mardi 24 septembre 2013

Gay-Pride de Saint-Marcelin: Un succès mitigé (Suite et fin)


Ce n'était pas l'hymne national ni les "on est les champions, on est les champions" qui suivent la victoire mais un air plus local dont tremblait l'air vespéral. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, la jeunesse marcelinoise, bien avinée et décidée à continuer la fête, avait entonné son chant de ralliement:"Les Marcelin sont pas si fous, ils s'en vont pas sans boire un coup!" Le seul hic, c'est que de coups à boire, il n'y avait plus. Les buvettes avaient été vidées l'après midi. Le peu de boisson qui restait avait été soit acheté par les vétérans en vue du feu d'artifice (qui comme l'on sait donne soif) soit mis de côté en vue du bal.

Allez expliquer à une saine jeunesse un peu éméchée qu'il n'y a plus rien à boire. Vous me raconterez le résultat en sortant de l'hôpital. Eh bien, ce qui était à craindre se produisit: les plus teigneux, les têtes chaudes, entraînèrent leurs camarades vers le bar du chapiteau et exigèrent qu'on les servit, et vite.

Se saisissant du micro, le maire grimpa sur la scène afin de lancer un appel au calme. Un jeune attardé (il en demeure dans nos campagnes, hélas!), l'esprit pas très clair, interrompit ses propos apaisants d'un "Ta gueule , eh, vieille tafiole!". C'était un peu trop pour un démocrate. On peut être fin politique et avoir la tête près du bonnet. Surtout quand on se montre irrespectueux à la fois de l'âge et des minorités sexuelles.

Sautant de l'estrade, JRM se pèta un talon et courut en boitant sus à l'incorrect. "La vieille tafiole, elle va t'dresser l'poil, p'tit"con!" vociféra-t-il en refilant un coup de boule à la Zidane au jeune impoli. C'est ainsi que commença la bagarre. Le conflit des générations, l'effet de groupe, mettez ça sur le compte de ce que vous voudrez, toujours est-il que deux groupes se formèrent spontanément et se ruèrent à l'assaut l'un de l'autre. Se ralliant au panache platiné de leur maire, les têtes grises prirent d'abord l'avantage, mais grâce aux portables les jeunes rameutèrent de nouveaux combattants, et ça tourna au vinaigre. Difficile de dire, dans le chaos des tables renversées et des chaises et autres projectiles qui fendaient l'air, qui l'emportait.

Mettant à profit un repli stratégique, le maire téléphona à la sous-préfecture afin qu'on envoyât quelques CRS rétablir l'ordre. Ça tombait bien, vu qu'on en avait une compagnie venue surveiller les débordements de la victoire et qui, tout le monde étant resté chez soi, avait la matraque au chômage.

Les bleus arrivèrent donc bien vite. Le spectacle qui s'offrit aux yeux des forces de l'ordre les laissa interdites. Ignorant la nature de la fête, il leur sembla qu'une bande de vieux travelos,  tentait de mettre en pièce un groupe de jeunes. Ils se mirent en devoir de repousser les assaillants puis d'appréhender les plus virulents. Ainsi vit-on partir vers Corbinville, en panier à salade, bon nombre de citoyens éminents de Saint-Marcelin qui en robe de lamé déchirée, qui portant pour tout vêtement un string de cuir. C'est cet improbable groupe, qu'alerté, le sous-préfet vint bien vite faire élargir.

Nous laisserons Jean Rougier-Marcelin tirer les leçons de cette journée de fête quelque peu agitée. Au sortir de la maison d'arrêt, claudiquant sur un talon aiguille, bas filés, mais sa sérénité recouvrée, M. le maire a tenu à offrir à nos lecteurs la primeur de ses déclarations: " Je dirais que la première Gay Pride de Sant-Marcelin a connu un succès, disons, mitigé. Aux dernière nouvelles, la plupart des cinquante-sept blessés ne le sont que légèrement. Seule une dizaine d'entre eux devrait rester hospitalisée pour quelques jours. Nous ferons notre possible pour que de tels incidents ne se reproduisent plus, notamment en veillant à un meilleur approvisionnement des buvettes. Je vous donne donc rendez-vous pour une nouvelle fête, le 9 juillet 2009. Venez nombreux!"

Gageons que ces paroles réconfortantes seront écoutées et leur conseil suivi

6 commentaires:

  1. Cher Jacques, je vous vois littéralement comme le Nostradamus du Trocadéro. Imaginer le réseau de téléphonie mobile couvrir y compris Saint-Marcelin ne peut être que le fruit de la pensée d'un visionnaire.

    Moi j'dis.

    RépondreSupprimer
  2. C'est désopilant et criant de vérité -faut le faire- ce qui me conforte dans ma conviction : remettez l'ouvrage sur le métier, ça vaut le coup.
    Amitiés.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne suis pas certain d'être encore dans l'esprit "Saint-Marcelin". Je vais cependant tenter d'écrire la deuxième partie de Saint-Marcelin" pendant la guerre. On verra si ça marche...

      Supprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.