lundi 13 octobre 2014

Jock, chien de choc (2)



Jock était affectueux de nature et le manifestait avec sa fougue habituelle. Ainsi,  bien qu’il ne l’ait jamais rencontré, la vue de Peter, un ami anglais venu nous rendre visite, provoqua en lui le  désir irrépressible de lui exprimer son affection naissante. Bondissant  sur lui,  il lui appliqua les pattes sur la poitrine avec pour conséquence de le faire tomber sur le dos du haut de son mètre quatre-vingt-dix. Dieu merci, sans qu’il en fût blessé…

Un jour ensoleillé, l’assureur vint nous rendre une de ces visites de courtoisie qui entretiennent l’amitié. Le temps était beau et le brave homme avait revêtu un costume de lin blanc du plus bel effet. Jock se rua vers lui pour lui faire la fête. Hélas, il venait de traverser une flaque de purin qui s’écoulait d’un tas de fumier  voisin. On ne peut pas dire que le costume de l’assureur fut amélioré par les traces brunes qui maculèrent  ses beaux vêtements.

Le facteur paraissait l’apprécier. Sous  prétexte de lui caresser  la tête, il le maintenait à distance afin d’éviter qu’il ne lui témoignât son amitié de trop près en s’écriait avec son fort accent campagnard, « Oh, c’est un bon chien ça, il est joueur, hein, il est joueur ! ». Hélas, je pus constater  sa duplicité un jour qu’ayant exceptionnellement rentré ma voiture au garage il me crut absent  et en guise de mamours il lui décocha un coup de pied accompagné d’un « Fous le camp sale bête ! », dévoilant la vraie nature de ses sentiments mais me rassurant quant au manque d’agressivité du chien qui, d’un coup de dent, eût été en mesure d’améliorer son ordinaire d’un mollet de facteur bien gras.

Enfin, et c’est ce qui provoqua la fin de notre histoire, Jock était fugueur. Tant que nous restâmes à la campagne ça ne portait pas à conséquences.  Les fermiers chez qui il tentait de s’installer se contentaient de me téléphoner pour me demander de venir chercher mon chien ou me le ramenaient. A Amboise, comme je le narrai hier, il fut recueilli par de brave gens qui le nourrirent et qui, ayant des amis en mal de chien le leur proposèrent. Ainsi s’expliqua que pendant quelques jours ni la SPA ni la mairie ne purent nous donner de nouvelles de notre animal. Nous patrouillâmes les rues de la ville jusqu’à pas d’heures  la première nuit. Nous mîmes des affichettes dans les commerces, en vain. Et puis la mairie nous contacta pour nous annoncer que notre chien était retrouvé ! Ses adoptants étaient revenus à de meilleurs sentiments, suite aux deux fugues qu’avait faites Jock durant son bref séjour chez eux…

Nous quittâmes Amboise pour Châteauroux afin d’y monter un magasin. Le bâtiment possédant une cour fermée d’un portail, nous y laissions le chien la nuit après avoir fini nos travaux d’aménagement quotidiens. Il y bénéficiait d’un abri et de plus d’espace que ne lui en aurait offert le petit studio que nous avions provisoirement loué.  Un soir que j’ouvrais le portail afin de quitter le futur magasin, je fis remarquer à ma femme que Jock semblait s’y plaire, vu que ses velléités de fuite avaient disparu. C’est alors que, nous bousculant, il s’enfuit dans la nuit.  Nous bondîmes dans la voiture et passâmes une bonne partie de la nuit à sillonner la ville en tout sens sans en trouver trace.  Ma femme téléphona à la SPA le lendemain, puis le jour d’après et là on lui annonça qu’en effet, un chien correspondant à sa description leur avait été signalé comme ayant été recueilli par des gens possédant une  grande propriété dans la Brenne et qui étaient désireux de le garder si personne ne le réclamait.  Femme de décisions rapides, elle raccrocha sans plus attendre. Ainsi, Jock disparut-il de notre vie…

Bien sûr, ma femme regretta  son compagnon. Mais peut-être qu’à courir bois et étangs il mènerait une vie qui lui conviendrait… Ces regrets se mêlaient,  pourquoi le taire, d’un certain soulagement.  Car autant évoquer, plus de trente ans après, ses multiples incartades, et les dommages  à autrui qu’elles entraînaient peut divertir, autant elles étaient parfois difficiles à vivre au jour le jour le jour.


Ne possédant plus aucune photo de l'animal, j'en ai trouvé une d'un chien qui lui ressemble : 

18 commentaires:

  1. Fuguer d'une grande propriété, c'est toujours fuguer. Il faut simplement parcourir plus de chemin.
    Belle bête, à part ça.

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    1. Disons que c'était lui laisser une chance. N'importe comment, à force de divaguer, il risquait fort de connaître une triste fin...

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  2. Robert Marchenoir13 octobre 2014 à 10:56

    Normalement, ce sont les chats qui sont fugueurs.

    Décision déchirante mais bienvenue. Une pareille usine à crottes, ce n'est pas tolérable.

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  3. Après tout ça, moi, je comprends pourquoi certains en mangent, du chien.

    Le Page.

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    1. Vu sa muissante musculature, je crains qu'il n'ait été coriace...

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    2. Puissante, la musculature, parce que muissante...

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  4. Animal tout à fait sympathique, en effet...mais comme disait ma Grand-Mère : "il vaut mieux le perdre que le trouver". D'ailleurs c'est bien ce que vous mîtes en pratique.
    Amitiés.

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    1. Excellente remarque, et qui ne s'applique pas qu'aux chiens...

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  5. Bien d'accord avec vous.

    Pardon d'avoir supprimé vos réponses à Attention, mais quand on retire un commentaire, ses réponses le suivent vers les limbes de l'Internet... Vous aviez raison pour S. mais pas pour M.

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  6. Cher Léon,
    j'ai supprimé nos échanges récents parce qu'ils n'avaient pas leur place ici. Si vous tenez vraiment à poursuivre la discussion, faites-le par le canal que je vous ai indiqué. Merci.

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  7. Passionnant, sans flagornerie aucune, je reconnait avoir ri en imaginant la tête du gars en costume blanc

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    1. Le pire, c'est qu'il était vexé comme un rat mais n'arrêtait pas de dire : "Ce n'est rien, ce n'est rien !"

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  8. Robert Marchenoir14 octobre 2014 à 13:49

    Bazarder une belle Daimler pour se débarrasser d'un chien un peu envahissant, je me demande si c'est une bonne idée...

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  9. (mais ce n'est pas une Daimler dans ce document accablant)

    Le taulier en aurait-il profité pour faire d'une pierre deux coups?
    - hop, fini les sacs de croquettes!
    - hop, la bonne excuse pour s'acheter la voiture de ses rêves

    Accablant vous dis-je...

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  10. Anton, vous me prêtez une âme bien noire !

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