..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mercredi 9 juin 2021

Le trousseau

 

Il y a quelques jours, j’ai regardé le film « L’entourloupe » avec Jacques Dutronc, Gérard Lanvin et surtout le génial Jean-Pierre Marielle dont le numéro de camelot baratineur justifie à lui seul la vision de ce film. Marielle y encadre une équipe de bras-cassés qui, dans le marais poitevin, tente de vendre à de pauvres paysans des encyclopédies médicales de luxe dont ils n’ont pas plus l’utilité que les moyens de les payer.

Cela m’a fait me souvenir d’un curieux épisodes de ma vie commerciale. Un jour un individu demanda à me voir. Je le reçus dans mon bureau et il me demanda si je faisais le trousseau. Je ne saisis pas bien où il voulait en venir. Il m’expliqua qu’il s’agissait d’un colis de linge de maison que la jeune mariée était censée apporter au ménage lors de son mariage. J’avais bien entendu parler de cette coutume mais nous étions au milieu des années quatre-vingts et je pensais qu’elle avait depuis belle lurette disparu. Il m’expliqua qu’il n’en était rien dans le fin fond des campagnes berrichonnes et que si je pouvais lui en fournir de beaux, il me les achèterais. Je lui assurai que lors de mon prochain voyage à Paris, je tenterais de trouver son bonheur. Rendez-vous pris après mon retour, je me rendis donc rue Sedaine, dans le XIe, Mecque du linge de maison.

Sans trop y croire, j’exposais à X (je ne me souviens plus de son nom), le vendeur de mon principal fournisseur, la curieuse requête qui m’avait été faite. Loin d’en être surpris, il me répondit qu’il n’y avait pas de problème, qu’il allait me préparer ça. Il se mit donc à rassembler divers articles (couvertures, draps, nappes, serviettes de bain et de table, gants de toilette, etc) susceptibles de répondre aux besoins en linge de maison d’un foyer. Seulement, ils constituaient un ensemble totalement hétéroclite par la couleur, la nature des tissus. Un bel ensemble d’articles dépareillés dont je n’aurais voulu d’aucun chez moi.


- Tu es sûr que ça peut convenir, lui demandais-je ?

- Pas de problème, il va être content ton gars !

- Et à combien tu me le fais ?

- Cinq-cents Francs.

- Et je le lui vends à combien ?

- 1000.

- Tu crois qu’il va accepter ce prix ?

- Bien sûr, il va le faire péter à 2 ou 3000. Bon, il faut que j’emballe tout ça. Se servant d’un fort papier kraft (on faisait décidément dans le luxe le plus effréné) il confectionna un volumineux colis qu’il ficela avant de m’expliquer qu’il fallait nouer la ficelle de telle façon qu’en tirant dessus cela permettait que se répandît sur la table de ferme, un flot de linge propre, par sa magnificence, à lever les dernières hésitations du potentiel client.

Je chargeai ledit colis et mes autre achats dans le camion et retournai à Châteauroux, toujours aussi sceptique quand au succès de cette transaction. Au jour et à l’heure dite mon client se présenta, parut pleinement satisfait et me régla les 1000 Francs rubis sur l’ongle. Quelques jours plus tard, je le vis revenir. J’étais un peu inquiet comme le jour où après avoir vendu un bon prix quelques centaines de paires de chaussures que je n’arrivais pas à vendre à un manouche, je vis son camion arriver sur le parking. Craignant qu’il ne vienne au renaud (m’exprimer vertement ses désillusions) je n’en menais pas large. Il n’en était rien. Enchanté de son lot, il était venu m’acheter le reste de mon stock.

Mon trousseautier était dans le même état d’esprit. Il me demanda de lui ramener au plus tôt 3 trousseaux. Ensuite, je ne le vis plus. Je suppose que le succès lui ayant donné des ailes, il avait décidé de se passer de mon intermédiaire…

Cela confirme que, si bien des espèces d’oiseaux se raréfient, le pigeon, quant à lui, ne risque pas de disparaître.


lundi 7 juin 2021

Le fraisier, un végétal de compagnie méritant

Le cadeau que mes fraisiers m'ont offert ce matin : presque une livre de succulentes fraises !

Il m’est souvent arrivé de recommander ici tel ou tel NAC (Nouvel Animal de Compagnie). Je n’ai aucune idée du nombre de familles, de couples ou de personnes seules qui ont pu, grâce à mes conseils, voir leur foyer égayé par la présence , entre autres, d’un lycaon, d’un capybara, d’un lombric ou d’une hyène, mais je dois avouer que me semble venu le temps d’élargir aux végétaux les sources de compagnie pour une humanité en besoin d’affection.

