samedi 31 janvier 2015

Le cheval



Parmi les animaux qui souillent la planète de leurs excréments et l’encombrent de leur présence importune, le cheval tient hélas une place de choix. Certains vont jusqu’à en faire « La plus noble conquête de l’homme » ! Personnellement n’ayant aucun penchant zoophile, je trouve qu’il n’y a vraiment aucune fierté à retirer d’avoir séduit un équidé, mais laissons ces tordus à leurs turpitudes. N’ayant pas la verve hargneuse du regrettable Léon Bloy, je ne saurais exprimer avec la véhémence nécessaire tout le mépris que m’inspire cette ignoble créature. Je vais tout de même essayer.

En fait, « Cheval » n’est que le pseudonyme sous lequel se cache l’équus caballus. Et il en a d’autres ! Ainsi, lorsqu’il est « entier » et destiné à la reproduction l’appelle-t-on « étalon ». Sa femme, dans une tentative de dissimuler tout lien avec cet exhibitionniste qui, quand la fantaisie l’en prend, n’hésite pas à exposer un membre viril apte à inspirer un complexe de panoplie chez Rocco Siffredi, se fait appeler « Jument ». De même, la honte que lui inspire le comportement grossier de leur père, pousse ses enfants à se prendre le nom de « poulain ». Hélas pour eux, leur physionomie les trahit et ils ne trompent personne. Curieusement, quand, histoire de lui rabattre un peu le caquet, on castre le cheval,on l’appelle « hongre », mot dérivé de « hongrois ». Je m’étonne que les associations antiracistes ne se soient pas émues de cette insulte faite à des hommes somme toute pas plus stériles que d'autres.

Le cheval fut longtemps, faute de mieux, utilisé dans l’agriculture, les transports et la guerre.

Le militaire médiéval qui chevauchait en tirait une fierté au point qu’il dériva son nom de ce stupide animal. En dériva également l’adjectif « chevaleresque » censé qualifier des gestes ou attitudes valorisants. Toutefois, il n’est point jugé chevaleresque d’exhiber son sexe en société, ce qui prouve que le rapport entre le comportement de l’animal et les vertus est bien distant. Lorsque la démocratisation des montures se développa, le soldat à cheval devint un cavalier et logiquement, se montrer « cavalier » fut signe de mauvaise éducation. Dieu merci, le Chardasseau, animal doté d’un canon (alors que l’inefficace cheval en compte deux qui ne tirent aucun projectile) est venu il y a près d’un siècle le remplacer sur les champs de bataille.

Jusque récemment, le cheval de trait servit au labour. On s’en débarrassa heureusement au profit du Traqueteur bien plus efficace et ne souillant aucunement les belles routes de nos campagnes de disgracieux monticules de crottin.

De même l’automobile, la moto, le vélomoteur, la bicyclette et l’autocar vinrent offrir, dans le domaine des transports d’heureuses alternatives à ce malodorant ongulé.

On aurait pu espérer que ces progrès nous auraient débarrassés à jamais de cette sale bête.  Ce serait bien mal connaître la futilité de l’humain. Si dans des pays de culture souvent douteuse comme les États-Unis et l’Argentine quelques cow-boys et gauchos (mot servant chez nous comme là-bas à désigner des voyous aux idées nocives) s’obstinent à ennuyer les bovins grimpés sur ce misérable équidé, en France en dehors de procurer à quelques passéistes l’occasion de faire des chutes quand les pistes de ski sont fermées, ils ne sont plus guère utilisés que dans le cadre de courses hippiques où l’ouvrier perd en paris le peu d’argent que lui laisse le  bistro.

Les expressions dérivées de l’animal sont nombreuses et généralement peu flatteuses. Si « ne pas être le mauvais cheval » est plus indulgent que flatteur, être « à cheval sur les principes » fait montre de rigidité psychologique et avoir (comme on en met à la bête pour éviter qu’elle ne fasse l’andouille) des œillères ne fait que confirmer cette malheureuse tendance. Mais pourquoi l’accabler plus avant ?

 Le spectacle que donne cet inutile quand il court sans raison valable dans des prés dont il dévore l’herbe sans offrir la moindre contrepartie et son lamentable cri ne suffisent-ils pas à inspirer à tout esprit lucide un profond dégoût ?

vendredi 30 janvier 2015

Pauvres députés ! (2)




Vous voilà élu : une vie dont ne voudrait pas un chien vous attend.

