vendredi 30 janvier 2015

Pauvres députés ! (2)




Vous voilà élu : une vie dont ne voudrait pas un chien vous attend.

Il y a d’abord le travail législatif. De deux choses : l’une soit vous êtes dans la majorité, soit vous êtes dans l’opposition. Être majoritaire n’est pas aisé : on a été élu sur un programme qu’on sait largement irréalisable. D’autant plus que la conjoncture se montre défavorable. Il arrive que vous vous voyiez contraint par les circonstances non seulement d’en abandonner de nombreux point mais aussi de voter des mesures sinon diamétralement opposées à vos promesses du moins en forte contradiction avec elles. Si vous êtes idéaliste, vous en concevez de la frustration. Même cynique, vous n’échappez pas au malaise car vous ne quittez pas des yeux les lignes bleues (ou roses) de la réélection et de l’indispensable investiture. Pour ménager le chou partisan et la chèvre électrice il vous faut donc vous livrer à un délicat exercice d’équilibrisme entre un indispensable soutien et une critique mesurée.  Tout en priant le bon Dieu (ou tout autre haute instance) pour qu’au bout du mandat un événement salutaire ou une amélioration soudaine de la conjoncture  vienne soit limiter la casse soit créer les conditions du miracle qui vous a amené à la chambre.

Dans l’opposition, c’est plus confortable, surtout si vous bénéficiez de la mauvaise foi du charbonnier. Non seulement vous pouvez défendre avec une constante véhémence les (plus ou moins) justes revendications de votre électorat mais vous pouvez critiquer systématiquement  les options du gouvernement même quand elles vont dans votre sens.

Que vous soyez d’un côté ou de l’autre, il vous faudra de temps en temps faire preuve d’initiative : poser une question au gouvernement voire déposer une proposition de loi laquelle n’a aucune chance d’être acceptée si vous êtes dans l’opposition et donc ses effets ne vous seront jamais reprochés… Mais que vous soyez godillot ou contestataire systématique ce n’est pas à Paris que vous attendent les pires corvées.

Car pour le vain peuple votre mission législative n’est qu’accessoire. Il vous voit plutôt comme une courroie de transmission entre lui et le pouvoir central ainsi qu’un potentat local omnipotent. Il attend beaucoup de vous. D’abord, il veut vous voir. Pas question de ne pas assister à l’inauguration des pissotières du chef lieu de canton ou des nouveaux locaux des Joyeux Boulistes de Vazydon (JBV). Sans votre lumineuse présence, quel intérêt présenterait l’assemblée générale de l’Amicale Départementale des Pêcheurs d’Ablettes (ADPA) ? Et celle du Comité de Sauvegarde des Rives de la Bouzarde (CSRB) ? Du coup vous vous trouvez invité partout et souvent en plusieurs lieux en même temps. Si vous passez partout en coup de vent, vous serez mal vu. Si vous passez la soirée à Ploucville, ceux de Villepaumée seront jaloux. Si vous n’allez nulle part on vous en voudra. Et vos innombrables lettres d’excuses évoquant quelque priorité incontournable n’y changeront rien, bien au contraire.

Et puis il y a les courriers et les permanences où chacun vient se plaindre de droits bafoués souvent imaginaires quand ce n’est pas réclamer  d’éhontés passe-droits. Qu’est-ce que vous y pouvez si le chien du voisin gueule tout le temps ? Si la belle-mère est acariâtre ? Si l’HLM qu’on occupe parait trop exigu ou trop vaste ? Si le fiston ne trouve pas de boulot ?  S’il n’y a pas de place à l’EHPAD pour la bonne grand-mère ? Si, célibataire et sans enfant, on vous refuse les allocations familiales ? Si vous trouvez votre note de gaz trop élevée ?  Il vous faut feindre de prendre tout ça au sérieux, promettre d’intervenir, faire des courriers exprimant votre soutien aux plus absurdes revendications, pousser un peu à la roue quand faire se peut… Et ce faisant, vous voir accusé de clientélisme !  Mais sans clients il n’y aurait pas de clientélisme !

Bref, pour résumer, vous passez votre temps à des conneries comme le disait si bien le regretté Georges Frêche. Vos efforts constants et chronophages, fournis au détriment de votre vie familiale ou privée, vous valent-ils une reconnaissance éternelle ? Rarement. N’importe comment et quoi que vous fassiez, dans la plupart des cas,  la quasi-moitié des citoyens que vous êtes censés représenter n’ont pas voté pour vous et une grande partie de ceux qui vous ont élu l’ont fait faute de mieux. Presque tous s’accordent pour trouver que vous bénéficiez d’avantages exorbitants et totalement injustifiés.