Cette évolution, je la dois à M. Aymeric Caron, qui avec MM. Mélenchon, Mamère, Plenel et, à un moindre degré, Joffrin, est de ces homme qui accompagnent le difficile cheminement des Français vers la lumière. Végan, antispéciste, ses paroles alimentent ma réflexion. Car en fait, de quel droit excipons-nous pour asservir nos frères animaux ? La question, sans que j’aie encore pu y trouver une réponse, me taraude. J’en suis à me dire que sans totalement exclure la compagnie animale, nous pourrions accorder une place plus importante à celle des végétaux.

Parmi les espèces végétales les plus sympathiques, le fraisier et son pseudo-fruit la fraise me paraît tenir une place de choix. Depuis des millénaires l’homme aime la fraise qui le lui rend bien. Très longtemps, en Europe, il lui fallut se contenter de fraises des bois dont le goût délicieux ne parvenait pas à faire oublier la taille réduite. On essaya bien des sélections et des croisements mais sans résultats probants. Il fallut attendre ce jour béni que fut le 17 août 1714 pour qu’un ingénieur français, un certain Amédée-François Frézier (cliquez sur le lien si vous croyez que je délire) de retour à Marseille ramenât du Chili une fraise blanche qu’y cultivaient les Indiens. Croisée avec une fraise d’Amérique du Nord, elle donna ensuite naissance à notre fraisier cultivé. Quelle aventure !

Aimée de tous, sa culture ne demande que peu de soins. Elle produit, grâce à ses stolons, de nouveaux pieds. Quand vient le joli mois de mars, les plants se couvrent de fleurs qui, plus ou moins rapidement selon le temps qu’il fait, deviendront de délicieux fruits. Peu de soins, des pieds qui se multiplient, une grande générosité fruitière, si au compare le fraisier, par exemple, au chat, au chien, au canari ou au poisson rouge il n’y a pas photo ! De plus, le fraisier est paisible et ne saurait vous nuire. Si coqs, grenouilles, vaches, cloches, tronçonneuses provoquent parfois l’ire des néo-ruraux, on n’en a jamais entendu un seul se plaindre du voisinage d’un champs de fraises.

J’espère vous avoir convaincu d’en adopter.

Pour finir, une anecdote linguistique concernant l’expression « ramener sa fraise ». Contrairement aux idées reçues, la fraise dont je vous parlais n’a rien à voir là dedans. Pas plus que celle du dentiste ou du tourneur-fraiseur. En fait, on trouve son origine dans les Mémoires de Maximilien de Béthune, duc de Sully. Le grand ministre, compagnon d’armes du futur Henri IV, recueillit une confidence de ce dernier du temps qu’il était l’époux de Marguerite de France. Je cite : « Elle nous les casse, la belle doche à toujours ramener sa fraise* » signifiant que sa belle mère, Catherine de Médicis, célèbre pour les fraises qui ornaient son cou, l’agaçait en étant toujours fourrée dans ses pattes. La mode des fraises a passé, l’expression est restée. Ainsi quand un importun intervient de manière inepte dans une conversation continue-t-on de le prier de ne point ramener sa fraise.


* Notez au passage que, bien que Béarnais de naissance, le bon roi Henri entravait et jaspinait parfaitement l’argomuche parigot. 

samedi 5 juin 2021

Un sentiment de bonheur

 

Les Français sont d’incorrigibles sentimentaux. Toutes sortes de sentiments les agitent : sentiment d’insécurité, sentiment d’être envahis, sentiment d’être pris pour des cons, sentiments de ne pas être aussi enrichis qu’on veut leur faire accroire, sentiment que M. Macron n’est pas parfait, etc.

En tant que Français, je ne saurais déroger à la règle et je partage les sentiments sus-mentionnés à part peut-être celui d’insécurité vu que j’ai choisi de vivre dans des endroits paisibles. Mais depuis ce matin, encore plus que d’ordinaire, j’ai le rare sentiment d’être pleinement heureux.

Il faut dire que j’ai d’excellentes raisons pour cela. Alors que je me rendais au magasin de la coopérative pour y faire l’emplette de dahlias, le ciel était bien bleu, le soleil brillait. Ma petite ville normande me parut, et elle l’est, pimpante, propre, fleurie. Un endroit où il fait bon vivre. N’est-ce pas une raison de se sentir heureux ? Et s’il n’y avait que ça…

Les Anglais ont une expression que je mets en pratique : « Count your blessings »que l’on pourrait traduire par « Comptez vos bénédictions » et qui pour moi est l’exact opposé de « Ressassez vos malheurs » maxime trop souvent mise en pratique.

