..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

mardi 24 septembre 2013

Gay-Pride de Saint-Marcelin: Un succès mitigé (1)

A la demande générale (4 commentateurs ayant exprimé leur enthousiasme), je continue la publication de mes Chroniques de Saint-Marcelin. Vu qu'il ne se passe rien de bien intéressant dans notre beau pays, si ce n'est qu'on y voit la popularité de notre bon président atteindre des niveaux inouïs et les Français hésiter sur la manière de lui exprimer leur reconnaissance, je ne vois pas trop de quoi je parlerais. Sans compter que les dernières récoltes et les travaux qu'elles m'imposent prennent beaucoup de mon temps...

Gay-Pride de Saint-Marcelin: Un succès mitigé  (1)


Attentif aux évolutions sociétales, le conseil municipal de Saint-Marcelin-en-Bauge, avait décidé à l'unanimité d'organiser une Gay-Pride (voir le Petit Courrier du Baugeois du 14 décembre dernier).
Manifestation destinée à remplacer la fête votive de la Saint Marcelin dont le succès s'amoindrissait. Il était temps de réagir si l'on voulait maintenir le rôle central de Saint-Marcelin dans le Paysage Festif du Baugeois (PFB).

Elle nécessita de nombreux mois d'intense préparation. En effet, à peine la décision prise, on s'aperçut que l'organisation d'une Gay Pride n'allait pas sans poser quelques menus problèmes.
Pouvait-on compter sur une participation active de la communauté gay de Saint-Marcelin? La vérité obligeait à constater que cette dernière présentait le défaut majeur de ne pas exister. Certes, des bruits avaient couru sur tel ou telle, mais comme le répète volontiers M. le maire : "si on écoutait les racontars, il y a beau temps qu'on serait tous en prison!"
La population du pays baugeois était-elle prête à apprécier ce genre de festivités? Bien sûr la Fine Gaule Marcelinoise avait refusé du monde quand elle avait organisé sa soirée chez Michou. D'un autre côté, elle en refusait à chaque voyage, tant il est vrai qu'à Saint-Marcelin, monter dans un car, s'y piquer la ruche à la bouillette avant d'aller baffrer rend toute destination attrayante. 

Jean Rougier-Marcelin balaya ces soi-disant objections d'un revers de main. Est-il vraiment nécessaire d'être gay pour participer à de telles festivités? Autant dire qu'il faut être bœuf pour prendre part au concours des bêtes grasses! Quant à l'adhésion du public, elle se suscite. Etait-il évident d'être réélu avec 98,7% des suffrages après le "scandale" des fausses stagiaires de la mairie?
"Soit dit sans mauvais jeu de mots, il faut retrousser nos manches!" Conclut M. le maire. Et encore une fois il prêcha par l'exemple. 

Quelques jours plus tard, après s'être procuré, sur Ebay, les accessoires nécessaires, Jean, se dirigeant vers son bureau, fut arrêté par le secrétaire de mairie. "Excusez-moi madame, mais cet endroit n'est pas accessible au public". Erreur compréhensible: une blonde platinée boudinée dans un fourreau de lamé argent, des mollets musculeux gainés de bas résilles surplombant des pieds chaussés de talons-aiguilles roses changeaient de l'image habituelle qu'on avait de l'édile. Surtout que la fière moustache à la gauloise avait disparu. Toutefois, avec la rapidité de réaction caractéristique du fonctionnaire territorial, Gérard Dugommier réalisa son impair. "Eh ben Jeannot, sans ton écharpe, j'taurais jamais reconnu!" s'excusa-t-il. "Super, ta tenue! Ca change du blaser rouge croisé et du pantalon anthracite! " (Bien que sans étiquette, JRM porte volontiers l'uniforme d'élu UMP).

Un rien flatté, Jean lui expliqua qu'afin de sensibiliser la population à la fête à venir, il avait décidé de s’habiller désormais en drag queen et que tout le monde ferait bien d'imiter son exemple.
C'est ainsi qu'au fil des jours la tenue vestimentaire des Saint-marcelinois se modifia sensiblement. Des bikers encuirés, chaines en sautoir, déambulèrent nonchalamment main dans la main place de l'hôtel de ville. Ils y croisaient d'opulentes femmes un peu hommasses aux bleus cheveux en brosse, de dodus angelots quinquagénaires en tutu rose. Le drapeau de la mairie troqua le tricolore contre l'arc-en-ciel. Par les douces soirées de mai, Saint-Marcelin prenait des allures de Marais. Certains allèrent jusqu'à insinuer que si le boulanger Lambert et le boucher Lemaître conseillaient à leurs apprentis de porter des strings en cuir dans le fournil ou l'arrère-boutique, ce n'était pas sans arrière-pensées. A quoi, reprenant, un bon mot du maire, les incriminés répondirent que "si on prêtait l'oreille aux "on dits" y'aurait plus de marcelinois en maison d'arrêt que de putes à Corbinville-la-Houleuse." 

