jeudi 1 mai 2014

Faites-vous le pont ?



Voici le mois de mai où les fleurs volent au vent et les ponts se suivent. A propos de fleurs, à ceux qui n’en auraient pas, j’offre ce muguet qui s'épanouit dans mon jardin : 



Mais revenons à nos ponts. Quoi de plus agréable que quatre jours de congé consécutifs pour le travailleur qui contre vents, marées et propagandes diverses, se refuse à trouver en son labeur une source de joies ineffables et d’accomplissement personnel ?  J’avoue les avoir appréciés, sans pour autant les attendre. Ce que j’attendais mes dernières années de labeur durant, c’était le grand pont, celui qui mène de l’esclavage à la mort et que l’on nomme retraite. Je n’avais qu’une crainte : ne pas aborder ce rivage tant désiré. Car, d’abord confusément puis de manière plus nette, depuis quelques années, j’avais l’impression d’avoir de tout temps été fait pour la vie de rentier.

Il y a moins d’un an, parut un ouvrage nommé L’année du phénix qui traitait de la première année de retraite. Comme le titre le suggère, cette période y était présentée comme  celle d’une résurrection comparable à celle qu’était censé connaître l’oiseau mythique après qu’il se fut consumé sous l’effet de sa propre chaleur. Y étaient évoqués les affres éprouvées par le néo-retraité du pot de départ au vertige ressenti face à tant de temps libre. Eh bien, je dois avouer à ma courte honte, n’avoir rien ressenti de tout cela. J’entends déjà les rieurs arguer qu’entre la vie d’enseignant  et celle d’un oisif, il y a si peu de différence que la transition se fait sans problème. Je ne saurais être d’accord. Même si ce n’est grosso-modo qu’un jour de l’année sur deux, il faut tout de même se lever  tôt afin de respecter les horaires, s’intégrer tant bien que mal à une équipe, conduire vers son lieu de servitude qu’il neige pleuve ou vente alors que le jour n’est point encore levé. Toutes choses qui, sans aller jusqu’à l’horreur, faisaient monter en moi un pénible sentiment d’ennui.  En être affranchi ne me gêna donc nullement.

Le temps libre, j’en rêvais et sa venue fut à la hauteur de mes attentes. Plus de contraintes, qu’elles soient horaires ou sociales !  Contrairement à bien des gens, je ne connus aucune difficulté à me trouver coupé du monde actif : je fréquentais peu mes collègues et n’ayant jamais été amateur de la soi-disant reconnaissance sociale qu’apporte un statut professionnel, si humble soit-il, leur disparition plus qu’ablation fut délivrance. D’autre part, ayant quitté la région où, presque vingt ans durant, j’avais exercé, je ne souffris pas non plus du changement de lieu : j’avais trouvé celui qu’il me fallait. Sauf enneigement excessif  (et encore !) j’y venais passer tout mon temps libre. Y être à demeure m’évita de longs et ennuyeux trajets. En dehors de ma compagne à temps partiel, je n’y ai avec quelques voisins ou commerçants que de brefs échanges courtois.

Cette « solitude » spatiale autant que sociale me convient parfaitement. Je ne saurais m’y ennuyer, sauf un peu quand plusieurs mois de pluie consécutifs viennent perturber mes projets de bricolage ou de jardinage. J’ai ma routine matinale : mots croisés, écriture et lecture de billets de blogs occupent ce moment de « réconciliation avec la vie » qui suit mon réveil bien plus agréablement que ne le faisaient des trajets routiers  hivernaux sur des routes parfois gelées tandis que les phares m’éblouissaient. Ensuite je m’assigne des tâches qu’en général je n’ai pas le temps de réaliser. Il arrive même que je ne m’en impose aucune et qu’entre le Net et quelque lecture le temps passe avec une discrétion  qui me le fait oublier. Vient le soir où quelques whiskies anteprandriaux  viennent me récompenser des exploits du jour avant que les programmes ne  me dissuadent d’allumer le téléviseur.



Il ne s’agit pas là d’une quelconque sagesse ou d’une recette infaillible de félicité oisive. Beaucoup ont besoin des bruits et des commodités de la ville. Comme le fait mon frère aîné, ancien prof de maths, certains ont besoin des contacts qu’apporte l’appartenance à diverses associations au point de continuer une vie de contraintes rythmées par les vacances scolaires… A chacun son chemin de bonheur.

12 commentaires:

  1. Oui, le coup des associations et autres foutaises destinées à pallier les affres d'une inactivité soudaine,
    on me l'a fait...rien de plus idiot car la retraite est synonyme de liberté et non d'ennui, vous l'avez parfaitement
    compris. Celui qui, par surcroît aime bien la solitude et, bien entendu, n'est pas marié à plein temps, doit
    toucher du doigt le bonheur, je crois que vous y êtes.
    Merci pour ce superbe muguet qui prouve que la pluie a du bon.77
    Et amitiés.

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    1. Je pense être aussi heureux que je suis capable de l'être. C'est déjà ça !

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  2. Pour moi, le pont, c'est toutes les semaines, alors…

    Sinon, des retraités qui sont occupés sept jours sur sept et dix heures par jour, j'en connais : ils me font un peu pitié, je dois dire.

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    1. Je vous souhaite un "grand pont" bien oisif ou seulement occupé par ce qui vous plaît. Les multiples associations auxquelles adhèrent bien de vieux permet à ceux qui en ont besoin de se donner une illusion d'utilité et surtout un "statut social" dans lequel ils craindraient de ne plus exister.

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  3. A chaque fois, je pense à cette chanson, bon c'est Dick Rivers mais, un peu de nostalgie:

    https://www.youtube.com/watch?v=HDQkrtonLec

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    1. Je connaissais la version originale "Take me home,country roads"...

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  4. je n'ai pas connu le stress de la première année non plus et je ne veux pas entendre parler d’associations et d'emplois du temps, merci, j'ai donné pendant 44 ans ! le bonheur de se réveiller quand on veut, de prendre un petit déj tranquille avec le journal et de glander pendant plusieurs heures avant de se décider à faire où ne pas faire quelque chose est un bonheur sans non !

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  5. Je hais les voyages de vieux, les quines de vieux, les spectacles de vieux et les danses folkloriques au biniou. Je n'invite jamais de vieux qui viendront me parler de leurs maladies et du meilleur hôpital déniché par la dernière enquête du Point si ce n'est du contrat d'obsèques à la mode. La famille n'est pas comprise bien sûr dans ce bannissement.
    Je ne suis bénévole en rien, mais disponible à tout moyennant une rémunération symbolique. Toute contribution à un média payant est une pige due. D'accord je suis à moitié prix, je dumpe !
    Ce qui ne m'empêche pas de prêter la main à un voisin encombré d'un long câble électrique ou d'une échelle bancale, voire de mécaniquer s'il a plus mal au dos que moi.
    Le soleil de la retraite sont les petits-enfants, petits, et un verre de Frontignan à la tombée du jour.

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    1. Je partage vos haines ! Mais contrairement à vous, personne ne me demande rien...

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