car quelques jours auparavant, il avait fait du fagot avec des branches de la haie des anglais. Mon hypocrisie n’alla pas jusqu’à prendre un air étonné à cette annonce ni à maudire à haute voix mon imprévoyance. De fagot il n’avait point à me donner, cependant il avait un plan B : pour soutenir mes pois, je pourrais user de ce grillage plastique dont on arme les chapes de mortier anhydrique , maintenu à chaque bout de rang par un piquet. Seulement, où en trouver ? On en trouverait bien chez le marchand de matériaux, mais qui dit acheter dit dépenser des sous et dépenser l’argent durement reçu de la caisse de retraite fait toujours tiquer le vieux Normand.

D’un autre côté, il était tard, les bois seraient feuillus… Les feuilles mourraient, se répandraient dans le jardin… Et où en trouver ? Peut-être sur la voie (c’est-à-dire l’ancienne voie de chemin de fer transformée en voie verte par les bons soins de la région et l’aide financière de l’Union Européenne) ? Oui, on devrait en trouver sur la voie… Ben écoutez, si vous avez le temps, on pourrait aller voir ça demain matin me proposa Raymond réalisant que ne pas rendre service à un gars qui lui avait sauvé une brebis ne se faisait pas. On prendra une serpette et on y ira…

Hier matin donc, à l’heure convenue, je m’en fus le trouver et dûment munis de l’outil tranchant et des cordes nécessaires, nous traversâmes son grand pré où il me montra ceux des ses agneaux aînés qui allaient bientôt passer à l’abattoir. Pour calculer le poids de viande de la bête, il suffit de prendre son poids sur pieds, d’en retirer 4 kg et de diviser le restant par deux. Ainsi un agneau de 50 kg représente-t-il 23 kg de bidoche. C’est toujours bon à savoir, mais nous n’étions pas là pour ça.

Le problème avec les vallons, c’est qu’ils sont plus aisés à descendre qu’à monter. Plus de cinquante ans de tabagie forcenée rendent le souffle court. C’est donc en haletant que j’atteignis la clôture de barbelés qui séparait le pré de la voie. Toujours obligeant, Raymond me tint les fils tandis que, souple comme un verre de lampe, je peinais à la franchir. Je lui rendis la pareille et pus constater que ses soixante-seize ans étaient souples et alertes. La coupe des branches fut une promenade. Nous regroupâmes nos trouvailles en un joli fagot qu’il se mit à porter. A l’occasion d’un passage de clôture, je le lui confisquai, vu qu’il existe des limites à l’obligeance. Chargé de ramures, j’atteins, de nouveau essoufflé, sa petite maison des prés (il réside au bourg voisin) où il insista pour me payer le café. Je lui fis remarquer que c’eût plutôt été à moi de l’offrir, vu l’insigne service qu’il venait de rendre à mes pois. Il balaya l’objection d’un péremptoire : puisqu’on est là !

Nous bûmes le café-calva suivi d’une minuscule rincette (on sait se tenir en société !) et parlâmes. Surtout lui. J’eus droit à une nouvelle version, plus détaillée,  de son exploit militaire en Algérie durant lequel il fut blessé lors d’une embuscade contre des pillards du FLN. Sur les trois gars de sa classe venus canton, l’un avait été tué, l’autre était rentré paraplégique et lui, veinard, n’avait eu qu’un poignet éclaté et l’autre main blessée. Tout ça, comme il disait, pour un café et un paquet de cigarettes… Il avait quand même reçu une médaille… La France sait être généreuse avec ses guerriers enrôlés.

Chargé de mon fagot, je pris congé et m’empressai de mettre les rames en place. Voici le résultat : 


 Pas mal, non ? Ainsi mes pois ne se vautreront pas sur la plate-bande et leur cueillette sera facilitée.

mercredi 29 avril 2015

Le lycaon



A Mildred, fidèle commentatrice, qui me suggéra le sujet.


