mercredi 23 juillet 2014

J’avais jamais vu ça !



Dès que se produit un fait inhabituel (mini-tornade, inondation, tempête, enneigement paralysant, grêlons gros comme des balles de golf, de tennis ou comme des ballons dirigeables, pluie de rhinocéros blancs, etc.) on dépêche des reporters sur place et il se trouve toujours parmi les personnes interrogées quelqu’un pour déclarer qu’il (ou elle) « n’avait jamais vu ça ». Cette constatation, est du plus haut intérêt. Il parait assez évident que si des équipes de télévision se déplacent à Vazy-en-Berrouette, c’est qu’il s’y est passé quelque chose de plutôt exceptionnel, au moins pour l’endroit. Je vois mal la fine fleur du reportage télévisé arriver en automne dans les collines pour y filmer le crachin ou le brouillard. Même un ciel bleu, totalement exempt de nuages n’y justifierait pas un déplacement estival, c’est dire qu’il faut du sanglant, du rare, du catastrophique pour justifier le moindre sujet.

Seulement, l’exceptionnel ne l’est souvent que localement. Des inondations qui mouillent tout, des chutes de grêlons monstrueux qui hachent menu les récoltes et font des trous dans les toits, des coups de vent qui abattent les chênes pluri-centenaires ça se produit tous les ans mais pas toujours au même endroit et très rarement en même temps. Du coup, il se trouve toujours un benêt pour faire le constat malheureux qu’il n’ « avait jamais vu ça ». En fait, s’il déplore que les crues inondent, que la grêle est défavorable aux cultures, qu’un mètre de neige gène la circulation en plaine, qu’un vent soufflant à deux cents à l’heure provoque de menus dégâts, c’est surtout parce que ces désagréments se sont produits CHEZ LUI. Tant qu’elles se produisent chez le voisin, le côté exceptionnel des catastrophes ne le frappe pas plus que ça.

L’avantage de ces répétitives surprises c’est qu’elles participent à l’entretien d’un climat de morosité lié à la deploratio temporis acti. Dans le bon vieux temps, on ne voyait JAMAIS ça. C’est bien simple : à la fin de ce temps béni, lorsque pour la première fois se mirent à virevolter dans l’air de légers flocons blancs et qu’ils finirent par bloquer les gens chez eux, lorsque des bouts de glaces tombèrent du ciel fracassant ou hachant tout, quand, suite à ce qu’on aurait pu assimiler à un violent mouvement d’air, les arbres se trouvèrent déracinés tandis que volaient les toitures, les gens, en plus d’en être désolés,  furent profondément intrigués vu que personne n’ « avait jamais vu ça ». Il leur fallut vite fait inventer les mots « neige », « grêle » ou « tempête »…

Imaginons  que quelque chose de VRAIMENT inouï se produise, comme la pluie de rhinocéros blancs que j’évoquais plus haut. Que se passerait-il ? Les équipes de tournage nous feraient découvrir dans un Vazy dévasté, un sol jonché de cadavres de rhinocéros blancs, l’un d’entre eux, s’étant même écrasés dans le salon des Michu, écrabouillant entre autres merveilles la télé grand écran et le vaisselier abritant le service de table en Limoges hérité de la tante Adèle ! Scène de désolation commentée par les époux Michu par un « On n’avait jamais vu ça !  » consterné avant que ce couple méritant explique n’avoir échappé à une mort certaine  qu’à cause d’un hasard miraculeux qui fit qu’au moment où l’averse de rhino s’était produite, madame travaillait de nouvelles positions chez la crémière en vu du Lesbian Sex Show organisé pour la fête votive tandis que monsieur s’arsouillait consciencieusement à la cave. 

Après quelques images « susceptibles de choquer les personnes sensibles » (troupeaux de vaches transformées en crêpes sous un amas de rhinos, chien Azor hurlant à la mort devant les débris de sa niche, corps atrocement mutilés dans la chapelle ardente, etc.), on interrogerait le M. Météo de la station pour savoir si un tel prodige était lié au réchauffement global. Le monsieur confirmerait, expliquant qu’une tornade des plus violentes ravageant les réserves kényanes avait eu pour effet d’arracher à leurs savanes des troupeaux de rhinos blancs qui, portés par les vents ascendants étaient ensuite venus tomber sur Vazy-en-Berrouette, provoquant les dégâts que l’on sait. Le préfet, interrogé sur les mesures envisagées pour prévenir de telles catastrophes, annonçerait un plan d’installation de pararhinos en plastique renforcé au-dessus des principales agglomérations du département de Cher-et-Tendre. Retour vers M. Météo à qui l’on demanderait si de nouvelles pluies de ce type seraient à craindre, lequel devrait reconnaître que c’était hélas probable et qu’on pouvait même redouter, si rien n’était fait pour endiguer le réchauffement, que dans un proche avenir nous n’ayons des pluies d’éléphants dont les effets seraient sans commune mesure avec celles de rhinos blancs… La routine, quoi…

36 commentaires:

  1. Il faudrait inventer des pararhinoéléphantesques...une sorte de dôme de fer, en somme,
    comme là-bas, dis...
    Amitiés.

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    1. Je crains que les déclarations du préfet ne soient suivies d'aucun effet...

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  2. Des rhinocéros blancs ? Vous divaguez ! C'est abracadabrantesque comme disait le bon Chirac. Changez de lunettes (ou d'apéro) Z'aviez jamais vu des éléphants roses ?
    Que les envoyés spéciaux de la télé de sévices publics aient vu des rhinos blancs, ça se comprend. Après le singe à Taubira, ils risquaient des condamnations à de la taule ferme pour incitation à la haine raciale par les juges de Mayotte sur plainte de la rue de Solférino. Mais pas vous !