Tout cela attirait à Saint-Marcelin une foule de curieux, ce qui était de bon augure. Ne vit-on pas, en signe de solidarité, le jeune sous-préfet de Corbinville venir inaugurer la salle polyvalente en arborant un auto-collant "Gay et fier d'être Baugeois" sur sa casquette?
Une importante campagne d'affichage fut lancée sur l'ensemble du département annonçant la Première Gay Pride du pays Baugeois avec défilé de chars, buvette, stands, dîner dansant, retraite aux flambeaux, feu d'artifice, grand bal costumé (entrée gratuite pour tous les costumés). Bref, pour le 9 juillet, on sortait le grand jeu.
La pression ne cessa de monter à mesure que l'on approchait de l'échéance. Les chars prenaient forme et sous le chapiteau loué pour l'occasion, on venait de partout en admirer les progrès. Ceux des postiers, du conseil municipal, des commerçants et des éleveurs de porcs laissaient loin derrière ceux des artisans du bâtiment, du Crédit Agricole et de la recette des impôts qui pourtant ne manquaient ni de goût ni d'inventivité
.
On réalisa un peu tard qu'à côté de l'événement local, s'en profilait un qui risquait de lui faire de l'ombre. Le hasard des dates faisait que la Saint Marcelin Monolambda tombait le même jour que la finale du mondial de foot. Qu'importe! Un écran géant fut loué qui permettrait de suivre le match. Contre toute attente la France alla en finale et plusieurs centaines de réservations furent enregistrées pour le dîner dansant tant était grande l'envie de se baffrer tout en communiant dans une juste ferveur patriotico-footballistique. 

Malgré quelques nuages passagers, c'est sous le soleil qu'une foule de plusieurs milliers de spectateurs faillit noyer les chars sous une marée de confetti. Les buvettes furent prises d'assaut. Vers sept heures et demie une foule dense, principalement composée de seniors se dirigea pour l'apéro vers la tente du banquet. La chaleur monta tandis que se déroulait un match tendu, où,malgré une domination française incontestable selon Dominique Desaintes, notre expert local, il fallut attendre les tirs au but pour que soit désigné un gagnant. Le stress montait tandis que les tirs se succédaient et que le niveau baissait dans les bouteilles de bouillette. Le score final ulcéra les marcelinois attablés. On reprit quelques coups et on s'apprêtait à lever la séance pour, après la retraite aux flambeaux, assister au feu d'artifice quand de dehors monta une rumeur. 

A suivre...

lundi 23 septembre 2013

Pour en finir avec « L’autocar de l’effroi » (Suite et fin)





Se penchant vers l’infortuné employé des Cars Corbinvillais, elle se mit en devoir de lui rouler un patin avant d’aller « de manu » vérifier les dires de grand maman. Cela entraîna une certaine perte de contrôle par le jeune homme de son véhicule. Lequel recommença de tanguer, réveillant les hurlements. Le hasard voulut que le car fût suivi par un Trafic de la gendarmerie. Les cris des passagers alliés aux embardées que faisait le véhicule alertèrent la gendarmette qui conduisait. Quelque chose de totalement anormal était en train de se produire. En accord avec son collègue, elle actionna la sirène et mit en marche le gyrophare. Réalisant que doubler un car à la trajectoire erratique sur les chemins sinueux et étroits du Baugeois dépassait ce qu’exige le simple courage militaire, Elodie Pinson, sous-brigadier de gendarmerie, intima au gendarme Couillard de contacter par radio la Brigade de Corbinville….

