lundi 17 novembre 2014

De l’imbécillité volontaire



Les « petites phrases » qui font le sel de notre « vie politique » découlent le plus souvent d’un détournement volontaire : on extrait quelques mots de leur contexte,  et on en fait ses choux gras. C’est un métier. Ça s’appelle l’information. Celui qui met en exergue la phrase « malheureuse » ou « révélatrice » n’est en général pas aussi imbécile qu’on pourrait le penser : il se contente de mettre sa malhonnêteté au service de ses préjugés et compte ce faisant entraîner l’adhésion des véritables imbéciles de son camp. Ces derniers se trouvent dans la position de « l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours » en ce qu’ils prennent la version, si déformée soit-elle, de l’ « informateur » pour argent comptant. On ne peut pas leur en vouloir : pour un esprit borné, incurieux et peu apte à l’analyse, accepter la version du Monsieur-qui-cause-dans-le-poste (ou qui-écrit-dans-le-journal) est reposant. Le problème est qu’à force de faire l’âne pour récolter des bravos, le Monsieur du poste ou du journal finit par croire en ses propres âneries et qu’avec le temps, tout comprendre de travers devient une seconde nature : joueur de flute, il ne se contente pas d’entraîner les enfants vers la noyade, il va jusqu’à sombrer avec eux.



C’est ce que je me disais en écoutant les commentaires d’un certain  Augustin Trapenard concernant la « prise de position » de M. Sarkozy sur une éventuelle abrogation de la loi Taubira. Voilà un jeune homme (ses trente-cinq ans justifient le terme aux yeux du vieillard que je suis) qui est allé à l’école, et pas n’importe laquelle, la Normale Supérieure (à ne pas confondre avec la Normale Ordinaire et la Normale Inférieure), qui est agrégé d’anglais, qui a poursuivi et probablement rattrapé des études sur Emily Brontë, dont des maisons aussi prestigieuses que France Culture, France Inter, Canal + et France 24 (si, si, ça existe ! ) ont su reconnaître les insignes mérites et lui confier du temps d’antenne, bref, un gars bien sous tous rapports qui se met à sortir sur la question un discours que le roi des cons en personne n’aurait su prononcer qu’un jour de forme exceptionnelle et dont je vous épargnerai le détail.



D’aucuns me diront : « c’est normal, c’est un connard de gauche, il ne saurait qu’être malhonnête ». Comme si la gauche avait le monopole du détournement petitephrasesque ! Notre bon président, auquel comme chacun sait je voue une admiration  qui confine à l’idolâtrie, en fut victime suite à sa récente intervention télévisée. « Ça ne coûte rien, c’est l’état qui paye ! » avait-il déclaré ! Extraite de son contexte, ladite phrase semblait signifier que pour M. Hollande l’argent de l’État poussait sur les arbres (quoique bien des choses qui poussent sur les arbres aient un prix). En fait, notre valeureux chef d’État répondait à une objection de M. Gilles Bouleau selon laquelle les communautés locales, pour des raisons de coût, ne se bousculaient pas pour embaucher des emplois aidés. D’où la réplique du bon président dont la logique était incontestable. Qu’il soit utile qu’afin de limiter l’apparemment inexorable hausse du chômage on crée des emplois aidés, que ceux-ci aient un coût que les contribuables finiront bien par assumer, qu’il soit préférable que ce coût soit financé par la fiscalité locale ou par la nationale, telles étaient les questions, comme disait l’autre… Mais n’était-il pas plus simple et efficace de faire la sélective oreille, de détourner, de faire l’imbécile ?


Ces  méthodes ne font pas avancer le débat. On transforme l’épiphénoménal en essentiel. En faisant l’abruti, nos « élites » participent à l’abrutissement des masses. A force de petites phrases et de slogans, la politique prend des airs de cour de récré. C’est désolant.

25 commentaires:

  1. Trapenard? A deux lettres près...(Comme pour Aymeric Caron d'après je ne sais qui)

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  2. Augustin Trapenard : jamais je n'aurais osé inventer un nom pareil, même dans un roman comique.

    Sinon, vous nous laissez grandement sur notre faim, mon cher : il a dit quoi, au juste, votre grand Augustin ?

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    1. Augustin existe, Google l'a rencontré.
      Il a une belle tête de vainqueur, et il rôde dans le marécage canalplussien de la critique littéraire.

      Que Dieu nous aide.

