vendredi 15 février 2013

Billet d’un sans coeur



Un homme s’est immolé par le feu à Nantes devant « son » agence de Pôle Emploi. Il avait des problèmes. Qu’il devait penser insurmontables. Soit.

Il faut croire que la vie lui était devenue insupportable. Soit.

Mais à quoi bon faire une sortie spectaculaire ? Complexe d’Erostrate ? 

En France, chaque jour, pour une raison ou pour une autre, 28 personnes se donnent la mort. La plupart  le font calmement dans leur coin. Ils prennent une corde, des médocs, se jettent sous un train ou d’un point élevé. C’est triste mais banal. Bien plus banal que de gagner des millions au loto. C’est pourquoi ça fait moins de bruit. Même les âmes les plus sensibles n’en font pas un fromage.

Pour devenir intéressant, dans une société de spectacle, un suicidaire doit se montrer original.

Nous vivons « une crise sans précédent ».  La moindre des choses est qu’elle entraîne des réactions inouïes. L’immolation par le feu, bien que courante chez le bonze, satisfait, par son con côté inhabituel un  peuple avide de sensations fortes.  Il y réagit. Ça le bouleversifie.  Chacun peut se dire que, vues les circonstances, ce malheureux imbibé d’essence et armé d’un briquet ou d’allumettes pourrait bien être lui. Tu parles ! On pleure dans les pavillons et les HLM, faute de chaumières devenues hors de prix.

Face à un tel drame, le ou la ministre compétent se déplace ou prononce quelques mots émus. Les administrations concernées  jurent leur grands dieux qu’elles ont tout fait pour venir en aide au désespéré. C’est tout juste si ces bienveillants fonctionnaires ne finissent par apparaître plus à plaindre que le cramé.

Et les 27 autres ? C’étaient des guignols ? Ils se pendaient, s’empoisonnaient, se faisaient déchiqueter par les boggies  ou s’aplatissaient façon crêpe juste histoire de passer le temps ?

Le désespoir ne s’explique pas. Rien ne le justifie ni n’en réfute les causes. C’est personnel. Quand la vie fait plus peur que la mort, le suicide devient consolation. Vouloir lui donner un sens, en faire un acte ultime de revendication relève du paradoxe. Ça s’apparente à une sorte d’espoir : « si j‘éveille  les consciences, mon acte n’aura pas été vain »…  …ce genre de choses.

Il faut cependant se dire une chose : dès demain,  un autre événement  viendra distraire. L’immolé sera oublié. Ses cendres seront froides, ses braises éteintes par les larmes des crocodiles.

Qu’il repose en paix, pauvre homme !

18 commentaires:

  1. "La vie est un rêve dont la mort nous réveille" d'e Hodjviri poète persan du XI éme siècle pour certains , il s'agirait plutôt d'un cauchemar..

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  2. Parfait ! J'avais dans l'idée de faire à peu près le même : c'est devenu inutile grâce à vous, je peux aller me recoucher…

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  3. Pourquoi "sans coeur" ? Vous en montrez ici plus que bien des pleureurs...

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  4. En tous les cas, il en a fait assez pour que de "grands esprits" jugent que cela valait la peine de lui consacrer des billets !

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  5. La diversité nous a amené de savoureux rituels on dirait..
    Avant il fallait être plusieurs pour faire une révolte, maintenant les gens se révoltent égoïstement.

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    1. Les influences étrangères seraient discutables ? Ne dites pas ça, malheureux !

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  6. Vous êtes bien généreux d'y voir une sorte d'espoir, moi j'y verrais plutôt une sorte de chantage moral : "vous avez refusé ma demande, eh bin vous allez voir!".
    Il y a sans doute plus de gens qu'on ne croit qui se suicident, ou tentent de se suicider, pour emmerder les vivants.
    Mais je suis un coeur de pierre, c'est bien connu.

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    1. Aristide, là vous méconnaissez à mon avis le bon vieil instinct de survie : s'il en vient à être aboli, c'est que l'on passe bien au-delà d'un égoïsme de bas étage...

      Non, je crois juste que l'être humain se fragilise énormément. Avant, la question se posait moins : on vivait par évidence, aujourd'hui, il n'y a plus d'évidence mais des milliers de voies illusoires offertes.

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    2. Ca ne me parait pas évident.
      L'homme est un animal étonnant, capable pour survivre de s'infliger ce qu'aucune bête ne supporterait, mais aussi capable de se tuer pour les motifs apparemment les plus futiles ou les plus irrationnels.
      Dans ce cas particulier, si ce que dit la presse est exact, ce quidam a fait de grands efforts pour se tuer d'une manière particulièrement spectaculaire, en le faisant savoir bien à l'avance, et au milieu de pôle emploi.
      Autrement dit il ne voulait pas simplement mourir.
      Il est même possible qu'il n'ait pas vraiment voulu mourir mais simplement emmerder un maximum les gens de pôle emploi et que ce soit le meilleur moyen qu'il ait trouvé pour ce faire.
      Il est possible aussi qu'il ait eu un léger grain, mais l'un n'exclut pas l'autre.

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    3. Personnellement, je trouve cette action (et celui qui l'a accomplie) digne de pitié. Que ce soit un geste d'espoir ou qu'il soit destiné à emmerder le monde, il est en tout cas dérisoire. Je n suis donc pas d'accord avec Jérôme Leroy (http://www.causeur.fr/pole-emploi-nantes-immolation,21255) qui en fait le fromage qu'on pouvait attendre de lui.

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  7. Bien vu. Le pauvre type qui se suicide pour éveiller les consciences suscitera au mieux quelques larmes de crocodile dans les media et chez certains politicards.
    Et un quart d'heure après on n'y pense même plus!
    Moralité, si l'on veut emmerder le monde, il est préférable de rester en vie.
    Amitiés.

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    1. Très juste, Nouratin : vivre longtemps est la plus sure manière !

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  8. "Mais à quoi bon faire une sortie spectaculaire ?"
    J'y voit une forme d'expression. Sans doute aurait-il été préférable qu'il peigne, écrive, ou joue de la musique et il a fait comme il a pu. Il a payé de sa personne pour faire passer le message, qu'il ne faut pas attendre la dernière minute pour se faire entendre.
    Le complexe d’Erostrate concernerait un quidam, qui aurait mis le feu à la septième merveille de la République française, on ne peut pas confondre.
    Charles Robert.

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  9. Dans la foulée de l'immolé évoqué dans votre billet, il y a eu 3 autres cas évoqués par la presse hier : un à Saint Ouen, un en Savoie et enfin un lycéen de 16 ans. Ces 3 là en ont heureusement réchappé.

    Le premier, sur lequel s'appuie votre billet, aura donc fait au moins 3 émules connues.

    La meilleure façon de voir le phénomène se multiplier est sans aucun doute, de mettre ce genre de faits divers à la UNE des journaux. Les journalistes provoquent ainsi involontairement, j'ose l'espérer, la reproduction de ces actes abominables.

    Si mon voisin se pend, cela ne fera pas la une des journaux et personne ne sera donc tenté de l'imiter.

    Depuis hier, l'actu du même tonneau, qui balaie d'un coup de projecteur, l'épisode des immolations, est celui de l'homme sur la grue ; J'ai entendu ce matin qu'il avait déja fait un adepte...

    Si je compatis à la détresse de ces gens (dans la limite du raisonnable, parce qu'il y a 1 000 façons de régler un problème), je condamne leur mise en scène médiatisée qui risque d'entraîner dans la mort d'autres malheureux qui passeront à l'acte plus par mimétisme que pour ameuter les médias.

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