mardi 10 juin 2014

Explication de vote



Je dois le confesser, j’ai longtemps voté  FN. Plus de vingt-cinq ans en tout cas, ce qui, en termes de lurettes en fait une de belle taille. Comment, s’offusqueront certains, vous, un homme si posé, si sage, si cultivé, si plaisant en faits et en dits, si tout ça et le reste (certains sont bougrement flatteurs !), vous mêlez votre bulletin à celui des 25 % d’abrutis bas du front, que leurs échecs en tout domaine ont emplis d’aigreur de peur et de haine qui s’en prennent à d’autres malheureux, victimes comme eux d’une société injuste, et dont le manque total de clairvoyance nous feront revivre Les Heures Les Plus Sombres De Notre Histoire™ si un sursaut citoyen ne venait démocratiquement leur ratatiner la gueule à coups de barres à mines? Je répondrai catégoriquement : NON. Je n’ai pas voté aux européennes : j’étais en vacances. En revanche, j’ai voté pour ce parti plus ou moins régulièrement auparavant.

Dans un premier temps, je répondrai aux inévitables questionnements qu’un tel aveu ne peut manquer de soulever. Seriez-vous raciste ? Non. Je ne crois aucunement en la supériorité d’une race sur une autre. Seriez-vous antisémite ? Non. Je ne suis pas plus antisémite que philosémite, en fait, toujours par absence de racisme, j’ai tendance à m’intéresser davantage aux qualités des individus qu’à leur appartenance à une ethnie, une religion ou à une communauté. Êtes- vous fasciste ? Non. Le fascisme entre autres défauts capitaux donne un trop grand rôle à l’état et je me vois mal défiler en uniforme en acclamant un quelconque chef (de plus j’ai une sainte horreur de la foule, quelle qu’elle soit). Êtes-vous xénophobe ?  Non. Ayant vécu nombre d’année à l’étranger, je n’ai jamais agressé  de locaux et y ai même cultivé des amitiés (et plus dans certains cas d’affinités). Êtes-vous un ennemi de la démocratie ? Il m’arrive de trouver bien des défauts à ce système, notamment en réalisant que les fans de foot, les carnavaleux de Dunkerque ou les plus gros mangeurs de tripes ou de boudin ont eux aussi le droit de vote, mais comme disait Sir Winston, « La démocratie est le pire système de gouvernement, à l'exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l'histoire. »

Ces détails éliminés, qu’est-ce qui peut bien pousser  un homme ayant plus de passé que d’avenir, peu de penchant pour la haine, disposant de ressources suffisantes à combler ses modestes besoins, vivant dans un cadre paisible et très agréable (du moins pour lui), doté d’un relatif sens de l’humour, de beaucoup de recul vis-à-vis des passions et qui s’adonne à de paisibles passe-temps à soutenir l’insoutenable ?  La réponse est très simple : J’aime la France. Pas un simple territoire, pas un pays porteur d’un message universel autant que filandreux, non  j’aime le pays dont j’ai hérité la langue, la culture et que j’aimerais bien transmettre, non pas intact mais si possible amélioré ou au pire pas trop abîmé à ceux qui me suivront.

Or il me semble que l’immigration de masse que nous continuons de connaître,  alliée à la promotion du communautarisme et du multiculturalisme,  rendra un tel transfert impossible. Il me semble également que le progressisme, l’égalitarisme, et plus généralement tout ce dont la gauche se réclame est éminemment mortifère.  Ces deux raisons m’ont amené à soutenir M. Le Pen, qui, qu’on le veuille ou non et malgré son goût de la provocation, était le seul à s’élever clairement ainsi qu’avec quelque succès  contre les errances gauchistes et une immigration de masse que nul ne songeait plus à assimiler. Est-ce à dire que je souhaitais (ou croyais en) sa victoire ? Aucunement, je voyais simplement dans le vote FN un moyen d’aiguillonner une droite virant au centrisme, à la faire se préoccuper des sujets qui m’intéressaient. Sarkozy nous a fait, en 2007, le coup du « Je vous ai compris ». J’ai voté pour lui des deux mains, aux deux tours. Je me souviens de la joie partagée avec mon père et ma fille le soir de son élection. Et puis, passée la fête, adieu le saint : rien n’a suivi. Il a retenté le même coup en 2012, mais c’est plus par défaut, pour barrer la route au clown d’aujourd’hui que j’ai voté pour lui au deuxième tour.

Maintenant, où en sommes-nous ?  Le Rassemblement Bleu Marine se veut un mouvement ramasse tout, adopte un programme de gauche, tente de séduire les modérés de tout bord ; l’UMP est tellement hétérogène qu’une vache n’y retrouverait pas son veau.  Nous voilà donc dans de beaux draps (oui, oui, je sais, Céline, LHLPSDNH et tout ça) !  J’avoue qu’entre un ventre mou, un nationalisme socialiste et  un socialisme progressivement délirant, je n’ai que l’embarras du refus. Après tout, peut-être devrais-je m’en foutre complètement, regarder pousser mes légumes, s’épanouir mes fleurs et espérer que le déluge ne viendra qu’après nous…

C’était pourtant un sacrément  beau pays !

