jeudi 31 janvier 2013

Au guignol



Hier, alors que je me sentais un rien abattu suite à plusieurs mois de temps pourri, j’ai pensé que regarder un peu les guignols après une sieste réparatrice me changerait les idées. J’ai donc, sur la 3 assisté aux questions au gouvernement.

Le spectacle était plutôt médiocre. Bien qu’il ait eu l’attrait de la nouveauté, j’avoue avoir été déçu.

L’opposition a posé des questions au premier ministre et ce sont les ministres qui ont répondu à sa place. Ce qui  amène à se demander ce qu’il pouvait bien faire là. A moins bien entendu qu’il soit venu au cas où il lui aurait été posé une question digne de son attention et que son attente ait été déçue. Ce qui n’est pas très poli et témoigne d’un total mépris pour les intervenants.

Les représentants de la Nation comme les membres du gouvernement se montraient fort distraits. L’un  lisait son journal, un autre claviotait sur son ordi, beaucoup bavardaient. A croire que les questions posées n’avaient pas plus d’intérêt que les réponses données.

Le seul élément vraiment divertissant de cette séance fut certaines questions de députés de la majorité. Visiblement, ils étaient là pour servir la soupe à leurs ministres chéris. Je n’ai pas pris de notes, mais grosso modo ça donnait ça :

Le président : Je donne la parole à M. Célestin Broutard.

M. Broutard (Député PS de Loire-et-Moselle) : Je voudrais poser une question à M. Prichot, ministre délégué à l’aménagement des zones piétonnières.

M. Prichot, la politique exemplaire que vous avez menée a permis à nos rues piétonnes de connaître une fréquentation remarquable en dépit de conditions atmosphériques souvent défavorables, notamment dans le Nord-Ouest de la  France. La presse internationale est unanime pour  saluer le nouveau modèle français de la rue piétonne. Je voudrais savoir où en est le magistral projet de piétonisation des autoroutes que vous aviez porté avec le talent qu’on vous connaît lors du séminaire international de Buges-la-foireuse ?

Le président : M. Prichot, ministre délégué à l’aménagement des zones piétonnières va vous répondre.

M. Prichot : M. le président, mesdames et messieurs les députés, M. le député Broutard, lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai trouvé une situation très préoccupante. Dix ans d’immobilisme  (hurlements désapprobateurs à droite de l’hémicycle) avaient eu pour conséquence un quasi-gel des espaces piétonniers. Au point qu’on aurait pu dire qu’en ce domaine comme en bien d’autres, on…   …piétinait. (Rires, exclamations ravies sur les bancs de la gauche).

Le président : Je vous en prie, Mesdames et Messieurs les députés, laissez parler l’excellent M. Prichot ! Modérez votre enthousiasme !

M. Prichot : Avec le soutien du président Hollande, nous avons pu donner un nouvel élan au piétonisme et très rapidement, les punks à chiens sont revenus dans les artères piétonnières qu’ils avaient désertées faute de gens à importuner.  Mais nous ne nous arrêterons pas à ces premiers succès (tonnerre d’applaudissements sur la gauche de l’hémicycle) ! Le temps est venu d’ouvrir les autoroutes aux piétons. Cela ne se fera pas en un jour. Nous avons entamé une concertation avec les parties concernées, chauffeurs routiers, automobilistes et fédérations de randonneurs et nous sommes heureux et fiers de vous annoncer que début mai 2013 la circulation des piétons sera autorisée de nuit sur un tronçon de 30 km sur l’autoroute A6 (applaudissements frénétiques à gauche). Bien entendu, sans que cela soit obligatoire tant nous sommes attachés aux libertés individuelles, nous conseillerons aux piétons empruntant l’autoroute de porter un gilet fluorescent afin d’être mieux vus par les automobilistes et les routiers qui continueront, bien entendu, de les fréquenter. Si l’expérience s’avère concluante, nous étendrons cette mesure à l’ensemble du réseau autoroutier dès septembre. L’ouverture à la circulation piétonnière de jour pourrait être envisagée au premier trimestre 2014, rendant  ainsi à la France le rôle de moteur de la piétonisation que dix ans de gabegie lui avaient fait perdre (tonnerre d’applaudissements à gauche, exclamations indignées à droite).

mercredi 30 janvier 2013

Pour en finir avec le mariage (civil) !



Traditionnellement, du moins si tant est qu’on puisse appeler tradition une coutume multiséculaire, le mariage était l’union d’un homme et d’une femme afin de fonder une famille et de perpétuer l’espèce dans un cadre stable. Il était censé être indissoluble et, mis à part quelques exceptions, seule la mort d’un des conjoints pouvait y mettre fin. Il s’agissait d’unir un homme et une femme compatibles selon des critères sociaux, culturels, économiques.  Un mariage ne répondant pas à ces exigences était une mésalliance.

