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mercredi 1 juillet 2015

Parlons des vrais problèmes



Comme moi vous vous foutez de la soi-disant dette grecque, du pullulement des vipères sur les plages tunisiennes (dont on transforme les mordus en victimes d’attentats afin de rassurer les touristes), des conflits entre employés et patrons en Isère et de toutes les billevesées qu’on tente de nous faire passer pour de l’information. Vous avez bien raison. Il faut savoir éviter de se disperser et se concentrer sur ce qui compte vraiment.

Ainsi, suis-je confronté à un véritable problème : la tondeuse que j’ai commandée voici quelques jours chez le premier site de e-commerce de France, malgré la promesse solennelle que m’avait faite M. Cdiscount, ne m’est-elle pas parvenue alors que la date limite de sa livraison échoit aujourd’hui. C’est d’autant plus inquiétant que voici deux jours déjà m’avait, par e-mail, été annoncée sa remise au transporteur, la prochaine étape devant être son acheminement. Or, depuis rien. Pas plus d’acheminement que d’intérêt dans une déclaration de M. Hollande !

Que fait le transporteur ?  Séduit par la beauté et l’efficience de la machine, aurait-il, ivre de concupiscence, décidé de se l’approprier au mépris des droits les plus élémentaires de l’honnête consommateur ?  Victime lui-même d’une irréparable panne de tondeuse aurait-il décidé d’emprunter la mienne jusqu’à ce que lui en parvienne une autre qu’il m’expédierait ?  La canicule régnant actuellement sur l’Aquitaine aurait-elle envoyé ad patres l’ensemble du personnel de l’entreprise de transport ?

Il existe une autre explication plausible à ce malheureux contretemps : il se pourrait que, scrupuleux et devinant mon peu de goût pour la procrastination, le transporteur se soit dit qu’en temps de canicule, m’envoyer une tondeuse que je ne manquerais pas d’utiliser sans délai pourrait, vu mon âge avancé, s’avérer fatal et donc qu’il attende que les températures descendent afin de ne pas risquer d’avoir mon trépas sur la conscience. Ce serait la marque d’un esprit prudent et empathique. Mais si tel est le cas, n’aurait-il pas pu me faire part de ses scrupules ? Ne réalise-t-il pas que l’angoisse que crée en moi ce retard peut être aussi préjudiciable à ma santé que le seraient des efforts fournis sous le cagnard ?

Je me perds en conjectures…

Dernière minute : Alors que je m’apprêtais à publier, j’aperçois sur la page du suivi commande que mon colis serait à ma disposition au point de retrait. Je prie les âmes sensibles que ma détresse aurait pu alarmer de bien vouloir m’excuser d’avoir inutilement causé leur émoi. La vie reprend des couleurs, je renoue avec l’espoir : je n’ai été que la victime d’une plaisanterie bien excusable d’un transporteur facétieux ! Alléluia et tout ça !

dimanche 28 juin 2015

Un homme normal !



Nous avons un président normal, des criminels et des terroristes normaux. En quoi consiste cette normalité ? Il semblerait qu’elle réside dans le fait qu’il est impossible de déterminer la véritable nature présidentielle, criminelle ou terroriste des personnes concernées. Ainsi tout Français revenant d’un long séjour sur Mars serait fortement surpris d’apprendre qu’un petit homme replet au look de sous-chef de bureau des années soixante et au charisme d’huître soit devenu président. De même les voisins du tueur sanguinaire sont-ils surpris d’apprendre ses méfaits.

Quelque part cela repose sur la croyance naïve que, normalement, des signes physiques ou comportementaux devraient prévenir l’entourage des tendances présidentielles ou meurtrières des individus en question. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, le patron de M. Sahli eût-il peut-être rechigné à l’embaucher s’il avait montré les signes indiscutables d’une tendance à la décapitation des gérants de sociétés. De même, les victimes de MM. Landru et Petiot auraient-elles été plus prudentes si tout en eux avait annoncé le tueur en série.

La nature est mal faite. Elle ne prévient pas toujours. Même les fins limiers chargés de surveiller de potentiels terroriste se laissent berner par les apparences : ils prennent pour un retour à la normale après un court moment d’égarement fanatique la fourbe attitude des islamistes qu’ils cessent de pister. Peut-on leur en vouloir ? Pas vraiment, vu qu’ils ne sont qu’humains et se fient aux apparences comme tout un chacun.

Je m’étonne cependant des étonnements dont on nous rebat les oreilles à chaque nouveau drame. On pourrait s’attendre à ce qu’avec le temps et l’expérience les gens aient compris que les apparences peuvent être trompeuses et que rien ne dit que leur voisin, employé de bureau modèle, ne se mettra pas un jour à assassiner à coups de lime à ongles tous les membres du service de comptabilité analytique de l’entreprise où il travaille.

D’un autre côté, il faut bien reconnaître que d’un point de vue journalistique, le voisin étonné est une ressource inépuisable apte à meubler les antennes.

Curieusement et malgré le permanent rappel du côté insoupçonnable de la nature assassine, les gens ne se mettent pas pour autant à dénoncer à tout hasard aux forces de l’ordre tout voisin dont le comportement par trop normal les inquiète. C’est peut-être mieux ainsi.

vendredi 26 juin 2015

Métaphore



Admettons que, suite à une série d’accidents et de malentendus, je me sois retrouvé embauché pour cinq ans comme danseuse étoile à l’Opéra Garnier. Bien entendu, vus mon sexe, ma morphologie, mon manque de souplesse et de grâce ainsi que ma totale incompétence chorégraphique alliée à un piètre désir de m’améliorer, la moindre de mes apparitions aurait provoqué un tollé.

