samedi 1 octobre 2011

Que sont les chanteurs devenus ?



Je ne sais pas comment ça se passait chez vous, mais chez nous, bretons (de Paris), c'était comme ça : pour toute fête de famille, baptême, communion, fiançailles ou mariage, chacun venait avec sa (ses) petite (s) chanson (s).

C'était quasi-obligatoire. Ainsi mon parrain nous régalait de sa version expurgée (dans une famille chrétienne et décente, fallait quand même pas exagérer !) de "Méfiez-vous d'Anatole", mon oncle nous chantait "Ramona" en breton, une tante de ma mère nous chevrotait "Le fil cassé"de Théodore Botrel, tandis qu'une autre grand tante nous offrait les délices plus exotiques de "La samba brésilienne", avec chorégraphie, s'il vous plaît! Mes parents avaient chacun leur répertoire ET leurs duos dont "Kénavo" que reprit plus tard, de façon parodique, Jean-Pierre Marielle dans les inoubliables "Galettes de Pont Aven". C'était on ne peut plus adapté : Il se nommait Jean-François, elle, Yvonne et il avait été marin. Je tiens à signaler cependant que  ce qui se passe ensuite dans la vidéo en lien eût été déplacé dans le contexte d'une communion ou d'un mariage.

On finissait par les connaître par cœur. On reprenait les refrains en chœur. Leur principal mérite était d'être des plaisirs attendus. Leur absence aurait déçu. On les réclamait donc. "Roger, une chanson, Roger, une chanson !" scandait l'assemblée. Roger se faisait un peu prier... Et puis il cédait, se levait, tapait du couteau sur son verre pour établir le silence et poussait sa chansonnette. Rituellement, les applaudissements calmés, l'assemblée entonnait "Quand un chanteur a bien chanté, quand un chanteur a bien chanté, toutes les femmes, toutes les femmes, toutes les femmes doivent l'em-embra-asser ! "  C'était alors la ruée vers le chanteur et un festival de bises...

Parfois, un peu poussé par d'intenses libations, il faut bien le reconnaître, un franc-tireur à qui on ne demandait rien mais envahi d'une irrésistible envie de chanter, frappait son verre du couteau et se lançait. Je me souviendrai toujours de ce vague cousin à la mode de Bretagne qui lors des fiançailles de la fille d'amis de mes parents tenta en vain et à moult reprises d'entonner "Les fraises de Plougastel-Daoulas", chanson si triste que, les premiers vers chantés, il retombait avec une lourdeur d'ivrogne sur son siège, en sanglots. Mais, breton  têtu, quelques minutes plus tard, il se lançait dans une nouvelle tentative qui se terminait elle aussi dans les larmes... Je n'ai jamais connu la raison de ces pleurs.

Aujourd'hui, on ne chante plus. On boit peu. On fait appel à des animateurs pour éviter l'ennui. N'empêche, c'était émouvant, tous ces chanteurs et chanteuses... Ils ont disparu, emportant avec eux un lambeau de notre culture populaire française...

17 commentaires:

  1. Chez nous, c'était le grand-père maternel qui s'y collait. Il chantait Les Belles-mères pour réjouir l'assemblée, puis, pour moi seul, Le bon vin m'endort, l'amour me réveille

    RépondreSupprimer
  2. "Le bon vin m'endort",je me souviens que vous en aviez parlé, Didier. Mon père la chantait aussi... Je me rappelle, lors d'une fête qu'il organisa, m'être lancé, après libations,dans un discours enflammé autant que politiquement incorrect sur la tradition. J'y remerciai mon père de nous avoir offert un de ces moments qui font que nous sommes ce que nous sommes. Je fus très applaudi. Un vieux vint même me féliciter de dire ce qu'on n'osait plus dire tandis que mon frère aîné, de gauche, tirait une gueule réprobatrice du meilleur aloi.

    RépondreSupprimer
  3. Ah, oui, combien de ces vieux chants bretons entonnés au cours de grands banquets de mariage résonnent encore à nos oreilles !

    RépondreSupprimer
  4. Ben chez nous, on ne chantait pas, cela ne se faisait pas. Bouhhh que je suis triste de ne pas avoir connu cela !