38 commentaires:

  1. Il le reste encoreun sacrément beau pays, cher Jacques, même si la truffe corrézienne, sa suite diverse et les amateurs de fouteballe ont les rênes et la parole.

    Pour ma part, ne le léguant à personne, je puis encore et quand même en espérer le meilleur ! J'espère qu'il n'est pas tombé si bas que nous ne puissions le relever. Cela semble cependant difficile tant que perdurera la police de la pensée.

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    1. Je n'en doute pas, je ne désespère pas. Seulement, l'offre politique du moment est un peu faible.

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  2. ça l est encore un sacré beau pays une fois quitté les agglutinations urbaines et autres lieux de rassemblement de la diversité

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    1. Pourquoi croyez-vous que je fuis les villes ? Ici la France n'a pas changé : elle s'est modernisée, c'est tout.

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  3. L'embarras du refus est une expression bien trouvée.

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  4. Et moi qui vous croyais centriste, tendance vil Morin !
    Binez la belle terre de France, espérez la pluie, ne redoutez pas le déluge, il y a des bâches en promo chez Castoi !

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  5. Vous avouez donc que le FN vous déçoit parce qu'il n'est pas assez à droite ? Provocateur !

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    1. Si vous jetez un oeil sur son programme économique et social, vous verrez qu'on y est plus socialiste qu'à Solférino. Or le socialisme, de droite comme de gauche m'indispose.

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  6. Je dois le confesser, j'ai toujours voté FN, na!
    Si quelqu'un pouvait m'expliquer la différence entre le FN et le Rassemblement Bleu Marine, ce serait sympa (comme on ne dit plus, je crois).

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    1. Le RMB est censé rassembler des gens qui, sans être encartés au FN partagent certaines de ses convictions...

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  7. J'ai voté beaucoup à une époque et puis depuis quelque temps, je me fais tirer par le bras, pour le FN une seule fois parce qu'au repas c'était francfort, Teewurst ,Köstritzer et Eiswein., non c'était pour faire plaisir à ma tendre épouse qui continue sur sa lancée mais sans moi.

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  8. C'est tout à fait mon portrait moral que vous venez de dresser, maitre Jacques. L'âge et la sagesse en moins, cela va sans dire.

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    1. Vous êtes modeste en ce qui concerne la sagesse ! Pour l'âge, ça viendra toujours assez vite...

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  9. Il faut au moins reconnaître à ces gens-là le mérite d'avoir toujours affirmé que l'immigration
    de peuplement n'était pas forcément une chance pour la France. De plus en plus d'électeurs
    commencent à subodorer du vrai dans cette sorte d'assertion, hélas tout porte à croire que
    la déferlante nous submergera sans que nous n'y puissions grand chose. Vu que nous n'avons
    plus rien à perdre autant continuer à voter nauséabond.
    Amitiés.

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    1. C'est un point de vue qui se défend, mais je préfèrerais que se lève une droite forte et libérale reprenant les thèmes maudits du FN...

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  10. La question n'est pas, cher Jacques, de "s'en foutre", mais : puis-je aujourd'hui faire quelque chose de plus intéressant que m'occuper de "politique"?
    Il me semble que la réponse est toujours oui.

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    1. Certes.
      Et laissons donc la politique s’intéresser à nous.
      Vous trouvez que nous votons trop souvent ? Que l'on nous demande trop souvent notre avis ?
      Vu comme ça évidemment...

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    2. Cher Michel, la politique m'intéresse marginalement. L'avenir de la France davantage. Mais j'ai bien entendu d'autres centres d'intérêt...

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  11. J'vous cause plus. Vous n'êtes qu'un type qu'a pas fait d'études, qui picole, qu'a peur de l'Aut' et qui se trompe de colère.

    J'avais écrit un billet à propos de Marine Le Pen et de ses idées de gauche, lors d'une déclaration du collectif Racine. Ce billet vaut surtout par les commentaires intéressants de quelques enseignants.
    Telle que je suis, je ne voterai jamais pour le FN, en qui je n'ai aucune confiance. Malheureusement, je n'ai guère davantage de confiance en d'autres qui ont carrément laissé au FN bien pis que des os à ronger: la laïcité, les débats sur les frontières et la sortie ou pas de l'euro, une certaine idée de l'école, bref sur une grosse partie de l'exercice de la démocratie.

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    1. Merci pour le lien. Je m'étonne d'ailleurs qu'il ait auparavant échappé à ma vigilance. Les commentaires sont en effet intéressants mais révèlent parfois un certain aveuglement. Certains blogueurs réacs et pas des plus ahuris sont enseignants.

      Pour ce qui est de la peur de l'Autre, j'engage ceux qui y voient une phobie à aller se promener dans la cage d'un grand fauve : ils ne présentent de danger que pour les phobiques. Quand à la colère, n'en ayant aucune, je ne risque pas de me tromper. (plaidoyer pro domo, vu que je ne suis pas insensible à l'humour de votre "rejet").

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  12. On aura bien sûr le droit de chanter "Douce France" jusqu'à la fin des temps.
    Mais pour ce qui est des élections, on a de plus en plus l'impression d'être le dos au mur et que quel que soit le choix électoral qu'on pourra faire, au bout du compte il s'avèrera toujours être mauvais.