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    1. Alors que qualifier des rhinocéros (bestiaux lourdingues) leucodermes de désastreux sinistre inexpliqué n'insulte personne, n'est-ce pas

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    2. Le rhinocéros blanc existe bel et bien (comme le rhinocéros noir, espèce plus petite et bien moins lourde) seulement, il a un défaut rédhibitoire : il est fris foncé. Cette appellation de "blanc" serait due à une mauvaise traduction du néerlandais à l'anglais...

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  3. Petite digression,

    L'incapacité du monde politique a lutter contre les catastrophes économiques et sociales que représentent la désindustrialisation, l'endettement, le chômage de masse, la délinquance, l'invasion migratoire, l'effondrement du système éducatif etc., à savoir des domaines sur lesquels il est censé agir, s'accompagne d'une incapacité du monde médiatique à dénoncer cet état de fait.

    Dès lors ce petit monde médiatico-politique envoie la grosse loupe sur la moindre pseudo catastrophe climatique ou sur le moindre accident de transport scolaire, c'est à dire sur des évènements où il ne peut absolument rien, et s'efforce d'appuyer bien fort sur l'émotionnel, amplifiant les cris d'orfraie et l'horreur ressentie face à une telle injustice, du premier couillon passant devant l'équipe chargée des micros-trottoirs.

    Tout cela semble procéder d'une mécanique bien rodée aujourd'hui.

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    1. Je suis bien d'accord avec vous : il s'agit d'amuser le gogo...

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  4. Je suis étonné de constater que lorsqu'un journaliste qui interroge un vieillard qui "n'avait jamais vu ça", il en tire la conclusion que l'événement est exceptionnel au lieu de souligner l'évidence: une nouvelle preuve de la progression de la maladie d'Alzheimer.

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  5. vous oubliez la phrase qui tue, prononcée d'une voix lugubre " c'est du jamais vu depuis....X années " construction de phrase plutôt bancale , qui me fais réagir à chaque fois

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    1. C'est le côté exceptionnel de l'événement qui les trouble...

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  6. Dès que SE produit... :-)
    Geneviève

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  7. Un "qui" de trop. Mettez-le de côté pour plus tard.

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  8. "Je vois mal la fine fleur du reportage télévisé arriver en automne dans les collines pour y filmer le crachin ou le brouillard." Quoique...Ils nous bassinent bien tous les ans avec la rentrée des classes en choisissant immanquablement l'école où le ministre ou président soi-même vont y faire un tour. C'est lassant! Je n'ai pas oublié celle où président a un sourire particulièrement niais, style ravi de la crèche, devant un tableau où est écrit "Aujourd'hui c'est la rentrée".
    Vous m'avez bien fait rire!

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    1. Entre les événements exceptionnels et les marronniers, on finit par remplir les JT...

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  9. Il faut être vigilant sur ces histoires d'arrivages aériens de rhinocéros. Le grand éthologue Laurent Obertone nous met en garde in "La France réserve naturelle" : "Les rhinocéros sont des gens sous-socialisés. Ils ne sont pas dans la même logique morale que nous. Leur groupe à eux, ce n'est pas la société. C'est le troupeau de rhinocéros."

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  10. Tiens, un rhinocéros.

    Eugène.

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  11. Le département du Cher-et-Tendre, c'est de San Antonio, non ?

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    1. Je l'avais trouvé dans ma petite tête mais si vous le dites...

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  12. Ca fait longtemps que je viens ici, vous pouvez me croire, je n'ai jamais lu un billet aussi catastrophique ; une véritable averse de vide, une pluie de merde inodore, une palanquée de rien.

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    1. Allez, en cherchant bien, je suis certains que vous en trouverez des centaines de ce tonneau. Vous me voyez ravi d'apprendre que j'offre à votre esprit une nourriture adaptée. Je tâcherai de faire encore mieux la prochaine fois !

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    2. Cher Jacques, votre sens de l'à-propos me fait mourir de rire.

      :-D

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  13. C'est comme cette chanson française :

    Never have we seen, seen, seen,
    Never will we see, see, see,

    J'ai traduit pour que ça choque moins.
    Après ça parle d'une queue dans une oreille. Bref l'horreur !
    De quoi grandement troubler la "fine-fleur" quand elle sera enfin au courant.

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    1. "On n'a jamais vu, on ne verra jamais
      La queue d'une souris dans l'oreille d'un chat".

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    2. Robert Marchenoir24 juillet 2014 à 00:33

      Et pourtant...

      http://www.imaginesciencefilms.org/wp-content/uploads/2013/09/cat-and-mouse-1.jpg
      http://wfriends.files.wordpress.com/2009/12/cat-mouse-9.jpg
      http://delightmakers.com/admin/wp-content/uploads/cat-and-mouse-570x400.jpg
      http://wfriends.wordpress.com/tag/cat-and-mouse/
      http://www.imaginesciencefilms.org/2013/09/20/imagine-that-a-mouse-who-fears-no-cat/

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    3. @ Robert Marchenoir
      Merci pour ces liens. Le photos sont somptueuses.
      Croyez vous qu'on peut en conclure que l'Occident tout entier est atteint de l'infection au toxoplasma grandii ?

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  14. Dira t on un jour du quinquennat de Président: " On avait jamais vu ça!"

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