samedi 26 juillet 2014

J’ai honte !



Alors que l’ensemble des Français éprouve un sentiment de profond désespoir suite au crash du vol d’Air Algérie où périrent 54 de nos compatriotes (en comptant les bi-nationaux), j’ai beau faire un examen de conscience approfondi (128 points de contrôle, quand même !) eh bien je ne sens en moi aucun signe particulier de détresse. Je dois être un monstre. Il faut dire qu’aucune des victimes n’étant de ma famille proche, de mes amis ou habitant ma commune, je suis bien moins concerné que les braves gens qui viennent exprimer leur douleur dans le poste. Si M. Hollande réunit une cellule de crise et reçoit les familles endeuillées à l’Élysée, c’est pas pour des prunes, quand même !  Si les trois ministres concernés* tiennent une réunion de presse commune, c’est que l’événement est d’importance nationale ! Eh bien malgré tout ça, et le reste, je demeure de marbre. Cette indifférence est d’autant plus inexplicable que les disparus étaient tous des gens d’exception, de ceux qu’on regrette de n’avoir pas rencontrés. J’en arrive à la triste conclusion qu’il a dû se passer dans mon enfance ou plus tard au cours de ma vie un ou plusieurs événements qui ont eu pour conséquence d’inhiber cette naturelle tendance à l’empathie qui rend l’humain vraiment humain.

A moins bien entendu que les gens dont l’émotion ne dépasse pas, dans le meilleur des cas, une vague pensée de convenance pour le deuil des familles concernées ne constituent une immense majorité des Français et que ceux qui se déclarent choqués ou attristés ne le fassent que parce que se déclarer indifférent est impossible en nos temps de grande compassion. L’unanimisme dans la joie comme dans la peine me paraît aussi ridicule que faux. Après tout, 54 victimes, c’est 7 de moins que n’en font par semaine les accidents de la route en  France et quatre fois moins que n’en font dans le même temps et dans le seul hexagone les accidents domestiques. Est-on supposé pleurer à chaudes larmes sur le sort de ces malheureux défunts (tous probablement personnes d’exception) ?  Il est vrai que pour qu’on s’émeuve, il faut que l’accident routier fasse un nombre minimum de victimes ou que l’électrocuté de la baignoire soit un chanteur populaire.

M . Pangloss, blogueur de talent a ce vendredi dans un billet magistral, dénoncé l’hypocrite compassion des ministres qui s’empressent de se rendre sur les lieux du moindre drame (à condition bien entendu qu’il s’agisse d’un drame « bankable » car si le ministre de l’intérieur honore le lieu de décès d’un policier mort en service d’une visite, celui du logement ne s’est jamais senti obligé d’aller pleurer le moindre ouvrier du bâtiment alors qu’ils sont plus d’une centaine à mourir d’un accident de travail chaque année). Il y fait par ailleurs une suggestion tout à fait intéressante. Je ne reviendrai donc pas sur ce point qui pourtant m’agace au plus haut point…

En fait, quand je déclare une honte supposée, je suis aussi faux-jeton que ceux qui se disent bouleversés. Des morts par accident, il y en aura toujours, elles sont souvent bien tristes, mais qu’y peut-on ?  Cette manie de la compassion sélective n’a même pas le mérite d’être apparu récemment. Il y a plus d’un siècle l’incendie du Bazar de la Charité ou le naufrage du Titanic avaient connu de beaux succès et fait vendre bien du papier. L’être humain aime les catastrophes. Elles lui offrent l’occasion d’afficher une sensibilité affectée  et effacent comme par magie son indifférence coutumière à bien des drames qui, faute d’être spectaculaires, n’en sont pas moins d’une gravité supérieure.
*Pourquoi seulement trois ? Ils sont tous concernés de près ou de loin, non ?

27 commentaires:

  1. Puis-je m'associer à votre non-peine sincère ? (Peut-être eut-il été préférable d'employer le terme d'apeine.)

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  2. toute honte bue, j'avoue humblement que je m'en contrefous , d'ailleurs par ces chaleurs, je préfère le rosé bien frais

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  3. Lu et approuvé !

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  4. J'attends avec impatience le micro-trottoir où j'entendrai quelqu'un dire à l'interviewer: "Moi, je suis comme vous: je m'en fous"

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    1. Je crains que vous n'ayez à vous montrer patient...

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    2. Des réponses de ce types, les pousse-micro en recueillent évidemment des wagons. Simplement, elles ne sont jamais diffusées.

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    3. Il est vrai que les micro-trottoirs sont d'une remarquable objectivité.

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  5. Merci pour le lien et le compliment.

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  6. Pourquoi devrait-on s'apitoyer sur ceux qui sont morts plutôt que se réjouir avec tous ceux, au même moment, connaissent le succès, sont heureux, etc. ? Ca aussi ce serait faire preuve d'empathie.

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  7. Et surtout ne leur demandez pas de s'intéresser aux drames qui se passent à leur porte mais dont aucune radio ni télé ne parlera.
    Ils ne se sentent en empathie qu'avec des malheurs lointains dont, à la vérité, ils n'ont pas plus à foutre que vous.

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    1. Pour qu'un drame soit regrettable, il faut quand même qu'il concerne des français.

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  8. Excellent billet, qui a également le grand mérite de m'épargner d"en écrire un pour exprimer ma même absence de peine, chagrin etc.

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    1. Certes, mais ça ne vous dispense pas de nous parler d'autre chose.Dix jours d'absence, c'est long.

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  9. MH-17 : Peut-être de connaître la cause du crash sera-t-il à la fin "émouvant".
    La destruction en vol du MH-370 au Donbass m'a fait quelque chose dès lors que le tir du missile fut connu. Plaindre les passagers, douter de l'intelligence de la compagnie aérienne, et pour d'autres que moi, pleurer ce malheureux Poutine qui a "fait" la connerie de sa vie !
    Pour qui a vu Grosny, fallait s'attendre à l'énorme bavure de l'employé aux écritures du KGB.

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  10. Les médias doivent fournir quotidiennement une émotion collective et créer du lien. C'est la matière première.
    Sur France Inter ce matin, nous avons eu cinq minutes d'interview des gens qui connaissaient les victimes ou pas.J'en avais les larmes aux yeux. Allez Jacques laissez-vous aller, chialez un bon coup avec tous les auditeurs et vivez avec le collectif.
    Par contre vous aurez noté qu'il vaut mieux ne pas fournir de l'émotionnel avec les chrétiens expulsés des terres musulmanes ou bien des femmes qui doivent aller se faire exciser au nord de l'Irak. C'est moins consensuel.

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    1. L'indignation comme la peine doivent être très sélectives, sinon on n'en finirait plus de pleurer sur tout et son contraire.

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  11. Ma mère disait: " Chacun les siens", car une fois que l'émotion sera passée ou remplacée pas un autre drame du même acabit, personne n'évoquera les drames anciens,

    A part ça, vous reprendrez bien des pâtes!

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    1. Non, ce midi ce sera travers de porc et tomates grillées au barbecue;

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