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    2. Disons, cher Didier que ce brave imbécile a disserté sur le "ça coûte pas cher de Sarkozy" en faisant mine de le comprendre de travers et en en tirant toutes les leçons qu'un esprit de gauche normalement dérangé est apte à en tirer. Rentrer dans le détail serait s'abaisser et mon propos était de parler de la petite phrase en général et de la mauvaise foi qui la crée.

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    3. Je donne l'adresse où on peut l'écouter un peu plus bas.

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  3. Les politiciens parlent de plus en plus mal, ce qui rend de plus en plus facile le détournement de leurs propos.
    "Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément" d'après Boileau.
    Nos "élites" ayant des idées à géométrie variable, leur discours tourne facilement au sabir.

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    1. Il y a du vrai dans ce que vous dites.Une parade aux "petites phrases" consiste à utiliser la langue de bois avec habileté : même déformé, un discours totalement creux ne veut rien dire.

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  4. La multiplication des "petites phrases" et des mots sortis de leur contexte font partie des inconvénients de la diffusion de l'information en mode continu et de la culture Internet, invention certes merveilleuse mais plutôt nuisible si son utilisation n'est pas consolidée par un minimum de culture générale et un apprentissage préalable de l'esprit critique.
    Un bon exemple de l'abrutissement ambiant: le fil d'informations de Yahoo! France, avec sa hiérarchisation particulière de l'information, et la plupart des commentaires sur les articles. C'est édifiant.

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  5. (quoique bien des choses qui poussent sur les arbres aient un prix).En temps qu'arboriculteur je vous le confirme,même si ces choses ne s'échangent pas au prix que je pense qu'elles valent.
    Sinon ,comme Mr Goux ,il a dit quoi AT?

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    1. Comme au Jardin des Hespérides ?

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  6. Si quelqu'un paie, en l'occurrence l'Ëtat donc le contribuable, ça coûte toujours quelque chose à quelqu'un.
    Donc, ça ne coûte pas rien.
    Et à part ça, imbécillité s'écrit avec deux "l".

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    1. Bien entendu, et je l'ai souligné, n'empêche que dans son contexte, la phrase de M. Hollande était parfaitement exacte : ça ne coûte rien aux collectivités.
      Quand à l'orthographe d'imbécillité (qui en toute logique devrait se prononcer "ɛ̃besiyite" en API) ce n'est pas une finesse mais une des nombreuses absurdité orthographiques du français. Pourquoi avoir conservé les deux "l" étymologiques dans ce mot et pas dans "imbécile"? Celui qui me donnera une explication valable aura droit à toute mon estime.

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    2. C'est une imbécillité qu'imbécillité prenne deux "l" ; bof, le moyen mnémotechnique... Mais je serais sûrement tombé dans le panneau (et dans le panneau n'est-il pas plus idiot que sur le panneau ?)

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    3. Le panneau étant un filet ou un piège, il est logique qu'on tombe dedans plutôt que sur...

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    4. Ostie de calice de tabernacle ! J'avais pourtant bien envoyé ce commentaire, que je vais donc m'efforcer de réécrire 3 heures plus tard ...

      J'écrivais donc qu'incivilité ne "prend" qu'un l.
      Tout comme un imbécile, même heureux, voir même heureux d'être né quelque part ...

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  7. La sélective oreille par rapport à l'élective oseille ?

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  8. @ Ze, Didier et Fredi : si vous y tenez vraiment, ça peut s'écouter ici (de 0 à 1' 26") : http://www.franceinter.fr/player/reecouter?play=1002963

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  9. On dirait une imitation de Pascale Clack. Non, pardon, Clark. Quelle tête à claque !

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  10. Fredi M.

    Tout le problème est là. Moi non plus ne refuse pas, où plutôt je m'en tamponne le coquillard que "deux nanas ou deux mecs s'aiment". Mais une fois acceptée l'idée qu'ils puissent se marier, et bien les autres revendications s'en viennent logiquement ...

    Un peu comme pour l'immigration.

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  11. @ Fredi : La haine vous aveugle. L'interprétation qu'il donne de la parole de Sarkozy est totalement malhonnête. Si vous ne le percevez pas, je finirai par mettre en doute la valeur de votre jugement.
    Je pourrais expliquer point par point ce qu'il y a de ridicule dans le discours de ce trouduc mais ça n'en vaut pas la peine et il se fait tard.

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  12. Il ne s'agissait aucunement de vous blesser, Fredi. C'est simplement que les propos de M. Trapenard ne méritent pas d'être analysés et ceci quelle que soit l'heure...

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