« Oh, qu’il est meugnon, le toutou ! C'est un bon toutou, ça !  Il donne la papatte, le toutou ? Il donne la papatte, le toutou ? »  Ami des bêtes, ayant surmonté la naturelle répulsion que t’inspire son odeur pestilentielle, tu t’approcheras de ce que tu prends pour un chienchien à sa mémère afin de lui faire un gros poutou ! Et tu auras tort car ce n’est pas d’un chien que tu t’approcheras mais d’un Lycaon, canidé des savanes africaines et redoutable prédateur. Prends garde que d’un coup de ses redoutables canines il ne s’en prenne à tes entrailles !

Malgré une paronomase propre à égarer le dyslexique, le lycaon n’a de commun avec le lycéen que l’étymologie et, en cas d'hygiène douteuse, l’odeur et la mauvaise haleine. Cet éventuel malentendu dissipé, venons-en aux caractéristiques de la bête. Tout d’abord signalons qu’à la différence des autres canidés comme nos amis le chien et le loup, il ne possède que quatre doigts et quarante dents (contre respectivement cinq et quarante-deux). Nous préférons vous signaler d’emblée ces détails car au cas où, lors d’une promenade en savane africaine (en rencontrer ailleurs est improbable) vous vous trouveriez cerné par une meute de lycaons, il se peut que vous ne songiez pas à vérifier  ces points de détail. Sa robe est tachetée de manière aléatoire et s’y mêlent le blanc, le noir, le brun et le jaune avec pour résultat une apparence peu avantageuse.

Ce brave canidé chasse en meute et s’attaque principalement à des nuisibles comme les gazelles, le zèbre, le gnou, le phacochère, les antilopes, les chèvres des Masaï, etc, toutes bêtes qui empuantissent la savane de leurs abominables déjections. Il s’attaque de préférence aux jeunes sans défense ou aux adultes malades. Preuve qu’il n’est pas fou, le bougre !  Bien moins rapide que certaines de ses proies, il est très résistant et finit par les épuiser avant de leur déchirer les entrailles dès qu’elles donnent des signes de mollesse du genou. Tentez de semer un lycaon à la course avec ce qui reste de vos intestins traînant par terre et vous comprendrez qu’une éventration par une bande de lycaon annonce un bien sombre avenir. Il arrive même qu’un lion solitaire se voit traiter de même façon par une meute de ces canidés. Il faut dire à leur décharge que le lion, de son côté, n’hésite pas à tuer ces redoutables concurrents. Comme quoi, faute d’une éducation citoyenne, le vivre ensemble n’est que rarement la règle…

Comme bien des blogueurs, on n’a jamais vu le lycaon boire de l’eau. Le ferait-il en cachette ? Une énigme, encore ! Toutefois, sous des dehors bourrus, le lycaon cache une âme généreuse. En effet, après une chasse fructueuse, il nourrit ceux des siens qui n’y ont pas participé qu’ils soient handicapés, trop vieux ou restés garder les mouflets. Apprivoiser un de ces canidés afin qu’il vous nourrisse de sa chasse tandis que vous restez à la maison à regarder Les feux de l’amour pourrait donc se concevoir à la condition que vous soyez friand de viande ou de tripailles régurgitées.

Chez Lycaon, on ne badine pas avec la hiérarchie. Seul le couple dominant a le droit de se reproduire. Si des impudents batifolent les leaders tuent le fruit de leur péché. La femelle dominante met au jour une dizaine de lycaounets que l’ensemble de la meute protège et nourrit car ils ne sont pas rancuniers.

Malheureusement, la survie de cet espèce est menacée tant par la maladie que par l’homme africain qui n’est pas suffisamment entré dans l’histoire pour comprendre que les prédateurs de ses troupeaux sont à protéger. Espérons que la folie humaine ne viendra pas priver la création d’un de ses fleurons !  

mardi 28 avril 2015

Hollande : la solution ?



