..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

vendredi 27 juillet 2012

Les marchés expliqués à tous, suite et fin.





Nous voici donc en Juillet 1982. Depuis quelque temps déjà, nous fréquentons un couple de collègues de marché. Des gens très sympathiques. Lui, méridional, avec la tchatche qui va avec. Ancien représentant de commerce. Un physique de gorille. Je veux dire de garde du corps, pas de primate. Avec le goût pour la castagne qui va avec. Elle frêle blonde. Famille recomposée. Deux enfants du côté de la mère. Ils sont un peu plus âgés que nous. On s’entend sur l’essentiel : la bonne bouffe et les bonnes bouteilles. Et on cause, on rêve de bouclard, comme on appelle les magasins dans le jargon)...

Parce que les marchés, comme aventure, il y a mieux. Une fois qu’on s’est fait ses places, qu’on a plus à courir derrière le placardier, à part déballer, vendre et remballer il ne se passe plus grand-chose. Il y a bien la pluie qui chasse le chaland et abîme la came, le froid qui vous fait rentrer la tête dans les épaules et gèle les pébroques, la neige qui rentre partout, la canicule qui vous entraîne au bistrot et vous fait rentrer avec une demie soupe, mais à part l’inconfort c’est quand même la routine.  Et puis c’est bien beau d’abandonner un boulot de fonctionnaire mais ça a pour corolaire la perte du salaire y afférent. Curieusement, les clients ne viennent pas spontanément compenser ce manque à gagner. Le monde est injuste, on ne le répétera jamais assez.   Il faut donc songer à évoluer.

Le soir du 14 juillet, après une journée de bombance nous étions descendus à Amboise voir le feu d’artifice. Comme j’étais crevé, je restai roupiller dans la voiture tandis que ma femme et nos amis allaient s’émerveiller devant la belle bleue, la belle verte, la belle jaune et la belle rouge avant de se pâmer sur le bouquet final. Voilà-t-il pas que je me trouve tiré de mon sommeil par trois hilares qui disent avoir trouvé un bouclard ! C’est rude comme réveil.

En revenant du feu, ils avaient vu qu’un ancien garage situé sur l’artère principale, non loin du château, était à louer. Une royale ! Dans mon demi-sommeil, j’avoue que leur enthousiasme m’inquiétait un peu…

Nous nous renseignâmes sur le prix de la chose. Il en voulait beaucoup, le propriétaire. Il y avait pas mal de travaux à effectuer.  Mais pour qui s’emballe, rien n’est obstacle. A trois contre un, la lutte était inégale. Ainsi commença notre projet d’association. Normalement, avec ce que nous avions de côté et 50 000 F que j’empruntai à mes parents, ça devait faire la rue Michel. Comme au-dessus du magasin se trouvait un appartement faisant partie du lot et que nous n’avions aucune raison de rester au fin fond de la cambrousse, nous le louerions à la société, ce qui diminuerait d’autant la charge du loyer. Léon nous avancerait la came qui complémenterait nos stocks. Comme sur des roulettes, je vous le dis…

A part que les roulettes allaient coincer. Mon associé était un optimiste. Du genre qui évalue mal les dépenses à prévoir mais que le retour à la réalité n’affecte pas.  « Ah, y’en a pour le double ? Qu’importe ? » Pour moi, ça importait. Vu que je ne pouvais pas suivre. Si la famille de sa femme était généreuse, de mon côté je savais que ma mère- fourmi n’était pas prêteuse (un de ses moindres défauts) et que je n’avais pas tellement envie de quémander. Du coup, au fur et à mesure que s’élevait la note notre part dans l’association diminuait. Au rythme ou c’était parti, nous allions devenir TRÈS minoritaires. Ce qui ne me plaisait pas, mais pas du tout. Je n’avais pas choisi la liberté pour devenir l’esclave d’autres si sympathiques fussent-ils. D’ailleurs ma sympathie fondait comme neige en canicule. De plus, je me trouvais faire les marchés tout seul, ma femme travaillant aux préparatifs d’ouverture. Ce n’était pas non plus ce que j’attendais. La tension monta jusqu’à la rupture qui au bout de deux mois devint inévitable. Nous reprîmes nos billes.

Nous nous retrouvâmes donc avec quelques sous et une envie de monter un bouclard. Mais où ? Il nous fallait une ville moyenne où les commerces de notre type n’existaient pas. La préfecture de l’Indre s’imposa. A la gare de cette charmante cité on entendait  à l’arrivée des trains : « Châteauroux, Châteauroux, trois minutes d’arrêt ». Selon moi, c’est tout ce que la ville mérite. Nous devions y rester plus de six ans ensemble. Mon ex-femme y demeure encore plus ou moins trente ans plus tard.