Pendant ce temps, dans le car, la résistance s’organisait. Gérard Blavu, un ancien d’Indochine, prit les choses en main. Appelant les passagers mâles à la rescousse, il décida d’intervenir. Ils se mirent à remonter l’allée centrale ce qui n’était pas aisé vu le gîte et le tangage que connaissait le véhicule au hasard de ses montées sur les bas-côtés. Accrochés les uns aux autres, ils progressaient péniblement. Une embardée sévère faillit faire s’effondrer la colonne héroïque. Les bretelles de Gérard s’en trouvèrent arrachées par Léo qui s’y agrippa désespérément pour éviter la chute. Malgré tout, ils parvinrent à s’approcher du poste de pilotage. Il fallait maîtriser la Rosière sans aggraver le manque de contrôle du jeune chauffeur. Plus facile à dire qu’à faire, vu qu’à ce moment la charmante faisait à ce dernier le coup de la pieuvre amoureuse en lui criant à l’oreille d’hystériques « Dis-moi que tu m’aimes ! » ou d’encourageants « Tu sens pas que je me transforme en marécage ? », tentant de détacher du volant les mains du conducteur afin qu’il puisse constater ses dires. Le chauffeur se montrait peu sensible aux invites de la demoiselle. Chaque fois que les mouvements désordonnés de sa conquête le lui permettaient il regardait la route et tâchait de s’y maintenir. Il avait réduit la vitesse de son car, mais, vu qu’une cuisse de la belle lui interdisait l’accès au levier de vitesse et que n’importe comment quitter le volant des mains était hasardeux, il lui fallait éviter de caler, ce qui aurait mis en panne le freinage et la direction assistée.

Les vétérans, animés de courage Gaulois, après s’être concertés, se saisirent, qui d’une jambe, qui d’un bras de la furie et parvinrent finalement à l’arracher à sa proie. Ce ne fut pas sans peine. Elle griffait, ruait, faisait alterner les « Mon amour, on nous sépare ! » larmoyants aux tombereaux d’injures adressées aux braves. Finalement, l’audace paya et l’escouade parvint à la clouer, ventre au sol, dans l’allée. Gérard se jeta sur elle afin de l’y maintenir de tout son poids. Un autre lui enfonça son mouchoir dans la bouche, tandis que ses compagnons maîtrisaient les membres de l’agitée. Le chauffeur, encore tremblant de l’assaut, reprit son véhicule en main. Juste à temps pour apercevoir un essaim de voitures de la gendarmerie dont une lui barrait la route à quelques centaines de mètres de là. Il s’arrêta comme l’y invitaient les gendarmes puis actionna le système d’ouverture des portes. Un membre des forces de l’ordre se précipita, l’arme au poing, par la porte béante.

 
Pour quiconque n’avait pas assisté à ce qui précède, la situation était claire autant que révoltante : un groupe de quasi-vieillards maintenait au sol une jeune personne dénudée, tandis que l’un d’entre eux assouvissait sur elle des instincts contre-nature, bretelles tombées. Les autres gendarmes accourus aidèrent leur collègue à secourir la malheureuse. Non sans horions. Les vieux, ne comprenant rien aux coups injustes qui pleuvaient, se débattaient comme de beaux diables. Les autres occupants du car protestaient contre l’intervention. L’adjudant-chef Béguinard contemplait la scène avec tristesse tandis que la gendarmette Pinson entraînait une Ginette passée de l’ivresse à l’abattement vers son Trafic afin de l’y réconforter. « Pauvre France, soupira mentalement le brave gradé ! ». Il avait quitté le 9 cube pour finir tranquillement sa carrière à la campagne… Pour y trouver quoi ? Une bande de débauchés séniles soumettant à une tournante la Rosière de Saint-Marcelin sous l’œil complice de leurs compagnes ! Sourd aux plaintes, protestations et menaces des voyageurs, il décida que l’on emmènerait le car et ses occupants à la brigade sous bonne escorte. Ce qui fut fait.

Le calme revenu, la vérité des faits fut finalement rétablie. Les gendarmes durent reconnaître leur erreur et adresser leurs excuses aux voyageurs. Restait le cas de Ginette. Comment expliquer son comportement ? Il fallut toute l’habileté et l’influence de Jean Rougier-Marcelin pour arranger l’affaire. Mis au courant de l’affaire, le maire accourut auprès de son administrée. Il sut trouver les mots pour expliquer aux gendarmes l’origine de ce qui n’était, à tout prendre, qu’un fâcheux incident. Il n’y avait pas mort d’homme, après tout ? En fait, la pauvre Rosière était une anxieuse. Elle devait passer le matin même un examen de droit administratif à la sous-préfecture dans le but de faciliter sa titularisation à la mairie de Saint-Marcelin. Ne disposant pas de véhicule, il lui fallait s’y rendre par le car, seul moyen de transport dont elle disposât. Seulement, elle avait la phobie de ce genre de véhicule. Depuis toujours. Malade dans le car de ramassage scolaire ! Tous les matins ! L’idée de revivre son calvaire d’enfant la stressait. L’édile avait bien tenté de la rassurer. Il l’avait même aidée jusque tard le soir dans ses révisions… Rassurés quant à ses capacités de réussite, ils avaient même décidé d’aller fêter son succès annoncé en boîte. Au champagne ! Une bouteille appelant l’autre, ce n’est que bien tard que le maire avait ramené Ginette chez elle. Seulement, face aux stress combinés de l’examen et du voyage en car, la pauvre petite n’avait pu s’empêcher de prendre avant son départ quelques tranquillisants. Combinaison explosive ! Qui explique la suite…