L’actualité est bien désolante : la terre tremble là où l’activité sismique est intense ; un terroriste déjoue lui-même ses plans terroristes ; à Baltimore on pille les commerces histoire d’exprimer sa peine ; M. Hollande cause dans le poste. Comment ne pas s’en désoler ?

Même si rien de ce qui est Népalais ne m’est étranger, même si les crimes islamistes me désolent, même si la juste colère d’une communauté brimée ne peut que rencontrer ma sympathie, il n’empêche que ce qui m’attriste le plus est l’omniprésence télévisuelle de M. Hollande. D'autant plus que, si on en croit les milieux autorisés, on n’est pas près de voir cet affligeant spectacle s’arrêter vu que, selon eux, notre cher président serait entré en campagne. Il s’assignerait pour but de reconquérir son électorat perdu ! Ça fait du monde ça !  Et ça laisse présumer d’inquiétantes conséquences.

Jusqu’ici, on ne lui consacrait que deux ou trois reportages par jour : une intervention au congrès des sodomites en salle, une ferme condamnation des tsunamis, une rencontre fructueuse avec son homologue boukistanais. Pour toute personne pour qui avoir un président issu du PS n’est pas une fin en soi et dotée d’oreilles et d’yeux,  l’entendre bafouiller ses platitudes et le voir tour à tour faussement grave ou béatement souriant constitue une épreuve à la limite du supportable. Que dire si, de bi ou tri-quotidiennes, ses interventions se comptaient désormais par dizaines ? Si, pour couvrir son actualité, les divers JT voyaient leur durée doublée, triplée, quadruplée ? S’il nous était quotidiennement imposé de le voir saluer les goitreux cantalous, complimenter les éleveurs de lycaons ardéchois, applaudir les cracheurs de feu beaucerons,  recevoir le président des boulistes manchots, embrasser Miss Boudin à Mortagne, serrer la louche du vainqueur de la course en sac des culs-de-jattes solognots, féliciter la lauréate du concours de poésie analphabétique du Haut-Bourbonnais, vanter les mérites énergétiques de la carotte bleue de Beauvallon-sur-Méthylène, s’empiffrer de tripoux à la foire de Saint-Flour, siroter avec délice un verre de Bouillette de Saint-Frusquin ou quelques dizaines d’autres événements primordiaux du même tonneau ? Insupportable, non ?

Et pourtant c’est ce qui nous pend au nez pour les deux ans qui viennent ! De la ridicule anaphore qui aurait tant fait pour son élection (!), seule une promesse non énoncée a été tenue : « Moi président, je viendrai vous bassiner à tout bout de champ ! »

Personnellement, je n’en peux plus. Du plus profond de ma prostration m’est venue une idée. Si on admet que le seul but de M. Hollande est de conserver sa place, pourquoi, grâce à une salutaire réforme constitutionnelle, ne le nommerait-on pas président à vie ? Ça nous éviterait l’épreuve inhumaine de deux ans de campagne. Bien entendu cette réforme s’accompagnerait d’une condition qui, en cas de non-respect, entraîneraient sa révocation et son bannissement : engagement à n’apparaître dans les media que trente seconde par an à l’occasion des vœux du nouvel an (« Euh… » compris). Moyennant quoi, il pourrait continuer à mener la belle vie à l’Élysée ou en tout autre palais présidentiel de son choix, inaugurer autant de chrysanthèmes qu’il jugerait souhaitable, bredouiller plus de discours qu’un curé ne saurait en bénir, à la condition qu’aucun écho médiatique ne soit donné à ces innocents passe-temps. Il est à parier que la disparition du président aurait pour conséquence une remontée en flèche de sa cote de popularité comparable à celle qu’a connue celle du regrettable Chirac.

