lundi 9 janvier 2012

Les escrocs sont à la mode




J’ai connu X. par l’entremise d’un ami, lequel avait été  son subordonné.  En effet, du temps de sa splendeur, X. était responsable régional d’une chaîne de magasins qui avait le vent en poupe. Pour monter de nouveaux points de vente, il recrutait des jeunes comme mon copain et avec leur aide il aménageait les boutiques avant de les en nommer responsables. Ils ne comptaient pas leurs heures et répondaient toujours présent quand il s’agissait de donner un coup de main pour mettre en place un nouveau magasin. X. était toujours généreux et savait les distraire : on bossait dur mais la soirée se terminait en boîte et  c’est lui qui payait. Son équipe était donc soudée par le travail et les virées nocturnes ; elle  était aux petits soins pour son chef dont la  région connaissait une expansion rapide. Grâce à cela, X. bénéficiait d’un salaire très confortable. Seulement, X. était dépensier, très dépensier et ses revenus ne lui suffisaient pas.

Où passait son argent ? Mystère. Pour ses proches comme pour sa femme. A part quelques paires de chaussures sur mesures qu’il disait dater du temps  où une riche vieille l’avait pris sous son aile (les mauvaises langues racontaient qu’il l’avait ruinée et qu’il ne fréquentait pas que son dessous d’aile mais, si on les écoutait…),  je n’ai jamais vu chez lui quoi que ce soit de valeur.  Quel qu’en fût l’usage, X. manquait chroniquement de fonds. Pour s’en procurer, il utilisa une méthode simple autant que stupide : de temps à autres, il demandait, contre un chèque, du liquide à ses responsables de magasin. Comme ils n’avaient rien à lui refuser, ceux-ci s’exécutaient.  D’autant plus volontiers que D. fermait les yeux sur les menues quoique multiples indélicatesses auxquelles ceux-ci se livraient pour arrondir leurs fins de mois.

Tout marchait comme sur des roulettes, sauf que D. ne remettait jamais de liquide dans les caisses et que celles-ci se trouvèrent vite dotées d’un fonds faramineux constitué de ses chèques. Ce qui finit par attirer l’attention du propriétaire de la chaîne. Le pot aux roses découvert, X. et sa petite équipe furent virés comme des malpropres. C’est dans un caca bien noir qu’il se retrouva avec sa petite famille. Ça faisait déjà quelques années que ça durait quand j’ai fait sa connaissance. Toujours poursuivi par des huissiers, il vivotait en étant videur de boîte le week-end tandis que sa femme gardait des enfants. Chez eux, tout était planqué par crainte d’éventuelles saisies.

Il me rendit des services de temps à autres et quand l’idée me vint de monter un réseau de dépôts-ventes de textile dans les épiceries rurales du département, le sachant excellent commercial, je lui confiai la mission de créer et de gérer ces dépôts. Evidemment, ça marcha très bien.  Il avait une légère tendance à me rouler sur ses frais mais il faut bien que tout le monde vive…

Malheureusement, le reste de nos activités s’avérant de moins en moins rentable, le dépôt de bilan devint inévitable. Période pénible.

 Un assureur avec qui j’avais sympathisé voulant m’aider me proposa un poste dans sa compagnie. Seulement je ne me sentis ni le goût ni l’énergie d’aller  tirer des sonnettes  le soir pour proposer des placements aux braves gens. Je refusai donc mais lui signalai connaître quelqu’un qui ferait son affaire. Il rencontra X., ils firent affaire ensemble.

Tout marcha très bien. X. se faisait de belles commissions, sa femme retrouva le sourire, le foyer renoua avec la prospérité. Jusqu’au jour où…

Même très vieux, même très gâteux, les gens n’en renoncent pas pour autant à mourir. C’est dommage mais c’est  ainsi. Et qui dit décès dit héritiers. Ces gens-là sont curieux et avides. Il s’en trouva donc qui, fouillant dans quelque coffre en vue de vérifier  si la réalité égalait leurs espérances, tombèrent sur de bien curieuses « valeurs ». Le pauvre X. n’avait pu y résister : au lieu de véritables bons anonymes, il était parvenu à refiler au défunt des spécimens de bons grossièrement falsifiés. Bien entendu, l’enquête qui suivit découvrit qu’il y avait d’autres victimes. La somme totale était relativement considérable. L’affaire fut logiquement étouffée  car une compagnie ayant pignon sur rue rechigne, allez savoir pourquoi, à révéler que ses commerciaux puissent être des escrocs.

Sa femme, qui n’avait jamais vu la couleur d’un kopek  détourné, jura pour la Nième fois que cette fois-ci était la dernière et la famille replongea.

Ce qui m’étonne, chez ce genre de personnages c’est qu’à moins d’être imbéciles, et ils ne le sont pas, ils devraient se douter qu’un jour ou l’autre leurs tristes magouilles seront éventées. Qu’est-ce qui peut bien, malgré cela, les pousser à se mettre dans la gueule du loup ? Si vous voyez une réponse, n’hésitez pas…

7 commentaires:

  1. J' ai pas tout compris, vous pouvez répéter la question.

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  2. Et qu'est-ce qui pousse certains à se jeter du haut d'une falaise équipés de petites ailes de papier ou à peu près ?

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  3. L'appel du fric, mon cher.
    Plus fort encore que celui de la forêt.

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  4. @ Grandpas : je me demandais simplement ce qui pouvait pousser certains à se lancer dans des plans qu'ils savent foireux d'avance.

    @ Mildred : La même illusion : tenter de voler malgré le peu de chances de succès.

    @ Carine : Probablement...

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  5. Pas bien sûr que ce soit l'appel du fric. Après tout la personne dont vous parlez semble avoir eu un comportement peu rationnel s'il s'agissait simplement de s'enrichir.
    Je pencherais plutôt pour l'appel de la forêt. Je veux dire un certain penchant morbide pour le frisson que procure le risque. Comme les joueurs compulsifs.
    Je crois d'ailleurs, de manière générale, que le motif de l'argent est largement surestimé et que derrière ce qui semble être l'appât du gain on trouve souvent d'autres choses. Ou en tout cas d'autres choses en conjonction avec l'appât du gain.
    Ceci dit il est toujours fascinant de voir à quel point des gens intelligents peuvent parfois se conduire comme des imbéciles.
    C'est compliqué un homme.

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  6. J'imagine que c'est une forme de dépendance non ?
    Mais pourquoi titrez-vous "les escrocs sont à la mode" ? Vous en connaissez beaucoup ?

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  7. @ Aristide : Tout bien pesé, forcément autre chose. Car il ne profitait pas ouvertement de ses gains. Sauf double vie et peut-être double personnalité...

    A l'opposé, la cousine d'une copine, qui travaillait aux impôts à un poste subalterne, faisait l'admiration de toute sa famille par la beauté et la taille de sa maison, sa piscine, ses belles vacances etc. Jusqu'au jour où elle fut arrêtée pour malversations. Ça paraît complètement absurde car on pourrait supposer que les finances surveillent leurs employés et que ces derniers s'en doutent quand même un peu.

    Nous côtoyons des abîmes insoupçonnés...

    @ fredi : A la mode parce que ces derniers temps on découvre de petits Madoff un peu partout.

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