Les gendarmes voulurent bien relâcher la jeune femme après avoir enregistré sa déposition. Sur intervention de Jean Rougier-Marcelin, les voyageurs qui avaient menacé de porter plainte s’empressèrent d’y renoncer. Le jeune chauffeur, remis de ses émotions, fut invité par son agresseur à une petite fête, le soir même. Il s’avéra en être le seul invité et n’eut pas à le regretter. Bref, tout s’arrangea. A la Baugeoise…

dimanche 22 septembre 2013

Faute de Goux ?



L’autre jour, Monsieur Didier Goux s’en prenait avec véhémence  à d’honorables chanteurs  qu’il avait, en sa prime jeunesse, aimés et que, renégat, il considérait aujourd’hui comme de prétentieuses outres emplies de vent, à savoir MM. Jean Vasca et  Jacques Bertin. Bien qu’ayant tout  ignoré en leur temps de ces deux fleurons de la chanson gauchiste, ces noms sonnèrent une cloche (comme dirait le maladroit traducteur). Il me sembla me souvenir que ces deux lascars étaient les idoles et les modèles de Georges Cuffi, modérateur du défunt forum Écrits vains ? , résolument ancré à gauche et sur lequel je tins voici déjà plus d’un lustre le rôle ingrat de réac de service.  Craignant de me tromper, je googlai et eus confirmation de l’amour inconditionnel du bon Georges pour ces aèdes modernœuds. Il me revint alors que j’avais un temps eu coutume d’intercaler, sur ledit forum,  entre deux provocations droitières, des « nouvelles » consacrées au village imaginaire de Saint-Marcelin-en-Bauge, dont les habitants cultivaient ivrognerie et autres débauches avec fraîcheur, innocence et persévérance. Ces historiettes eurent l’heur de plaire à certains de mes « adversaires politiques » du lieu, un peu surpris toutefois qu’un réac puisse faire dans l’humour, attitude que chacun sait être de gauche.

Suite à un ennui informatique, j’avais perdu tous ces textes ainsi que d’autres œuvres dont il faudra bien que l’histoire de la littérature universelle apprenne à se passer. Sur les conseils de Sébastien (qui hantait ces lieux et à qui il arrive de commenter ici comme chez Monsieur Goux) je parvins,  il y aura bientôt deux ans,  à en récupérer quelques uns. Mes recherches me menèrent avant-hier à en retrouver davantage. Je les relus, et, les abordant d’un œil neuf (mon amnésie sélective m’amène à perdre tout souvenir de ce que j’ai lu et même de ce que j’ai écrit) elles me firent bien rire, tant je suis bon public. J’ai donc décidé d’en publier quelques unes ici.

Ces textes écrits et publiés il y a 6 ou 7 ans, m’ont permis de réaliser qu’en ces temps qui s’éloignent j’avais une veine bien plus gauloise qu’aujourd’hui. Le quasi-vieillard digne, sérieux, d’une sagesse profonde voire austère que je suis devenu a du mal à se reconnaître dans ce quinquagénaire égrillard qui écrivait des co(cho)nneries d’un autre style. La seule pensée que j’aie pu m’abaisser jusqu’à évoquer la tenue d’un CRS (Championnat Régional de Sodomie (en salle)) fait monter le rouge de la honte à mon front chenu. S’ils ne vous plaisent pas, vous n’aurez qu’à vous prendre à l’odieux Didier.

 Pour commencer ce cycle, je vous proposerai le début d’une nouvelle aventure de Ginette Dubourg, jeune rosière à la mode baugeoise dont j’avais déjà esquissé le portrait en action  ici et .



Pour en finir avec « L’autocar de l’effroi »

La semaine dernière, selon certains, des scènes d’une violence inouïe se seraient déroulées à l’intérieur de l’autocar qui relie Bézouilly-en-Baugeois à Corbinville-la-Houleuse via Saint-Marcelin.