Arrivé à l’automne de ma vie, ma principale source de contentement est de n’avoir aucun regret. J’ai pourtant connu de mauvaises passes mais elles me furent utiles. Comment apprécier le printemps quand on n’a pas connu les rigueurs de l’hiver ? Un peu de soleil quand, comme le disait si bien Brassens, on vit dans « des pays imbéciles où jamais il ne pleut, ou l’on ne sait rien du tonnerre » ? Ça n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, et tant mieux ! Je n’en apprécie que davantage ma sérénité actuelle.

Si on met à part les petits ennuis de santé qui de temps à autre m’ont amené à faire un tour à l’hôpital sans pour autant perturber mon équanimité, j’ai vraiment tout pour être heureux : je bénéficie de revenus qui sans être importants me suffisent, je vis dans un endroit qui me plaît, ma maison est spacieuse et agréable, sauf accident ma forme est plutôt bonne, je sais m’occuper de façon à éviter ce que cet incorrigible boute-en-train de Baudelaire nommait « les longs ennuis », si je vis en solitaire, j’ignore les affres de la solitude. Que rêver de mieux ?

Pour certains, les éléments constitutifs de ce bonheur seraient autant de sources de plaintes. Ils ne supporteraient pas de voir leur santé décliner, auraient l’impression de vivre dans le trou-du-cul du Monde, leur maison serait trop petite (ou trop grande), leurs moyens trop restreints, ils s’ennuieraient comme des rats morts, rechercheraient de la compagnie à tout prix.

N’étant pas un ravi de la crèche, je sais qu’il est possible que les choses se gâtent, que d’insupportables souffrances ou infirmités viennent m’affliger, que des deuils m’accablent. Qu’importe ? J’aurai connu de bons moments. J’aurai su les apprécier. Ce qui est pris n’est plus à prendre…

Pour illustrer mon propos, une vue de mon modeste coin de paradis :


Demain soir, en sirotant du whisky, je compte bien y faire cuire du travers de porc et des tomates sur le barbecue puis m’en régaler arrosé d’un rosé de Corse tout en profitant du serein. Et ça m’suffira.

vendredi 4 juin 2021

Une si longue absence...

 

Presque un mois s’est écoulé depuis mon dernier article. Délai inégalé depuis la création de ce blog, il y aura bientôt dix ans. Comment expliquer cela ? Les raisons en sont multiples. Bien sûr, la lassitude qui fait que ma blogroll ressemble de plus en plus à un cimetière et que depuis une assez jolie lurette le rythme de publication des survivants s’est bougrement ralenti y a sa part. Une perte totale d’intérêt pour ce qui est censé constituer l’actualité n’y est pas non plus étrangère, Toutefois, la raison principale de mon silence est tout autre.

Ce qui a motivé mon absence est une nouvelle crise de bricolite aiguë. Les mois d’avril et de mai se sont avérés climatiquement déplorables, vous l’aurez probablement noté. Alors que pour moi l’arrivée du printemps est synonyme de jardinage, la froidure ou les pluies m’ôtèrent toute envie de renouer avec cette tradition. Plutôt que de me résigner à une coupable oisiveté laquelle est comme chacun sait mère non seulement de tous les vices mais aussi de cette calamité qu’est l’ennui, j’ai donc décidé de mener à son terme la rénovation de ma maison commencée trois ans auparavant. Ne restaient plus à rafraîchir que deux pièces d’eau à savoir les toilettes du rez-de-chaussée et la salle de douche contiguë. Comme à mon ordinaire je m’attelai donc à cette tâche avec l’optimisme habituel qui me fait grandement sous-estimer les difficultés et les délais de mes entreprises.

Nous étions à la mi-avril. Voulant commencer par remplacer le mitigeur du lavabo de la salle de douche, je m’aperçus que cela était impossible sans déplacer la cabine du même nom. Ce faisant, je découvris pourquoi l’écoulement de l’eau d’icelle était défectueux : mon prédécesseur, bricoleur sans talent, avait installé l’évacuation maladroitement, si bien qu’en mettant la cabine en place il en avait écrabouillé le flexible. Y remédier fut aisé. Profitant du déplacement de la cabine, je réalisai qu’en perçant le mur il me serait possible d’installer à partir de l’alimentation en eau froide de la douche une conduite d’eau menant à l’extérieur vers un robinet permettant d’arroser mon jardin. Ce que je fis. Quand le meuble du lavabo et la cabine furent remis en place, j’eus la désagréable surprise de constater que cette dernière fuyait de partout : ses joints en silicone avaient rendu l’âme suite au déplacement. Résoudre ce problème ne fut possible qu’après de multiples tentatives. Le changement du lavabo des toilettes et de son mitigeur fut également l’occasion de nombreux problèmes de plomberie.