Mais c’est une autre histoire…

jeudi 26 juillet 2012

Les marchés expliqués à tous (3)




Maintenant que vous possédez le vocabulaire de base, venons-en aux servitudes et grandeursde la vie de camelot (allusion fine aux malheurs d’Alfred, comprenne qui pourra).

Nous démarrâmes donc en fanfare. Mais comme une hirondelle ne fait pas le printemps, un bon départ ne garantit rien. Il faut faire sa place, trouver de bons marchés. Et ce n’est pas si facile, car les bons sont rares et courus. On peut s’y rendre et ne pas déballer, faute de place. Il faut se méfier des conseils des mange-merdes. Ils en débordent et y croient dur comme fer. Seulement, leurs plans sont tous foireux. Ils vous envoient vers des endroits de misère qu’ils décrivent comme autant d’Eldorado. Il y a une logique à cela : si leurs plans étaient bons, ils ne seraient pas des mange-merdes.

C’est ainsi que le premier été, suite à un conseil de ce type, nous partîmes faire fortune sur la côte vendéenne. La fortune consista à payer des prix exorbitants pour  être à l’abri du pognon et ne pratiquement pas dérouiller. Nous retournâmes voir le Loir-et-Cher au bout d’une semaine. Certains restèrent et, revenant en septembre, dirent qu’août n’avait pas été trop mauvais. Le mange-merde n’est pas difficile, ce qui explique son curieux régime alimentaire.

Cette courte escapade vendéenne nous donna l’occasion de rencontrer un petit couple bien sympathique mais qui attirait la poisse comme paratonnerre la foudre. Comme nous faisions du camping, ils nous proposèrent de venir planter notre tente dans leur jardin. Nous nous rendîmes vite compte qu’avec leur enfant, il crevaient littéralement la faim. Nous achetâmes donc la nourriture pour tout le monde. Ce qui rendait le camping onéreux....  Pétard, comme nous le surnommâmes ensuite, était un spécialiste des coups foireux, de ceux qui, s’ils marchaient, allaient lui rapporter un max et qui bien évidemment menaient immanquablement à l’échec. J’ai rencontré plusieurs rêveurs de ce type au cours de ma vie. En général, ils en restent au stade du projet. Pétard, lui était dynamique. Il entreprenait. Quand nous le rencontrâmes, il vendait des gâteaux de sa fabrication (véritables étouffe-chrétiens) ainsi que des pyrogravures de sa main (qu’il avait maladroite). Bien entendu, ni les uns ni les autres ne se vendaient. Il ne se décourageait pas, nourrissait sa famille de quelques gâteaux, congelait le reste et en faisait de frais pour le lendemain. Il nous raconta son prochain projet : le 14 juillet approchant, il aurait aimé vendre des pétards. Il avait une combine en or : les pétards qu’il achetait 1 franc, il les vendrait (facilement) 10. Avec 1000 F, il se ferait entre les soirées du 13 et du 14 dans les 10 000 F (sans compter les gâteaux et les gravures!). Seulement, les mille francs, il ne les avait pas. Après concertation avec mon épouse, nous lui donnâmes 500 F lui faisant valoir que s’il gagnait 5000 F, ça ne serait déjà pas si mal. Nous ne comptions jamais les revoir. Nous espérions simplement qu’ils permettraient à sa famille de manger un peu… Un an plus tard nous eûmes cependant la surprise de recevoir un mandat de ce montant. Comme quoi…

Donc, petit à petit, après des essais et des erreurs, nous parvînmes à nous constituer un réseau de marchés corrects dans le Loir-et-Cher. Léon nous fournissait de la bonne came, ça marchait comme sur des roulettes. A part que nous travaillons sept jours sur sept  avec grasse-après-midi le dimanche. Et les journées étaient longues. Parfois, le soir nous filions à Tours chez Léon au réassort  (achat d’un complément de marchandise). Nous faisions le plein du coffre de la 2 CV  dont la banquette arrière resta plusieurs mois dans son entrepôt, mangions chez lui et revenions très tard dans la nuit.

L’Estafette déjà bien faiblarde (ce qui explique l’utilisation sus-indiquée de la 2 CV) rendit l’âme. Nous achetâmes un beau gros fourgon tout neuf. Je m’offris également une 604 d‘occasion encore plus confortable que la 2 CV.