    RépondreSupprimer
  5. Chez nous , il pleuvait après donc évitait de pousser la chansonnette.

    RépondreSupprimer
  6. Chieuvrou, vous m'avez tendu un piège, mais comment y serais-je tombé, moi qui ai vécu 8 ans en Touraine ? En fait de breton, c'est du vieux tourangeau vos chansons !

    Corto, je comprend et partage votre tristesse...

    Grandpas, chez nous, qu'on chante ou pas, il pleut. Alors pourquoi se priver ?

    RépondreSupprimer
  7. C'était en janvier
    La noce à Aimé
    On jouait du violon et d'l'accordéon....

    RépondreSupprimer
  8. Jacques Etienne,

    Voudrez pas être rabat-joie mais dans le Pas de Calais, la pluie est une seconde nature mais quand quand on chantait c'était pire.

    A propos de chanson

    http://www.youtube.com/watch?v=FZWDferfw3I

    Celle ci me fait penser à mon père et en plus interprétée par une chorale de mon lieu de naissance.

    RépondreSupprimer
  9. Puisque vous êtes désormais bas-normand,voici l'hymne du cotentin,toujours repris en choeur lors de réunions.
    http://youtu.be/Ie-IQb96grY

    RépondreSupprimer
  10. Chez nous, c'était les chants du Nord-Pas de Calais :

    sur les bords de la Tamiseuhhhh, un beau soir d'é-téééééé
    un Anglais en bars d'cheumiseuhhhh
    se mit t'à chanterrrrrrrrrr
    tibidibidi tibidibidi tibidibidaaaaaa

    et puis, bien sûr l'immortel métingue du Métropolitain.

    RépondreSupprimer
  11. "en bras" d'chemise.
    Voilà que j'écris comme XP…

    RépondreSupprimer
  12. Ah Carine, ne dites pas de mal de mon ami XP. C'est un jeune plein de promesses. Ses progrès sont constants. D'un autre côté, pourquoi n'attend-il pas d'avoir encore un peu progressé avant d'intervenir ?

    RépondreSupprimer
  13. Tiens, voilà un billet qui me fait penser au livre "Les années", d'Annie Erneaux. L'avez-vous lu ? Partant de quelques photographies, elle raconte sa vie. On y retrouve les repas de famille qui s'éternisent, l'oncle qui pousse sa chansonnette... Au dernier repas de baptême de mes voisins, les jeunes adultes et les enfants se pressaient par petits groupes pour regarder des vidéos ou des clips rigolos sur leurs portables. On a bien essayé de faire chanter "à la claire fontaine" à un petit, mais aucun enfant de moins de dix ans, sur la quinzaine de présents, ne connaissait cette chanson. L'air rappelait vaguement quelque chose à ceux qui avaient vu le film "les choristes", mais les paroles grivoises qui l'accompagnaient (dans le film, la chanson est détournée) ont fait tousser mémé Annette qui a entonné "la vie en rose" sans aucun succès ni rappel.

    RépondreSupprimer
  14. Suzanne,
    je ne connais pas ce livre. Je prends note et je regarderai à la médiathèque du bourg voisin.

    Eh oui, ces traditions meurent et c'est ennuyeux. Ma génération disposait de tout un répertoire de chansons, de poèmes, de tirades du Cid ou de Phèdre qui formaient un socle culturel commun et traditionnel. Sous prétexte de je ne sais quel non-conformisme, maintenant les enseignants font dans l'"original" et les jeunes vont trouver sur le net la culture qu'ils partagent mais qui les sépare des générations d'avant... C'est comme ça. Et puis il faut être divers... Maintenir un socle commun serait exclure. N'empêche que ça ne facilite pas l'assimilation...

    RépondreSupprimer
  15. Chez nous, on chante encore:
    https://www.youtube.com/watch?v=xWHZw1PbND4
    https://www.youtube.com/watch?v=_6Dpk4Za3rk
    https://www.youtube.com/watch?v=SrPYDfialsE

    RépondreSupprimer
  16. Je ne parlais que de chanteurs de noces et banquets. Les vôtres sont trop bons !

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.