En cette période pré-électorale, on raconte que tout aurait été fait pour éviter que la divulgation des faits ne crée un climat de psychose favorable au vote extrémiste. La déontologie nous impose de rétablir la vérité. Une équipe d’enquêteurs a donc été mise sur l’affaire. Après mure réflexion, la rédaction a décidé de vous livrer les résultats de leur travail, pensant qu’une relation objective des événements est toujours préférable aux ravages qu’opère la rumeur.

Au départ de Bézouilly, jeudi dernier à 7 heures et demie, rien de spécial. L’autocar emmenait vers le chef-lieu d’arrondissement son lot habituel de vieux à casquette et de ménagères âgées à fichu, munies de ces sacs à provisions indispensables les jours de marché. Certains saucissonnaient comme il se doit, faisant passer une flasque de bouillette* ou une bouteille de rouge dont on se désaltérait à la régalade. A chaque arrêt montaient de nouveaux passagers qui rendaient à grands cris leurs salutations à ceux qui les accueillaient avant de prendre place lourdement dans les sièges fatigués. On atteignit ainsi Saint-Marcelin.

« Elle a toujours eu mauvais genre, la fille à Dubourg,», nous relate une passagère qui a préféré conserver l’anonymat. « C’est à se demander comment elle a pu devenir Rosière ! Enfin, si M. Rougier-Marcelin a insisté pour que ce soit elle, il doit y avoir de bonnes raisons. C’est pas moi qui irais le critiquer. » Selon ce témoin, la tenue de la jeune fille qui monta dans le car à Saint-Marcelin contrastait fortement avec celle de ses compagnons de voyage. Son voisin de car, M. Léo F., qui écrit des chansonnettes, la décrit ainsi. « C’te nana, a’ portait un’ robe de cuir, comme un fuseau qu’avait du chien sans l’faire exprès. A ras-l’bonbon, sauf vot’ respect ! Et puis moulante ! Le haut, j’vous dis pas. Même au Comice à Corbinville, j’ai jamais vu autant de mamelle à la fois ! Et pareil pour c’qu’est du jambon. ». Même en faisant la part de l’exagération poétique, il faut reconnaître que Ginette Dubourg portait une tenue plus suggestive que celle de la ménagère, fut-elle de moins de cinquante ans, qui se rend au marché. Toutefois, ce qui frappa le plus les voyageurs ne fut pas la mise de la jeune fille mais sa démarche incertaine. Avant de s’affaler sur la banquette du fond, elle s’écroula plusieurs fois, dans des éclats de rire niais, sur les passagers médusés. « J’aurais ben voulu qu’a m’tombe dessus, déclara le vieux Léo, quitte à mourir enfoui sous une avalanche de loloches ! Une bien belle mort, ç’aurait été ! »

Tout le monde ne sembla pas prendre les choses avec la légèreté de notre poète. Suite à cette traversée, l’échange de banalités habituelles fit place au silence réprobateur. Seul le ronronnement du moteur se faisait entendre. C’est une odeur de foin brûlé qui fit se retourner les gens. Et leurs femmes qui contraignirent les hommes à regarder ailleurs. Une jambe reposant sur le dossier du dernier siège de chaque rangée, laissant voir ce qu’un string aurait pu tenter de cacher, Ginette venait de s’allumer une cigarette. De forme tronconique. Visiblement roulée main. Et qui ne sentait pas vraiment le tabac. « On a beau être dans le Baugeois, on entend quand même parler des choses… » nous déclara une passagère. « Faut pas nous prendre pour des arriérés, on sait bien que c’est interdit ce qu’elle faisait cette gamine. On fume pas dans les autocars, enfin pas quand y’a tant d’ monde ! »