Une donnée relativement nouvelle est venue mettre la pagaille dans ce contrat raisonnable : il a nom AMOUR. Découvrons-nous, Messieurs-Dames devant cet « enfant de bohême [qui] n’a JAMAIS (c’est moi qui insiste) connu de lois » pas plus qu’il n’a de frontière. Il rend également aveugle comme chacun sait. Qu’on  le trouve dans le pré, dans la cave d’une cité, sur Internet ou au boulot, il est devenu l’ingrédient majeur de toute union. Ce qui n’empêche aucunement les traditions de jouer. Le mariage de convenance a la vie dure : on continue généralement de s’épouser entre gens compatibles socialement, culturellement et économiquement mais à cela s’ajoute et prédomine (idéalement) l’impérieuse nécessité de ressentir pour l’être compatible un amour total et inconditionnel.

Or, l’enfant de bohème a tendance à être nomade. Son ignorance de la loi nuit à sa fiabilité. Ignorant les frontières, il pousse à s’unir des personnes dont le substrat culturel rend la vie commune difficile.Dans certains cas, la cécité est passagère et quand les yeux se décillent… L’amour, tout versificateur  sérieux vous le dira ne rime pas avec toujours (il y a un S de trop). En faisant de cet élément versatile, fugace, basé sur l’illusion le ciment d’une union, on fait comme le bâtisseur fou qui penserait que le seul sable suffit à la solidité de ses parpaings.

Ajoutez à cela que la société contemporaine rend les êtres à la fois plus mobiles et moins dépendants que les  paysans  d’hier attachés à leur lopin, continuateurs d’une lignée pour qui désunion eût rimé avec catastrophe (rime misérable !).

Si on charge l’AMOUR (découvrez-vous devant notre maître), d’assurer un quelconque lien durable entre des personnes capables individuellement de subsister matériellement et socialement on court à l’échec. Il faudrait, pour que l’union tienne, que viennent s’ajouter ou se substituer au feu des premiers enthousiasmes, un agrément de la compagnie, des goûts communs,  une estime réciproque, des responsabilités partagées (notamment envers les enfants nés de l’union), une solidarité, une assistance mutuelle et des milliers d’autres petites choses.  Le peu de succès que connaissent dans une société « moderne » les notions que je viens d’évoquer explique que souvent mariage rime avec naufrage et que de ce fait l’institution a un sacré coup dans l’aile.

Le succès du PACS est en lui-même la preuve de l’obsolescence du mariage. Comment sinon expliquer que ceux qui le contractent soient dans leur immense majorité des hétéros que rien n’empêche de convoler en justes noces devant Monsieur (ou Madame) le Maire et de voir ainsi leur union reconnue par la société ?  S’en foutraient-ils comme de l’an quarante ? Renâcleraient-ils devant le peu de contraintes qu'impose encore une union plus formelle ? En 2010, le nombre de PACS s’élevait à 200 000 tandis que celui des mariages, toujours en chute était de 250 000. Si la chute continue, verra-t-on bientôt ces derniers être dépassés par leur concurrent ?

Le mariage pour tous est un combat d’arrière garde : il s’agit d’offrir aux homosexuels ce qu’un nombre de plus en plus élevé d’ayant droits refuse. Au nom de quoi ? De la reconnaissance sociale ? Tu parles, Charles ! Comme si un passage devant un homme (ou une femme) écharpé de tricolore pouvait changer la perception de quiconque sur une union quelconque ! De l’AMOUR ? Ne l’ont-ils pas déjà et est-ce bien sérieux ? Au nom de la sécurité ? Quand un mariage sur deux finit par le divorce, celle-ci est très relative. Au nom de la protection des enfants qu’ils ont déjà ? Au nom des enfants qu’on leur permettrait également d’adopter ?  Cette protection, dans un monde si mouvant serait  bien illusoire !

On peut très bien changer les lois sur l’adoption, la procréation assistée et tout ce qu’on voudra sans incorporer celles-ci au mariage. Sans compter qu’en conférant aux seuls mariés des droits déniés à ceux qui ne le sont pas on ne fait que perpétuer les inégalités, chose qu’un bon républicain ne saurait accepter.

J’en suis à me demander si la solution ne serait pas l’abolition pure et simple du mariage civil et son remplacement par un contrat d’union dont les modalités seraient à définir par la loi au mieux des intérêts des parties contractantes. Il pourrait se signer devant un magistrat à moins qu’un notaire ne suffise…

Le mariage pourrait continuer d’exister indépendamment, sous l’égide des cultes ou des institutions que les mariés choisiraient,  sans que ce mariage n’ait, comme c’est déjà le cas pour le mariage religieux, de valeur légale. Il unirait symboliquement ou devant Dieu ceux qui le souhaitent et qui répondent aux critères exigés par le culte ou l’institution qui y procéderaient.

