samedi 5 janvier 2013

Lorsque l’enfant paraît…



L’autre jour, alors que je lisais le Journal de Didier Goux, un passage m’a donné à penser : celui où il évoquait la difficulté que rencontrent parents et enfants à parler ensemble. Comme souvent je suis en partie d’accord avec pour corollaire évident que je n’adhère pas à tout.

La difficulté de communiquer avec les parents est certaine. Surtout dans le cas où ces derniers se sentent porteurs de vérités immuables ou pensent de leur devoir d’imposer leurs valeurs à leurs enfants même quand celles-ci les conduisent eux-mêmes au naufrage. Cette tendance était probablement plus fréquente  parmi les générations anciennes.

Mais cet obstacle n’est pas insurmontable : avec le temps, j’ai fini par parler librement avec mon père. Peut-être parce que je devenais trop vieux pour adopter l’attitude du fils soumis (que je n’ai jamais  été) et qu’il réalisait que, la fin approchant, il ne lui était plus nécessaire d’affecter un rôle de prescripteur. Nous en sommes ainsi venus à aborder des sujets délicats, des problèmes ou des moments de sa vie personnelle qu’il n’avait JAMAIS évoqués et que, jeune,  j’eusse craint d’aborder.  Je ne pense pas que mes frères aient eu avec lui cette « intimité ». La souhaitaient-ils même ?  Car pour ne pas se parler, il faut être (au moins) deux…

Il se trouve que, malgré mes réticences à me perpétuer, j’ai eu une enfant. A un moment où la femme avec qui je vivais avait su m’insuffler suffisamment de confiance en moi et en la vie pour sauter ce pas délicat. Si une enfant a été désirée, c’est bien elle.  Les circonstances ont fait que quelques années plus tard nous nous sommes séparés.  Et au plus profond des difficultés  c’est ce petit bout de chou qui m’a donné la force de continuer. J’étais responsable de cette vie que j’avais donnée.  Elle m’a, sans le savoir, puissamment aidé.

Ce ne fut pas toujours facile. Elle est adulte maintenant. 28 ans déjà. Elle vit sa vie. A sa manière.

Didier posait une question : puisque les enfants «appartiennent, dès le départ, à un monde qui ne sera pas le vôtre […] quoi leur apprendre ? »

J’ai une réponse à cela : leur apprendre ce qu’on a été. Avec nos hauts, nos bas.  Leur donner une confiance dans la vie quoi qu’il arrive. Nous avons survécu aux petites anicroches du destin. Les encourager à faire de même. Leur affirmer notre amour, aussi, surtout. Faire en sorte que la Promesse de l’aube soit plus ou moins tenue. Leur faire confiance : ils sont plus aptes que nous à faire face aux changements bons ou mauvais qui affecteront notre société.

Et puis certaines valeurs demeurent valables quels que soient l’époque et le contexte. On peut en faire état sans exiger qu’on les adopte.

Nous parlons. Sans trop entrer dans les détails. Mais nous parlons. Comme un vieux de 62 ans peut parler à une jeune femme. Comme un père à sa fille et une fille à son père. Pas comme des copains. Il y en a d’autres pour ça. Ça vaut ce que ça vaut mais c’est plein d’amour tendre. Parfois même exprimé.

Nous restons parfois des semaines sans nous parler. N’empêche, le lien est fort. Elle a été, est et sera ma plus grande fidélité.

 Je lui souhaite de connaître ce bonheur !

18 commentaires:

  1. En tant que jeune maman ce billet me pince le coeur... C'est beau, votre profession de foi, Jacques, c'est chaleureux.

    Mais c'est marrant, c'est maintenant que je me demande où on trouve le mode d'emploi pour bien parler à son enfant ?

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    1. Merci Blandine.

      Pour le mode d'emploi, je ne sais pas. Peut-être suffit-il d'être soi...

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  2. C'est bizarre, vous donnez l'impresion de quelqu'un de paisible, heureux, serein mais le manque de confiance revient assez souvent dans vos textes.
    Jard

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    1. Il ne me semble pas qu'il y ait là paradoxe. La paix, le bonheur, la sérénité, toujours relatifs, résultent d'une lente conquête et s'atteignent avec l'âge.

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  3. Mes enfants n'ayant pas encore quitté le domicile, je ne peux savoir ce que nos relations futures seront.

    Pour mon père, j'ai toujours l'impression de ne pas lui avoir tout dit, trop pressé sans doute de vouloir croquer la vie comme un chien fou et les rares fois où j'aurai pu le faire, je ne savais que dire.

    Très bel écrit,merci pour ce commentaire.

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    1. Merci Grandpas. Je crois que ce que vous décrivez est souvent le cas. Ce n'est que très tard, une fois bien des choses apaisées que j'ai fini par communiquer avec mon père. Pour ma fille, c'est différent. J'ai l'impression que nous avons toujours parlé...

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  4. Bonjour Jacque-Etienne

    J'aime bien cette façon que vous avez de parler à votre fille au travers de ce billet où votre tendresse s'exprime.