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    1. Donc vous aussi vous pensez que quoi que l'on fasse ou dire cela ne sert à rien.
      Braire et laisser faire en somme.
      Quelle est donc cette vague de défaitisme qui traverse vos esprits ?

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    2. Regardez objectivement le paysage politique que notre pays nous offre, et vous aurez la réponse à votre question.

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    3. Depuis la "trahison" de Sarkozy et le "revirement" du FN, j'avoue que l'offre me paraît peu alléchante. Maintenant, on peut toujours espérer que certaines lignes bougent...

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    4. Que les lignes bougent...
      Vous voudriez qu'elles bougent dans quel sens ?

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    5. J'avoue ne pas comprendre vos pensées versatiles. Je les mets sur le compte de l'âge, du whisky ou de la joie de voir vos plants de tomates épargnés par la grêle.
      Y'a pas d'autres explications possibles.
      Dans le cas contraire merci de nous fournir une explication détaillée.
      Dans l'attente de celle-ci votre aquoibonisme bon teint ressemble à du dandysme de retraité.

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    6. Dans quel sens ? Mais vers la droite, bien entendu ! Mes pensées ne sont aucunement versatiles : elles suivent un cap net et précis : assimilation, monoculturalisme, retour à la raison sociétale, assistanat réservé aux handicapés, amour du pays, etc.

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  13. fasse ou dise...

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  14. Je n'ose comprendre. Vous souhaitez l'arrêt de l'immigration et un chômage de masse. L'arrêt de l'immigration et le plein emploi vous dérangent?
    jard

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    1. J'avoue ne pas bien saisir le sens de ce commentaire. Qui s'est prononcé en faveur d'un chômage de masse ?

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  15. Comme vous Jacques-Etienne, j'ai voté bien souvent pour le FN y voyant à tort ou à raison, un rempart contre l'UMPS.
    Comme vous le savez, je suis plutôt royaliste et hostile au système des partis, qui divisent les français en factions rivales.
    Alors que faire ? Laisser le bateau "France" couler ? J'ai du mal à m'y résoudre. Je continue à voter pour lui, en espérant, peut-être naïvement qu'il foutra le bazar dans le ripoublique.

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  16. Robert Marchenoir12 juin 2014 à 00:34

    -- Jusqu'où Jean-Marie Le Pen peut-il aller contre sa fille?

    -- Je suis intimement persuadée qu'il peut aller jusqu'au bout. Ce qui a nuit à la dynamique du FN, depuis le début, c'est la personne de Jean-Marie Le Pen. C'est tout le paradoxe: c'est lui qui crée cette dynamique, puis la stoppe, dans un élan qu'on pourrait presque qualifier de suicidaire. Je discutais au cours de mon enquête avec des militants, qui y croyaient vraiment, se sont engagés dans un combat et qui étaient désespérés par ce gâchis, par l'égocentrisme de leur chef, capable de tout foutre en l'air au dernier moment. Il faut comprendre que pour Jean Marie Le Pen, le FN est sa chose, ce n'est pas un parti, c'est un prolongement de lui-même. Je n'aime pas les prophéties, mais je pense qu'il est capable de tout saborder.

    http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2014/06/11/31001-20140611ARTFIG00295-jean-marie-le-pen-peut-il-saborder-son-propre-parti.php

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    1. On est en droit de se demander si les "provocations" de JMLP sont volontaires et auto-destructives ou si elles ne sont pas créées par les media à partir de phrases plus ou moins pertinentes auxquelles on donne une interprétation tendancieuse et une importance disproportionnée.

      Le procédé a été également utilisée contre M. Sarkozy (racailles, nettoyer au Kärcher, casse-toi pauv' con, etc.).

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    2. Robert Marchenoir12 juin 2014 à 12:37

      Ah, non, Sarkozy ça n'a rien à voir. Sarkozy n'a jamais utilisé de déclarations scandaleuses pour faire reculer son parti. Il "a fait sauter des tabous" dans l'espoir, justifié ou non, de le faire progresser. On peut accuser Sarkozy de tout ce qu'on veut, mais pas de tendances suicidaires sur le plan politique, ni d'antisémitisme, ni de complaisances pour les nazis.

      D'autre part, les media ce n'est pas la question. Bien sûr que les média amplifient et déforment. Et le Pen vient de le découvrir hier soir ? Le Pen est une oie blanche qui fait ses premiers pas en politique ? Le Pen ne peut pas plaider l'erreur alors qu'il est coutumier du fait. D'ailleurs, il ne le fait pas ! Il a toujours revendiqué le détail, la fournée et tout le reste.

      L'interview de Valérie Igounet est très intéressante. Elle est peut-être de gauche, mais elle est honnête. C'est très intéressant, sa remarque selon laquelle le Pen ne considère pas le Front national comme un parti, mais comme sa propriété personnelle. Voyez aussi les militants anonymes qui sont fous de rage à chaque fois que le vieux "dérape" -- et ça ne date pas de la "fournée", c'est bien plus ancien.

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