Une voyageuse se risqua à faire remarquer à la Rosière en quoi son comportement était déplacé. Mal lui en prit, car au lieu d’obtempérer à ses requêtes, la jeune effrontée adressa à celle qu’elle qualifia entre autres de « vieille morue » une litanie semée d’injures. De ses propos, dont la véhémence cachait mal l’articulation pâteuse et quelque peu embarrassée, il ressortit en substance que la passagère en question ferait bien d’aller pratiquer le coït anal en pays méditerranéen, que ce car de merde rempli de vieux cons puait la mort et qu’en conséquence, elle irait passer son examen à pied. Cela dit, elle se leva tant bien que mal et entreprit de se diriger vers l’avant du car. Au passage, elle confisqua à Arsène Boulanger la bouteille de bouillette dont il accompagnait ses déplacements commerciaux. Elle en avala l’essentiel d’une lampée avant d’asperger quelques passagers du reste de son contenu. Une sorte d’hystérie s’ensuivit. Car la bouillette, c’est son seul défaut, tache. Des cris stridents retentirent, faisant se retourner le chauffeur. Conséquemment, le car se mit à zigzaguer Reprenant ses esprits, le chauffeur rétablit bien vite la trajectoire, malgré les hurlements dus au tangage. Continuant sa laborieuse remontée, la pulpeuse imbibée s’empara au passage d’un litre de blanc au goulot duquel elle se désaltéra. Parvenue à la hauteur du chauffeur, Ginette, boitant à cause d’un talon aiguille cassé, lui intima dans les termes suivants l’ordre de s’arrêter : « Tu vas l’arrêter ton putain de car de merde, Athénagoras ! ». Ce curieux surnom, Jean-Claude Dubas le traînait depuis les années 60 où sa barbe fournie de viril adolescent lui avait valu d’être comparé au patriarche orthodoxe de l’époque.

Pour le moins perturbé par cette apostrophe, le jeune remplaçant de Jean-Claude tourna son visage glabre vers la jeune fille qui réalisa immédiatement sa méprise.

- Putain, mais c’est pas Athénagoras, c’est un p’tit jeune homme, s’écria la distraite ! Mais c’est qu’il est mignon comme tout ce p’tit chauffeur ! Petit, mais mignon ! D’ailleurs petit, ça veut rien dire. Comme disait ma grand-mère, ces petits gars-là, faut pas s’y fier, ça a l’air de rien, mais c’est tout en queue…

La colère fit alors place en elle à une montée irrésistible de libido.

* La bouillette est une boisson locale, une eau de vie aux vertus puissantes qui l'apparentent à la panacée. 

A suivre…

samedi 21 septembre 2013

Des Afro-Américains et autres foutaises langagières



Nous étions dans la salle des profs de mon école londonienne et avec  A, que je ne savais pas encore destinée à  devenir ma compagne durant  trois longues (et souvent pénibles) années, nous parlions littérature. Bien qu’ayant atteint la quarantaine, allez savoir pourquoi, j’avais conservé une nette tendance à accorder grand crédit aux goûts littéraires des jeunes femmes d’une vingtaine d’années  à forte poitrine.  C’est alors que le terme Afro-Américain  résonna pour la première fois à mes oreilles dans sa version anglaise. Les Afro-Américains avaient, selon A, produit  une littérature des plus passionnantes.  J’en fus ravi pour eux tout en me demandant quel  pouvait bien être ce peuple bi-continental dont j’ignorais jusque là l’existence et encore plus le talent littéraire. Obligeante, A, qui devait sentir poindre en elle un certain intérêt pour le Français entre deux âges, me proposa de me fournir une liste d’ouvrages appartenant à ce courant fertile. J’acceptais volontiers, tant il est agréable et utile de s’instruire auprès de certaines personnes. Le lendemain, femme de parole, elle me remit la liste convoitée et je me rendis compte qu’y figuraient des titres et des auteurs que j’avais déjà lus, mais que ma grande ignorance des modes langagières anglo-saxonnes, m’avaient fait considérer comme des ouvrages écrits par des Noirs américains. Je fis celui qui découvrait tout afin de ne pas passer pour un gros bof aux yeux d’une relation prometteuse.

J’ai remarqué depuis que depuis quelque temps, cette lexie avait été traduite en français. Ce qui est bien étrange. S’il y a des Afro-Américains, pourquoi ne parle-t-on pas d’Euro-Américains, d’Asiato-Américains, d’Océano-Américains, de Sud-Améro-Américains et,  dans le cas des Amérindiens d’Améro-Américains ?

Il est probable que le terme Afro-Américain est utilisé en France par de braves gens qu’une référence à la couleur noire dérangerait. Pourtant, en accolant un adjectif rappelant le continent d’origine à celui de la nationalité il me semble que l’on introduit comme une sorte de doute sur l’appartenance réelle et totale des individus concernés à la nation en question. A l’idée de qui viendrait-il d’appeler nos compatriotes antillais des Afro-Français ?  Ce serait probablement  jugé discriminatoire par ceux-là même qui par snobisme et croyant se montrer délicats utilisent sans vergogne le terme importé des USA.  Ceux qui parlent de Néo-Français sont très mal vus des antiracistes : dès qu’on est Français, on l’est à part entière sans distinction de race, d’origine ou de préférences en matière de poitrine féminine, non mais !