Il y a d’abord le travail législatif. De deux choses : l’une soit vous êtes dans la majorité, soit vous êtes dans l’opposition. Être majoritaire n’est pas aisé : on a été élu sur un programme qu’on sait largement irréalisable. D’autant plus que la conjoncture se montre défavorable. Il arrive que vous vous voyiez contraint par les circonstances non seulement d’en abandonner de nombreux point mais aussi de voter des mesures sinon diamétralement opposées à vos promesses du moins en forte contradiction avec elles. Si vous êtes idéaliste, vous en concevez de la frustration. Même cynique, vous n’échappez pas au malaise car vous ne quittez pas des yeux les lignes bleues (ou roses) de la réélection et de l’indispensable investiture. Pour ménager le chou partisan et la chèvre électrice il vous faut donc vous livrer à un délicat exercice d’équilibrisme entre un indispensable soutien et une critique mesurée.  Tout en priant le bon Dieu (ou tout autre haute instance) pour qu’au bout du mandat un événement salutaire ou une amélioration soudaine de la conjoncture  vienne soit limiter la casse soit créer les conditions du miracle qui vous a amené à la chambre.

Dans l’opposition, c’est plus confortable, surtout si vous bénéficiez de la mauvaise foi du charbonnier. Non seulement vous pouvez défendre avec une constante véhémence les (plus ou moins) justes revendications de votre électorat mais vous pouvez critiquer systématiquement  les options du gouvernement même quand elles vont dans votre sens.

Que vous soyez d’un côté ou de l’autre, il vous faudra de temps en temps faire preuve d’initiative : poser une question au gouvernement voire déposer une proposition de loi laquelle n’a aucune chance d’être acceptée si vous êtes dans l’opposition et donc ses effets ne vous seront jamais reprochés… Mais que vous soyez godillot ou contestataire systématique ce n’est pas à Paris que vous attendent les pires corvées.

Car pour le vain peuple votre mission législative n’est qu’accessoire. Il vous voit plutôt comme une courroie de transmission entre lui et le pouvoir central ainsi qu’un potentat local omnipotent. Il attend beaucoup de vous. D’abord, il veut vous voir. Pas question de ne pas assister à l’inauguration des pissotières du chef lieu de canton ou des nouveaux locaux des Joyeux Boulistes de Vazydon (JBV). Sans votre lumineuse présence, quel intérêt présenterait l’assemblée générale de l’Amicale Départementale des Pêcheurs d’Ablettes (ADPA) ? Et celle du Comité de Sauvegarde des Rives de la Bouzarde (CSRB) ? Du coup vous vous trouvez invité partout et souvent en plusieurs lieux en même temps. Si vous passez partout en coup de vent, vous serez mal vu. Si vous passez la soirée à Ploucville, ceux de Villepaumée seront jaloux. Si vous n’allez nulle part on vous en voudra. Et vos innombrables lettres d’excuses évoquant quelque priorité incontournable n’y changeront rien, bien au contraire.

Et puis il y a les courriers et les permanences où chacun vient se plaindre de droits bafoués souvent imaginaires quand ce n’est pas réclamer  d’éhontés passe-droits. Qu’est-ce que vous y pouvez si le chien du voisin gueule tout le temps ? Si la belle-mère est acariâtre ? Si l’HLM qu’on occupe parait trop exigu ou trop vaste ? Si le fiston ne trouve pas de boulot ?  S’il n’y a pas de place à l’EHPAD pour la bonne grand-mère ? Si, célibataire et sans enfant, on vous refuse les allocations familiales ? Si vous trouvez votre note de gaz trop élevée ?  Il vous faut feindre de prendre tout ça au sérieux, promettre d’intervenir, faire des courriers exprimant votre soutien aux plus absurdes revendications, pousser un peu à la roue quand faire se peut… Et ce faisant, vous voir accusé de clientélisme !  Mais sans clients il n’y aurait pas de clientélisme !

Bref, pour résumer, vous passez votre temps à des conneries comme le disait si bien le regretté Georges Frêche. Vos efforts constants et chronophages, fournis au détriment de votre vie familiale ou privée, vous valent-ils une reconnaissance éternelle ? Rarement. N’importe comment et quoi que vous fassiez, dans la plupart des cas,  la quasi-moitié des citoyens que vous êtes censés représenter n’ont pas voté pour vous et une grande partie de ceux qui vous ont élu l’ont fait faute de mieux. Presque tous s’accordent pour trouver que vous bénéficiez d’avantages exorbitants et totalement injustifiés.