Parallèlement (ou conséquemment, allez savoir) enseigner me lassait de plus en plus. Nous avions commencé fin avril 1981, le 10 mai 1981 se produisit ce que l’on sait. Contrairement à bien des collègues, je n’en fus qu’à moitié ravi. De plus, ma chère directrice, n’approuvant que du bout de l’enthousiasme mes activités annexes et désapprouvant cordialement mon sens de la discipline et mes opinions qu’elle devinait non gauchistes  me tapait sur les nerfs. La cerise sur le gâteau fut une inspection en anglais dont l’entretien subséquent  tourna au conflit ouvert avec l’inspecteur. S’ensuivit  un rapport pas piqué des hannetons.  J’étais jeune, impulsif et fier. Je pris la décision de quitter l’Éducation Nationale, d’abord en me mettant en disponibilité. J’en fis donc la demande.

Les marchés rapportaient bien plus que mon boulot et pour la suite, on verrait…

En fait, quelques mois après la fin de l’année scolaire 1981-82, nous allions quitter les marchés pour une autre aventure.

mercredi 25 juillet 2012

Les marchés expliqués à tous (2)


Le marché de Contres (quelques années avant que nous le fassions)


Si ma femme avait (et a toujours, je suppose) d’immenses qualités, elle n’avait pas le don inné de la conduite. Depuis déjà longtemps elle essayait d’obtenir le précieux papier rose. A l’approche de la mise en œuvre de notre projet commercial, son obtention devenait plus pressante. Hélas, le succès ne suivait pas. Stage intensif ou pas, l’échec se renouvelait, bête et brutal. Quand, un jour d’examen, je la vis quitter son stationnement dans une embardée avec le clignotant du mauvais côté je ne fus pas surpris de la voir revenir bredouille une minute plus tard.

Nous nous lançâmes donc sans qu’elle pût conduire. Je lui servais de chauffeur. Quand mon emploi du temps le permettait, je l’emmenai sur la place du marché, l’aidais à déballer, reprenais le volant de l’Estafette pour aller faire cours, puis à midi ou le soir, je venais la chercher et  remballer. Je ne me souviens plus de combien de temps dura ce manège. Pas très longtemps, je pense. Mais qu’elle ait ou non eu le permis ne changea pas grand-chose. Je continuai de venir l’aider autant que je pouvais. Je savais quoi faire de mes jours de congés et autres vacances.

Petit intermède culturel

Afin de faciliter la tâche au  lecteur que mon histoire inspirerait et qui souhaiterait placer ses pas dans les miens  voici un bref lexique d’argot des marcas :
Placarde : Place où l’on déballe
Volant : commerçant non sédentaire (ou camelot) n’ayant pas de place attitrée contrairement aux abonnés
Placardier : Brave homme chargé par la mairie ou le concessionnaire du marché de placer les volants en fonction des placardes disponibles. Le placardier est d’un niveau de corruption directement proportionnel à la taille et à la popularité du marché. Soit on l’arrose d’un pourliche, soit il vous fait payer plus de tickets de place qu’il ne vous en donne. Vous prenez 12 mètres, il vous donne des tickets pour 8, vous en payez 12 et lui se met la différence dans la poche. Quand il est gourmand, c’est pourliche plus arnaque au ticket. Pour être bien placé, le volant doit se montrer poli, respectueux et généreux avec le placardier.
Royale : excellente placarde
A l’abri du pognon : mauvaise placarde
Dérouiller : faire une première vente ou (abusivement) vendre.
Mange-merde : camelot gagne-petit

Vérifions si vous suivez : « Cet enculé de placardier m’a foutu à l’abri du pognon, j’ai pas dérouillé », geignent souvent les mange-merde.

Posticher ou vendre à la postiche: Vente au micro d’objets plus ou moins utiles (montres, « bijoux », linge de maison) à des prix généralement astronomiques.
Trèpe : groupe de chalands
Entrèper : Attirer par des cadeaux sans valeur lancés aux chalands afin d’en réunir suffisamment pour que commence la vente à la postiche. . On peut également entrèper au  bagout.
Schmitterie : gendarmerie (terme Manouche, Gitan, Rrom suivant la manière dont vous souhaitez les nommer)
Gadjo (pluriel gadji) : tout non Manouche, Gitan, Rrom suivant la manière dont vous souhaitez les nommer
Gitan : membre de la communauté des gens du voyage. Citation véridique d’un collègue gitan sur le marché d’Amboise : « Un gitan qui ne vole pas, c’est pas un gitan » (certains gitans sont menteurs, masochistes ou racistes, est-ce que je sais, moi ?)
Rabouin : Manouche, Gitan, Rrom suivant la manière dont vous souhaitez les nommer (terme gadjo à n’utiliser qu’entre gadji)
Les bleus : gendarmerie (terme gadjo)
Venir au renaud : Le client qui estime avoir été victime d'une escroquerie vient au renaud, c'est-à-dire qu’il se plaint amèrement auprès du commerçant du préjudice qu’il estime avoir subi. Quand il le fait accompagné de la schmitterie, ça peut être ennuyeux.
Posticheur : Honnête commerçant vendant à la postiche. Si le posticheur n’est pas blanc-bleu il tend à prendre une placarde en bout de marché afin de pouvoir dégager vite fait au cas où ses clients viendraient au renaud avec les bleus. Le posticheur talentueux peut être prospère : j’en ai vu un arriver en Rolls (et pas une pourrie) au marché d’Amboise.