    Par contre, pourquoi le monde de nos enfants ne serait-il pas le nôtre ? (Je passerai sur le journal de Didier Goux pour en savoir plus).

    Il est certain que les petits enfants ne voient pas le monde avec nos yeux d'adultes mais cela ne dure qu'un moment. Un moment d'ailleurs délicieux car nous avons un sentiment de toute puissance : nous sommes le cocon qui les protège.

    Quant à "Quoi leur apprendre ?" : Quand ils sont petits, il y a tout (du moins ce que l'on sait) à leur apprendre, avec l'espoir qu'ils poussent à peu près droit.

    A l'adolescence, ils font souvent semblant d'oublier tout ce que nous leur avons appris et il est vrai que les terrains d'entente sont parfois difficiles à trouver. Mais bon, ce moment là est aussi relativement court.

    Par contre, arrivé à l'âge adulte et sauf accident de parcours, les échanges sont formidables. Pour tout vous dire, j'apprends énormément de mon fils. Il m'a surtout montré qu'il fallait arranger son coin de vie le mieux possible afin de s'y sentir bien ; Etre curieux du reste du monde sans trop se laisser entamer pas ses vicissitudes ; Observer la cool attitude dans la plupart des situations et ne pas manquer une occasion de se faire plaisir car la vie est bien trop courte. Il m'a appris que le soleil n'est jamais très loin derrière les nuages.

    Nous n'habitons plus ensemble depuis longtemps mais nous savons qu'en toute occasion, nous pouvons compter l'un sur l'autre. Je suis consciente d'avoir beaucoup de chance qu'il en soit ainsi.

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  5. Je comprends que vous préfériez raconter vos balivernes ici plutôt que de "parler" ou de "communiquer" avec votre fille. J'espère qu'elle ne lit pas ces conneries. "...communiquer avec mon père...", j'ai honte pour vous. Venir déballer ce qu'il y a de plus intime au sein des familles, le silence du père, seul attitude digne face à la déconvenue, aux défaites, à l'incroyable circularité des choses. Vous êtes une pie bavarde, Monsieur, de celles qui émeuvent les "en tant que jeune maman". Je pense, vraiment, que vous n'avez jamais eu d'enfant. Comme Goux !

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    1. ...seule attitude digne....

      Et puis lire le bonbon sucré de Cyrielle fut un bonheur supplémentaire....

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    2. Je suis contente d'avoir pu apporter un peu de bonheur à quelqu'un qui semble sérieusement en manquer.

      Et puis, je l'avoue, je préfère le sucre au fiel.

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  6. Eh bien n'en déplaise à Léon qui va sans doute trouver que je vais nourrir la cohorte des "bonbons sucrés", votre billet, cher Jacques m'a été droit au coeur, et pour diverses raisons difficiles à exprimer ici.
    Mais sachez que cette lecture m'a beaucoup donné à réfléchir et m'a fait beaucoup de bien.
    Et comme dirait Ferré : merde à Léon !

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    1. Non Madame, la cohorte des mères qui font des promesses qui ne seront pas tenues et s'adonnent ensuite au babil lénifiant de "l'échange, de la communication, du donné à réfléchir". Le seul enseignement qui vaille - en dehors de la confection des tartes aux pommes- ne peut être délivré à son enfant. C'est une impossibilité radicale de dire à son enfant que la promesse ne sera pas tenue ! Le silence est l'habitude des pères, le babillage celui des mères.

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    2. Essayons de prendre le problème par un autre bout, monsieur.
      Je dirais que si j'étais un enfant, et s'il m'était donné de choisir entre Jacques et vous pour père, je n'hésiterais pas un instant, c'est Jacques que je choisirais.
      Il ne s'agit pas de donner un enseignement à son enfant, mais plutôt - à ce que j'ai compris - de lui donner confiance en lui-même.
      On dirait que vous avez été incapable de comprendre ce texte : quelqu'un vous aurait-il marché dessus quand vous étiez petit ?

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    3. Madame, les seuls cas connus de parthénogénèse sont féminins votre choix parental est donc sans surprise. Jacques-Etienne fait un excellent papa réticent ET une excellente maman compréhensive, dans l'échange et la communication.

      Sinon, le Goux ci-dessous est un faux !

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  7. Je me doutais bien que ça devait être tout de même possible…

    (Sinon, le Léon ci-dessus est un faux.)

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    1. Je ne sais pas si ce Léon là est un vrai ou un faux (comment savez-vous ça d'ailleurs ?), mais comme vous l'aurez remarqué votre ami blogueur de gouvernement s'est comporté ces jours-ci comme une saloperie authentique.

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  8. Ma connexion étant on ne peut plus instable je ne ferai qu'une réponse globale à vos commentaires. Merci donc à ceux qui ont apprécié ce texte.

    Mes félicitation à M. Léon pour ses interventions toujours précieuses.

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  9. J'abonde abondamment, j'en suis un autre...

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