Hué, appelé sans cesse à la démission, seulement soutenu par des aveugles ou des masculinistes fanatiques pour lesquels n’importe quel homme vaut mieux qu’une danseuse, je crois que j’aurais démissionné pour me consacrer à des activités plus en rapport avec mes aptitudes.

En admettant que la nécessité d’assurer la matérielle m’ait contraint à aller jusqu’au bout de mon contrat, je n’aurais certainement pas envisagé d’en solliciter un nouveau.

C’est pourquoi j’ai du mal à comprendre M. Hollande.

jeudi 25 juin 2015

Petit commerce



« Vous tuez le commerce de proximité ! » c’est ainsi que le bon garagiste réagit lorsque je lui annonçai que j’avais fait affaire sur Internet et que je ne prenais pas sa magnifique tondeuse pour cause de prix bien trop élevé par rapport à des articles similaires vendus en ligne.

Il est vrai que toutes ces vitrines abandonnées déparent les rues de nos villages. Je suis le premier à le regretter. Cependant, s’il n’y avait que des acheteurs de mon genre, leur nombre grossirait encore. Car je dois l’avouer à ma courte honte : je suis atteint de bouticophobie. Entrer dans le moindre petit commerce, quand il ne s’agit pas d’un salon de coiffure ou d’un garage,  m’est une épreuve. En revanche,  je me sens à l’aise dans la grande distribution où personne ne vient m’agresser, où l’on me laisserait, si tel était mon bon plaisir (mais il l’est rarement, contempler les biens que je guigne tout mon soûl sans qu’on vienne me proposer de l’aide ou des renseignements que, n’étant ni aveugle ni illettré, je suis capable de lire sur les étiquettes informatives. Pour ce qui est du bricolage, quand le doute me taraude, je me mets à la recherche d’un vendeur qui se fait un devoir de m’offrir les précisions requises. Sinon, j’adore la paix royale qu’offre le self-service.

On m’objectera que le petit commerce crée du lien social. Mouais. Personnellement, les échanges sur le temps qu’il fait ne sont pas indispensables à mon intégration. De plus, certaines manies petites-commerçantes m’agacent au plus haut point. Le « Et avec ça, ça sera ? » de la boulangère ou de la charcutière après que je leur ai demandé une baguette ou deux tranches de jambon m’irrite. Qu’attendent-elles ? Que me revienne soudain à l’esprit qu’en plus de ces menus achats j’avais un besoin irrépressible de 457 pains au chocolat, de 34 pains de quatre livres, de 95 babas au rhum, de 64 croissants, de 40 kilos de levure ou encore de 20 mètres de boudin, de trois tonnes de lard maigre, d’un demi-porc, de 45 kilos de pâté, de 36 000 andouilles (ce qui expliquerait au passage la présence du poids lourd réfrigéré de location que j’aurais garé devant la boutique) ?

L’e-commerce, présente en plus d’éviter d’oiseuses bavasseries au bavard impénitent que je suis les considérables avantages de ne pas m’astreindre à observer les horaires d’ouverture et de n’avoir pas à me déplacer vers de grandes surfaces spécialisées situées en périphérie des villes (j’ai en sainte horreur tout ce qui ressemble à un environnement urbain).

Il est vrai qu’ainsi je tue le commerce de proximité mais, vu l’usage que j’en ai, il me faudrait être bien hypocrite pour prétendre pleurer sa disparition. Tout le mal que je lui souhaite c’est que demeure un nombre suffisant d’amateurs de « lien social », de discuteurs-de-bout-de-gras-avec-la-charcutière et de clients avides de conseils et de sourires commerciaux pour qu’il se maintienne.

mardi 23 juin 2015

Le mois des pannes



Ces trente derniers jours, les pannes diverses me poursuivent. Ça a commencé par les deux voitures. L'une refusa de démarrer, l’autre se mit à se vider de son liquide de refroidissement occasionnant chacune de coûteuses réparations et cela au cours du même week-end. Après trois semaines d’accalmie, les pannes sont revenues. Ça a commencé par le lave-vaisselle qui a rendu l’âme. Dire que ce fut une réelle surprise serait exagéré vu que ces derniers temps ses cycles devenaient aussi interminables que moyennement efficaces. Deux jours plus  tard j’eus la surprise de voir le four microondes se mettre à dégager des éclairs rappelant l’allumage d’un néon fautif, laisser des bruits étranges s’échapper avant que de petites flammes n’apparaissent à l’intérieur. Je crus préférable de le débrancher. Enfin, vendredi dernier, tandis que je tondais la pelouse impassible, je ne me sentis plus hâlé par la tondeuse, le système de traction déclarant forfait. Je l’emportai chez le mécanicien qui diagnostiqua une rupture de courroie et me dit qu’il m’appellerait pour me donner des nouvelles de la malade. N’en recevant point, ce matin, inquiet, je décidai de prendre le taureau par les cornes et téléphonai au garage. Il me fut répondu que le mieux serait que je passe. Mon inquiétude grandit et je me précipitai à son chevet. Le diagnostic fut sans appel : non seulement elle ne tracterait plus mais tant de ses pièces étaient en si piètre état que la réparer équivaudrait à en acheter une neuve (que le bon mécano s’empressa d’essayer de me fourguer).

Serais-je maudit ?  Ces défaillances ne seraient-elles que les cinq premières d’une interminable série ? Devrais-je m’attendre à voir le congélateur exploser, les téléviseurs fondre inopinément, les voitures disparaître dans un incendie spontané entraînant accessoirement la destruction du garage, mon ordinateur perdre la mémoire, le réfrigérateur cuire les aliments que je lui confie, le four à chaleur tournante répandre un air glacial dans la cuisine, etc ? Quand je pense au nombre de machines et d’appareils divers susceptibles de me jouer des tours et de m’occasionner de couteux autant qu’indispensables remplacements, j’en frémis.