Rangez vos affaires et attendez la sonnerie en silence.

mardi 24 juillet 2012

Les marchés expliqués à tous (1)





Rassurez-vous, je ne vais pas vous bassiner avec mes théories sur les marchés financiers.Ne serait-ce que parce que je n’y connais rien. Non il s’agit des marchés qu’on voit sur les places de nos villages et villes. Ceux-là je connais. De l’intérieur.

Or donc, ayant terminé mes chères études je fus affecté au collège de Montrésor  au fin fond de l’Indre-et-Loire. Le nom est joli, le village aussi. Nous trouvâmes une petite maison au milieu des champs. Notre seul voisin était un charmant célibataire, sous-directeur de banque et amateur de whisky. Jusque là rien que du bon... Seulement, la campagne, si c’est joli à la belle saison, quand le temps se fait plus rude, c’est tout de suite moins riant. Surtout que ma femme ne travaillait que quelques heures au collège comme surveillante. Et puis elle était de la ville. Les femmes, du moins celles que j’ai connues, ont tendance à préférer la ville, son animation, ses boutiques. Très vite, regarder à longueur de journée la pluie tomber sur le tas de fumier de l’élevage de chevaux voisin sembla l’ennuyer. J'avais eu beau lui trouver un chien ça ne changeait rien. Il y a des gens comme ça…

De mon côté, je ne peux pas dire qu’enseigner l’anglais et le français me procurait des joies ineffables. De plus les collègues étaient bien gentils mais, comment dire ? Un rien chiants. Je me souviendrai toujours qu’un couple de collègues que nous avions invité en septembre à venir prendre l’apéro un de ces soirs nous avaient répondu qu’on verrait ça aux beaux jours. Nous qui étions plutôt bringueurs, ça s’annonçait bien.

Bref, plus les mois passaient plus ma jeune moitié se faisait mélancolique. Que fait dans ce cas un mari attentionné ? Il essaie de trouver une solution, voilà ce qu’il fait. Notre première idée fut de monter un commerce à Loches, ville la plus proche. Je tentai de taper mes parents en vue de faciliter la mise en œuvre de ce projet mais je reçus de ma mère qui tenait les phynances un refus aussi net que catégorique. Il faut dire que ses années de commerce en banlieue parisienne, pourtant fructueuses, ne lui avaient pas laissé que de bon souvenirs. C’était une anxieuse. Adieu la boutique ! 

Que faire ? On pensa tout de suite aux marchés. Bien que n’y connaissant rien, ça paraissait demander un investissement en rapport avec nos maigres moyens…  C’est alors que le hasard fit que ma belle-mère qui habitait à Tours découvrit un magasin que venait de monter  un tout jeune gars. En fait un simple hangar où il vendait des fringues pas chères. Ça avait l’air de marcher du feu de Dieu. Bavardant avec lui, la brave femme apprit qu’avant il faisait les marchés et qu’il  vendait en gros. Une rencontre fut rapidement organisée qui devait décider de notre avenir pour huit années voire plus si on y inclut certaines conséquences…

Nous rencontrâmes donc  Léon (j’ai changé le nom !) qui nous expliqua les tenants et les aboutissants de cette activité. Pour faire les marcas(marchés)l fallait un camion, de quoi étaler la came (marchandise) et des pébroques (parasols l’été, parapluies à la mauvaise saison). Ce dernier  point nous étonna. Nous n’avions  jamais remarqué ce détail. Si, pour démarrer, on se payait une vieille estafette pourrie, des pébroques,  des lits de camp (surplus de l’armée américaine) pour étaler la came et un minimum de stock, avec quelques dizaines de milliers de francs, c’était jouable. Nous jouâmes donc. J’obtins un prêt personnel de ma banque, que je prévus large au cas où ça tarderait à marcher.  L’estafette fut bien vite trouvée. Léon nous procura les lits de camp et se chargea d’acheter pour nous les fameux pébroques. Nous définîmes un stock minimum et vogue la galère ! Seulement, la galère, elle prit tout de suite l’eau vu que les parapluies n’étaient pas arrivés. Un premier marché, à Blois, tourna court car dès qu’il commença à pleuvoir nous dûmes recouvrir la came de bâches en plastique et ce fut la fin du marché… C’était quand même encourageant : on avait vendu deux trois bricoles. Le lendemain, il fit beau. C’était un 1er mai. Nous vendîmes pour plus de2000 francs de came ! Le surlendemain : rebelote. Le soir venu, il ne nous restait plus grand-chose à vendre… Il n’y a pas à dire ça encourage !