Pour remplir ce genre de fonctions, il faut avoir un profil psychologique très spécial qui vous fait trouver dans ce genre de position une fierté qui efface tous ces désagréments. Je ne l’ai pas. Je n’envie pas ceux qui l’ont. A ceux qui les jalousent et les vomissent je dirai : si la place vous paraît si bonne, entrez dans la course, bonne chance et surtout bon courage !

jeudi 29 janvier 2015

Pauvres députés ! (1)






Le dernier scandale à la mode est celui des députés qui achèteraient leur permanence au lieu de la louer et au bout du compte s’en  retrouvent propriétaires ce qui constituerait un enrichissement personnel. Si je comprends bien, on leur reproche d’acheter plutôt que de louer leur permanence et ce avec de l’argent sur l’usage duquel ils n’ont AUCUN COMPTE A RENDRE. Reste à savoir ce qui est le plus économique : acheter ? Louer ? Dans les deux cas, il y a du pour et du contre. Ça dépend des circonstances. Et puis il y a, comme à tout problème, une solution médiane : le député crée une SCI qui achète l’immeuble qu’il loue ensuite pour y installer sa permanence, les loyers paient les remboursements de l’emprunt contracté par la SCI et tout le monde est content. Non ? 


Mais plus que ce détail dont personne ne parlera dès qu’on aura trouvé autre chose, ce dont j’aimerais parler c’est de la dure vie du député, avant et après son élection. Car il est bien beau de jeter la pierre à ce personnage sous prétexte qu’il gagnerait bien sa vie. A ceux qui l’envient et le traitent de pourri, j’ai envie de dire : prenez sa place, allez-y, faites-vous élire et après refusez l’indemnité et les petits avantages, exercez la fonction pour la gloire, faites vous rémunérer par des sourires, des serrements de louches, des tapes dans le dos et l’estime du peuple…

Alors que la vie du député n’est pas simple. Il y a l’avant et l’après élection (dans le meilleur des cas). Beaucoup d’appelés, peu d’élus ! Envisageons le cas du gars qui a envie de devenir élu de la république en partant de la base. En général, il a déjà une bonne situation, un boulot plutôt prenant. En plus de ça, il lui faut se faire connaître, se montrer actif et compétent au sein d’associations diverses et/ou dans un  parti en vogue afin de se voir proposer une bonne place sur une liste municipale. Une fois conseiller, il lui faut continuer de faire montre de talent dans les commissions, sans lâcher pour autant assoces et/ou parti. A force de se mettre en avant, des années durant, il peut envisager de devenir maire, conseiller général et enfin de faire acte de candidature à l’Assemblée.

 Parfois il faut se montrer patient, se taper plusieurs échecs avant de réussir. Quand on réussit… En revanche, ce à quoi on ne coupe pas ce sont les interminables réunions de toute sorte (parti, conseil, commissions, CG) durant lesquelles tout homme ou femme normal(e) mourrait d’ennui, l’obligation de faire bonne figure à tous et toutes, les mains à serrer, les gniards à embrasser, les verres de l’amitié, les tournées de maisons de retraite, l’écoute pseudo-empathique des revendications les plus échevelées et j’en oublie… Tout ça pour une poignée de cerises. Et puis vient le jour où, enfin, on a sa chance, souvent pour des raisons extérieures : un nouveau président est élu, les électeurs, pas chiens et logiques dans leurs errances, offrent à ce dernier une majorité. Il arrive même parfois que l’enthousiasme soit tel qu’un chien avec une casquette, pourvu qu’il soit du parti présidentiel, ait toutes ses chances. Et là le danger est grand : il arrive que comme candidat, au local plus ou moins  blanchi sous le harnois, le parti préfère un plus ou moins jeune homme issu du sérail parisien. La cata !  Deux solutions se présentent. Soit il accepte son évincement et soutient du bout des lèvres celui qu’il déteste de toute son amertume, soit il se présente en dissident avec tous les aléas que ça présente. Dans les deux cas c’est extrêmement frustrant…  Tout ça pour ça !

Le parachuté, en cas de succès, semble connaître une bien meilleure destinée. En fait il n’en est rien. Il ne faudrait pas croire qu’il arrive comme une fleur. Il a dû, lui aussi crapahuter comme un malade. Dans un autre milieu, c’est tout. Il lui a souvent fallu suivre un brillant cursus universitaire (Sciences-po, ENA), choisir avec soin un  parti susceptible d’offrir des opportunités, se faire remarquer par un cacique, lui être dévoué, jouer des coudes et de la brosse à reluire, paraître compétent, parler couramment  la langue de bois, etc.  Et encore une fois, ce n’est pas gagné d’avance car dans le sérail, les dentures à rayer le parquet foisonnent, les requins s’entre-dévorent avec enthousiasme, conscience  et application.  Pour ceux qui n’ont pas la bosse des concours restent les assoces et les partis. Mais dans ces paniers on  est en concurrence avec les crabes ci-dessus évoqués et d’autres de moindre estrace…

Quel que soit le parcours choisi par le combattant, ce n’est jamais de la tarte. Et une fois élu, ça ne s’améliore pas…