Une grande erreur en vogue actuellement
est que l'enseignant devrait être aimé de ses élèves. En fait, il
n'est pas payé pour compenser leurs manques affectifs mais pour leur
apprendre quelque chose. Si en plus ils l'apprécient, c'est la
cerise sur le gâteau. A la différence de M. Macron, je n'ai jamais
senti d'affection particulière pour aucun de mes enseignants. J'irai
même jusqu'à dire que certains m'inspiraient plus de crainte que
d'enthousiasme. Seulement, ils ont tous fait leur devoir, m'ont
appris à lire, à écrire, à compter ainsi que bien d'autres choses
ce qui m'a permis de ne pas demeurer trop ignare. De cela je les
remercie.
Une chose qui a très mauvaise presse
est la punition collective. Cette aversion est compréhensible dans
le cas où les manquements sont le fait d'une minorité identifiable.
Mais quand il s'agit d'un chahut général organisé comme j'en ai
vus ou plutôt entendus, une sanction générale s'impose. On
transgresse ensemble, on paie ensemble. Seulement, les parents, qui,
comme je le disais plus haut ont tous des enfants irréprochables,
s'y opposent. Ce serait injuste. Il est certain qu'il est plus facile
de blâmer de ce genre de désordres quelques brebis galeuses que
d'admettre qu'un ange puisse se laisser entraîner à de coupables
errements. On veut de la discipline, mais pour les autres. Et comme
on est toujours l'autre d'un autre on finit par refuser toute
sanction au nom de la justice.
Le recrutement des professeurs me
laisse pantois. Je ne saisis pas bien pourquoi il faudrait qu'on ait
un bac plus cinq pour se retrouver face à des enfants de trois ans à
12 ans. Mes instituteurs avaient dans le meilleur des cas le
baccalauréat. Il me semble qu'ils parvenaient à des résultats au
moins équivalents à ceux d'aujourd'hui. De même (en admettant que
le niveau des études supérieures le permette) je ne vois pas à
quoi pourrait servir la capacité d'un prof à sortir des jeux de
mots hilarants en grec ancien ou de corriger avec élégance
certaines lourdeurs de style de Virgile ou de César face à un
public lycéen qui ne l'écouterait pas et qui, s'il l'écoutait, ne
comprendrait rien à ses dire. Le recrutement des enseignants devrait
être modulé en fonction des publics auxquels on les destine.Dans
certains endroits, des anciens sergents de la coloniale(si ça
existait encore) seraient mieux adaptés au public que des jeunes
agrégés en attente de mutation.
Si l'école n'est pas nécessairement
un lieu d'amour comme je l'évoquais plus haut, elle n'est pas plus ,
au niveau primaire, celui où l'on pallie les inégalités
socio-culturelles. Ce n'est pas par quelques heures d'apprentissages
« culturels » qu'on amènera un enfant de milieu
culturellement très défavorisé à atteindre le niveau de
connaissances générales d'un autre issu d'un milieu cultivé. Ce
qu'il faut lui offrir, ce sont les clés qui lui permettront, si tel
est son bon vouloir, de se cultiver, à savoir la lecture, l'écriture
et le calcul. Si ces bases ne sont pas établies, tout le reste est
une perte de temps. Tous les soi-disant « éveils » ne
servent à rien, surtout que vu le bruit qu'ils produisent, on peut
douter que les élèves soient endormis.
Les problèmes de discipline sont
souvent attribués au manque d'autorité des enseignants. Il faudrait
être un peu sérieux vu que qui dit enseignement de masse dit
recrutement de masse des enseignants. Or comment peut on espérer
trouver des centaines de milliers de professeurs dotés d'un
charisme, d'une volonté et d'une énergie extraordinaires et tout
cela pour un salaire bien bas ? Il serait utile que
l'institution endosse sa part de responsabilité ne serait-ce qu'en
améliorant l'efficacité des méthodes pédagogiques qu'elle prône
et en apportant davantage de soutien à ses membres. Mais il est plus
confortable pour un stratège de rendre ses soldats responsables de
ses défaites que de confesser ses erreurs.
En résumé, il me semble que l'on ne
réformera efficacement l'école qu'une fois qu'on aura, par des
méthodes musclées et par une lutte impitoyable contre les folies
idéologiques régnantes, rétabli un certain ordre dans la société.
L'enseignement ne peut atteindre ses buts que dans la discipline, la
rigueur et l'adaptation de ses contenus et de ses personnels aux
publics concernés. Influencés par des media et des politiques soit
imbéciles soit cyniques, la majorité ne me semble pas prête à
accepter ces évidences. Le sera-t-elle un jour ? Ce serait
indispensable si l'on veut éviter que notre civilisation ne
disparaisse.