Une ombre planait cependant sur ce départ prometteur : ma femme n’avait pas le permis ! Pour tout dire, elle ne savait pas conduire. Ce qui ne facilite pas l’exercice d’une profession itinérante…

lundi 23 juillet 2012

Je chante pour passer le temps, petit qu’il me reste de vivre…




Peu de gens le savent, mais mes billets sont bien meilleurs quand, plutôt que de se contenter d’une simple lecture, on les chante. Les airs les mieux adaptés à leur lecture lyrique sont, en fonction de la gravité du sujet,  « Viens poupoule » ou « Libiamo ne'lieti calici » de Giuseppe verdi. Essayez, vous verrez.

Mais trêve de digressions, venons-en au cœur du problème : Hier, un commentateur que je soupçonne de n’être qu’un pseudo-Léon car il existe un pseudo-Léon comme il exista un Pseudo-Denys  l’Aéropagite, m’adressa  le commentaire suivant : «Vous m'en voudrez certainement, vous pourrez m'effacer aussitôt, mais je suis obligé de vous dire ce que je ressens à vous lire: l'intense satisfaction que vous affichez, pour vous, vos amis, vos idées. Vous êtes une sorte de monsieur Béat.
Béat d'admiration pour vous. C'est impressionnant. C'est votre style. Vous ne vous referez sans doute pas. »

Vous l’aurez noté, Léon écrivait sous la contrainte. De qui, je l’ignore. Ce qui peut expliquer  son style hâtif. Mais, obligé de dire ou pas, il n’en reste pas moins que ce brave homme m’accusait d’être  une sorte de M. Béat. Ne connaissant pas ce monsieur, il m’était difficile de décider si la comparaison était ou non pertinente. Toutefois sa pensée se précisa : j’étais atteint d’une sorte de narcissisme particulièrement carabiné. D’autant plus grave qu’irrémédiable. Quand on se prend une telle gifle, une fois passée la douleur cuisante, on ne peut s’empêcher de se poser la question de ce qui a pu la provoquer et de se demander si on l’a méritée ou non.

Cela pose la question : pourquoi blogue-t-on ou plus spécifiquement pourquoi blogué-je ?  Pour montrer au monde ébahi les chatoyantes et multiples facettes de ma sublime pensée ? Par altruisme, donc, car je pourrais me contenter d’en jouir en solitaire. Parce que je pense indispensable au salut du monde de la faire profiter de mes lumières ? Parce que, comme Léon, on m’y contraint ? Parce que l’Être Suprême m’inspire ?

Non, mise à part l’inévitable fatuité qui fait croire que ce qu’on peut scribouiller intéressera un  peu, c’est tout bêtement que ça m’amuse. J’ai toujours aimé écrire. Mais pas au point de le faire pour moi-même où en vue d’une quelconque publication. Internet offre la possibilité immédiate d’une publication et éventuellement d’un lectorat. Si personne ne m’avait lu, je n’aurais pas insisté. Mais bon, des lecteurs sont venus, certains sont restés, certains sont devenus fidèles. Ça fait plaisir, ça flatte un peu l’ego. Quelques uns, tenant blog eux-mêmes, m’offrent l’occasion d’agréables lectures. Bref,   ça crée un cercle amical avec l’avantage conséquent que le danger de le voir débarquer à l’improviste à l’heure de l’apéro alors qu’on n’a plus qu’un fond de whisky (ça ne m’arrive jamais, j’ai toujours des provisions) est  inexistant.
Un autre plaisir qu’offre le blog est la possibilité qu’on a d’exprimer ce que l’on pense (ou croit penser) en toute liberté. Ce n’est pas si fréquent. Ça ne durera peut-être pas, car le Bien veille (je suis en train de lire « l’Empire du bien » de Muray). Alors pourquoi ne pas en profiter ?

Comme Aragon, en moins bien, je chante pour passer le temps…  Ça ne peut pas plaire à tout le monde. Jean  Ferrat lui répliqua par un « Je ne chante pas pour passer le temps » rageur. Il devait être une sorte de M. Léon.