Ces questions résolues, je pus terminer mon chantier. Changer le papier peint , installer des lambris en PVC pour masquer les affreux carrelages muraux, remplacer goulottes, interrupteurs et prises, recouvrir le sol de lino et poser des plinthes ne présenta pas de problèmes majeurs. Et voici le résultat :



Les frimas s’étant calmés, je vais donc pouvoir jardiner, activité moins prenante...

Dernière minute : J’ai décidé de rouvrir les commentaires.

lundi 10 mai 2021

Dies irae !

 

La vision d'une telle image peut choquer les personnes sensibles et sensées

Il y a quarante ans de cela, j’avais encore quelques heures d’espoir devant moi. Quand l’heure fatidique sonna et qu’un crâne déplumé commença d’apparaître à l’écran il ne me resta plus que quelques secondes d’illusion avant que la lugubre nouvelle ne tombât : M. Mitterrand était élu.

Ce fut pour moi un choc. J’eus du mal à y croire. Ce n’était après tout qu’une estimation, tous les bulletins n’avaient pas encore été comptés. Comme un naufragé accroché à une planche dérisoire, j’espérais encore un improbable retournement de la situation. Il ne vint pas.

Cinq semaines d’espoirs suivirent : le 14 juin, les Français allaient rectifier le tir, réparer leur erreur, recouvrer la raison. Il n’en fut rien. Le sursaut de participation du second tour ne servit qu’à confirmer et amplifier la catastrophe. Au moins cinq années durant la France allait être dirigée par un vieux cheval de retour de la quatrième, un politicien arriviste, à qui seule son appartenance à un groupe charnière avait permis à de multiples reprises de se pavaner sous les lambris dorés de la République suite à des « combinazione » politiques.

Pour moi, l’année 81 fut un tournant amorcé quelques semaines avant ce jour de colère. Avec mon épouse, nous avions décidé de nous lancer sur les marchés. Enseignant alors dans un collège rural aux confins de la Touraine, je m’y sentais aussi à l’aise qu’une grenouille au cœur du Sahara. Je voulais faire de ma vie autre chose que cette lente décrépitude qu’entraîne le statut de fonctionnaire. On y est certes protégé des aléas qu’entraîne une prise en main de son destin mais au prix d’une lente sclérose. J’avais trente ans. Depuis longtemps déjà, suite à un mouvement syndical qui m’avait fait réaliser que derrière des idées supposées généreuses ne se cachaient que de misérables revendications corporatistes, j’avais tourné le dos à ces quelques années durant lesquelles les sirènes de la gauche m’avaient attiré. Le temps de l’adulescence, au moins en matière politique, était pour moi, à la différence d’autres qui s’y maintiennent jusqu’à ce qu’une mort de vieillesse ne les en sépare, terminé.

Un an plus tard, je quittai l’Éducation Nationale pour huit ans d’aventures que j’ai narrées ici. Si j’avais le goût des regrets, le seul que j’aurais serait de m’être trouvé, faute de choix et poussé par la nécessité, contraint de retourner à l’enseignement d’abord en Angleterre puis dans le privé en France.

Je ne me lancerai pas dans l’établissement d’une liste exhaustive de mes griefs vis-à-vis de celui qu’il est aujourd’hui de bon ton de considérer comme un GRAND président. Je ne vois en lui qu’un habille magouilleur qui de reniements en changements de caps et en tripatouillages divers est parvenu, bien que les urnes l’aient par deux fois désavoué, à se maintenir coûte que coûte à un poste qui, après lui, a été occupé par trop de politiciens et aucun homme d’État digne de ce nom. A mes yeux, il n’a fait que s’inscrire dans la droite ligne du processus de décomposition amorcé par M. Giscard d’Estaing, pour lequel et par défaut j’avais voté en ce jour de colère.

Quarante ans plus tard, je suppose que les media vont nous abreuver de dithyrambiques éloges du « Grand homme », on lui attribuera toutes les vertus de la Terre et probablement d’autres venues du Ciel. Je ne les écouterai pas. Si ma colère s’est apaisée, Il n’en demeure pas moins qu’au contraire de M. Lang pour qui, en ce jour de mai 1981, on serait passé de la nuit à la lumière, je n’y ai vu que quelques lueurs d’espoir disparaître.