Pour remplir ce genre de fonctions, il faut avoir un profil psychologique très spécial qui vous fait trouver dans ce genre de position une fierté qui efface tous ces désagréments. Je ne l’ai pas. Je n’envie pas ceux qui l’ont. A ceux qui les jalousent et les vomissent je dirai : si la place vous paraît si bonne, entrez dans la course, bonne chance et surtout bon courage !

22 commentaires:

  1. Heureux les députés qui viennent de trouver un Jacques des Collines pour pleurer sur leur sort.
    Ce serait vraiment vouloir casser l'ambiance que de rappeler ici les pharamineux avantages de toute sorte de cette caste, qui expliquent largement qu'on se bouscule au portillon pour en être.
    Taisons-nous donc et pleurons !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais chère Mildred, j'ai mentionné votre position : "Presque tous s’accordent pour trouver que vous bénéficiez d’avantages exorbitants et totalement injustifiés."

      Je trouve personnellement qu'ils ne les volent pas, ces avantages. Quand bien même on me proposerait le double et une élection assurée, je n'en voudrais pas. Si ça vous dit, entrez en campagne ! Si on les mettait au SMIC, il y aurait toujours des candidats tant la vanité et l'ambition sont de puissants moteurs. Seulement, s'ils ne disposaient pas d'une fortune personnelle, il leur serait difficile de remplir leur rôle.

      Supprimer
    2. "Je trouve personnellement qu'ils ne les volent pas ces avantages ..."

      https://www.contribuables.org/2015/01/pourquoi-la-permanence-parlementaire-de-ce-depute-a-t-elle-ete-demenagee-dans-la-nuit/

      Supprimer
    3. Je ne vois pas ce qu'il y a d'étonnant à ce qu'on change l'adresse d'une permanence lorsqu'elle a déménagé et qu'on a mis l'ancien local en vente. D'autre part, n'oublions jamais que le député est sur un siège éjectable et que si le bien n'est pas fini de payer durant le (ou les ) mandat(s), c'est avec ses deniers que l'ex-élus doit finir de la payer. Si les prix de l'immobilier baisse entre temps, il se peut que ce ne soit pas vraiment une affaire...

      Supprimer
    4. Faramineux, Faramineux! Pharaonique, mais faramineux!

      Supprimer
  2. Bien dit et justement observé.
    C. Monge

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. N'est-ce pas ? Mais en écrivant ça, je sais que je vais me mettre à dos bien des gens.

      Supprimer
  3. Vous n'abordez pas le principal, à savoir le ou les partis. Le lambda que vous invitez à se présenter n'a aucune chance d'être élu. Le système est bouclé, ficelé afin que l'oligarchie puisse se perpétuer (avec les mêmes ou des clones - clowns convient aussi-). D'autre part le système d'élection à deux tours élimine les indésirables passés au travers des mailles du premier filet. Voyez le temps qu'a mis le FN pour obtenir péniblement 2 sièges à l'A.N.
    Ces gens ne sont pas à plaindre, en aucune manière.
    Le Page.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il me semblait avoir traité du rôle des partis dans ma première partie...

      Supprimer
  4. "Et puis il y a les courriers et les permanences où chacun vient se plaindre de droits bafoués ..."
    Ah, que n'ai-je pas encore saisi mon Député des Français de l'Etranger quand à mon infortune brassicole !...

    RépondreSupprimer
  5. Soyons charitables : mettons fin aux souffrances de ces malheureux en supprimant Assemblée et Sénat.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ils se reconvertiront dans d'autres assemblées ou associations. C'est d'un type psychologique que nous parlons ici.

      Supprimer
  6. Moi, je suis d'accord avec Michel Desgranges, c'est inhumain ce qu'on leur fait subir à ces pauvres
    parlementaires, il faut arrêter le massacre. Je supprimerais même la République, si cela ne tenait
    qu'à moi : ça coûte très cher, ça ne fait que des conneries et ça fait souffrir plein de braves gens.
    Il serait temps d'y réfléchir, ne croyez vous pas?
    Amitiés.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. République ou royauté, on resterait en démocratie et ça ne changerait pas grand chose... Sur la démocratie je partage assez le point de vue de Sir Winston :"La démocratie est le pire système de gouvernement, à l'exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l'histoire."

      Supprimer
  7. Beaucoup d'entre eux ne savent pas faire autre chose. Et faire la queue à Pôle emploi, ce n'est pas rigolo non plus.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Comme je le répondais à Michel plus haut, je les penses capables de reconversion.

      Supprimer
    2. La lime proposait récemment de payer nos hommes politiques à ne rien faire, estimant qu'ainsi ils ne nous coûteraient pas plus cher et commettraient moins de dégâts. Une idée peut-être pas si absurde que ça.

      Supprimer
    3. Jacques Etienne. Peut-être s'agit-il du blogueur Frank Boizard qui a un blog : La lime.

      Supprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.