Certains diront que le prix à payer pour cette paix serait bien élevé. Il faudrait le comparer aux coûts induits par le total effondrement mental de la nation qu’entraînerait une overdose d’hollanderies…

samedi 25 avril 2015

Les moutons sont des porcs !



Hier, tandis que nous effectuions une revue de détails du potager, Nicole attira mon attention sur le comportement curieux d’une des brebis que Raymond met à paître dans le terrain des Anglais de l’autre côté de la route. Il est à noter que si, dans le cadre du Plan de Réorganisation du Potager (PRP), je n’avais pas rabattu la haie de 1 m 60 à 1 m 20 nous n’aurions rien vu de la scène. La bête était affalée sur le flanc tandis que ses pattes battaient l’air sans grande conviction. A ses côtés, ses deux agneaux s’étaient couchés normalement et rien dans leur comportement ne révélait la moindre inquiétude. Ce qui en dit long sur la sécheresse de cœur de ces animaux. Ma compagne insista pour que j’aille prévenir Raymond du drame en cours. Personnellement je n’y tenais pas plus que ça, persuadé que j’étais que la bête vivait ses derniers instants et que son propriétaire n’y pourrait pas grand-chose. Je me remémorais le Livre de l’Ecclésiaste qui dit si justement qu’« Il y a un temps pour tout, un moment pour chaque chose sous le soleil : Un temps pour naître et un temps pour mourir, etc. », ce qui en dit en dit long sur ma sècheresse de cœur. Toutefois je me laissai influencer et me dirigeai vers sa maison. Ne voyant pas sa voiture, j’en déduisis qu’il n’était pas là. Mais Nicole insista pour que je vérifie s’il ne se serait pas garé à un endroit où on ne la verrait pas.  Je fis le tour de la propriété mais pas plus de Raymond que d’intérêt dans un discours du président Hollande. 

Je pensai arrêter là ma mission mais il me fut conseillé d’appeler l’éleveur. Je m’y résignai et le fis. Ce fut sa moitié qui me répondit. Je lui communiquai la triste nouvelle qu’elle me promit de transmettre à son mari. Quelques minutes plus tard je le vis arriver. Sa promptitude me laissa pantois : était-il doté de super-pouvoirs pour parvenir en si peu de temps à être prévenu et à parcourir les quelques kilomètres séparant sa maison du lieu de son élevage ?  Curieusement, plutôt que de se diriger vers le lieu du drame par moi précisé à sa fidèle (du moins je l’espère) épouse, je le vis prendre le chemin d’un autre pré. Je le hélai et lui demandai si on lui avait communiqué mon message.  A son air étonné, je compris que non. Tout s’éclaira : en fait, lors de mon appel, il était déjà en route… Je l’informai donc de l’infortune de sa brebis ce qui le fit prendre au quasi-pas de course la direction du la pâture concernée. Je retournai au potager voir comment les choses se passaient et fus étonné de voir la brebis moribonde de nouveau sur pieds et, suivie de ses jumeaux, en train de paître à belles dents. Celui que j’avais cru, l’espace d’un instant devoir nommer Super Raymond m’expliqua que, s’étant gavée plus que de raison d’herbe verte des collines, la brebis avait dû se coucher et que sa panse trop pleine lui avait interdit de se relever. Sans une prompte intervention, la bête eût normalement crevé. Je fus donc remercié. Un café nous fut proposé que nous refusâmes et Raymond m’indiqua, qu’au cas où je verrais le cas se reproduire, il me suffirait d’attraper la bête par la toison, de la faire rouler un peu de manière à ce que ses pattes touchent le sol et qu’elle puisse se relever et courir vers d’autres ripailles. L’idée de tripoter la laine répugnante de cette gloutonne ne me disant rien, j’espère ne plus jamais être témoin d’un drame similaire.


Brebis Raymondesque paissant en compagnie de ses agneaux (dont je me demande si la moitié d’un d’eux ne finira pas dans mon congélateur d’ici quelques mois). Notez la répugnante saleté de leur mère.