Bien sûr, ce serait frustrant pour la République qui se verrait dépossédée de la seule cérémonie dont elle dispose (avec le baptême civil qui n’a jamais beaucoup marché) pour singer les cultes.

mardi 29 janvier 2013

Même pas mal !



Ça y est ! Après une journée en grande partie passée à la belle clinique, me voici débarrassé de mon carcinome.  Du moins  je le pense car je n’ai pas encore pu vérifier vu qu’en ses lieu et place mon front arbore un gros pansement  taché de sang séché. Ainsi, j’ai la noble apparence de qui s’est affronté à la porte des chiottes en un combat douteux.

La chose s’est passée sans douleur notable ni pendant ni après. Ils m’ont mis dans le coaltar si bien que le déroulement des opérations m’a totalement échappé.  La clinique, c’est comme l’armée : on n’y fait pas grand-chose mais on le fait tôt.  La dame des ambulances est venue me chercher à sept heures moins le quart comme prévu.  Nous sommes arrivés avant sept heures et demie comme il m’était demandé. Et puis ensuite, dûment dévêtu d’une sorte de blouse en intissé bleu, de jolis chaussons et d’un slip du même métal, après qu’on m’eût pris température et tension, je suis resté à attendre jusqu’à dix heures passées. J’ai fini par passer au bloc. Ensuite j’ai eu droit à un petit casse-croûte puis suivirent plus de deux heures à attendre Dieu sait quoi. Après une nouvelle prise de tension et de température, on décida que j’étais libérable  et je pus commencer à attendre l’ambulance…

On peut dire qu’on est cocooné ! Tour ça me pose question.  J’en suis à me demander qui toutes ces précautions dont on entoure le moindre acte médical sont censées protéger. On peut se dire qu’il s’agit évidemment du patient. J’ai plutôt l’impression que ce sont les praticiens qui se cachent derrière un mur de précautions généralement inutiles. Jeûne, douches à la Betadine, multiples signatures attestant l’information reçue ou l’acceptation de l’intervention*, la nécessité d’être accompagné la nuit qui suit sont-ils vraiment indispensables ?  Ne s’agit-il pas de se prémunir contre de très improbables complications génératrices d'éventuelles et couteuses poursuites ?  Ne s’agit-il pas d’une forme supplémentaire sacro-saint principe de précaution qui mène dans bien des domaines à la paralysie ?

J’ai eu  au cours de mon parcours à la clinique la confirmation de ce que je pensais depuis longtemps : mes coronaires ont été constatées totalement normales suite à une coronarographie. Cela n’empêche que depuis des années  je sois pris en charge à 100% pour des problèmes cardiaques que je n’ai pas. Seulement, aucun praticien  ne prendra le risque de cesser les traitements, de peur que je ne fasse ensuite un infarctus qui pourrait être imputé à sa négligence. On est ans le préventif…

La véritable dérive sécuritaire de notre société  ne serait-elle pas davantage  à chercher dans cette lutte contre des périls fantasmés que dans la volonté de combattre une criminalité dont la progression, elle, n’est pas imaginaire ?

*S’imaginerait-on que des chirurgiens en maraude kidnapperaient la nuit venue d’imprudents passants afin de leur faire subir contre leur gré des ablations de l’appendice, de la vésicule biliaire ou de quelconques tumeurs ? Est-il envisageable qu’un patient suive un parcours médical (généraliste, spécialiste) et que suite à leur consultation il se rende au jour et à l’heure convenue dans un établissement de santé pour y subir une intervention sans accepter cette dernière ?  D’autre part, est-il toujours suffisamment compétent pour comprendre les explications qu’on lui donne ?

lundi 28 janvier 2013

L’Angoisse du roi Salomon de Romain Gary/Émile Ajar




J’ai retrouvé ce texte dans un coin bizarre du net : le Forum psychologie de Doctissimo. Quelqu’un s était permis de l’y publier il y a 5 ans alors que je l’avais écrit sur un site dédié à mon cher Romain Gary et qui a depuis disparu.  S’il pouvait donner l’envie à quelqu’un de lire un de mes romans préférés…

Jean, un jeune autodidacte qui biberonne au dictionnaire, taxi et bricoleur de ses états, nous conte l'histoire de Salomon Rubinstein, quatre-vingt-quatre ans, enfant prodige raté reconverti dans le prêt-à-porter et amoureux d'une jeune écervelée de soixante-cinq ans, Cora Lamenaire ci-devant chanteuse réaliste, de son plus-en-état.

Ils ont tous deux connu les aléas de la guerre : lui, caché dans une cave pour persécution, elle au bras d'un voyou gestapiste par amour. Avant, ils étaient ensemble. Elle l'a « oublié » pendant quatre ans. Lui non plus. D'où rancune. Et ça fait trente cinq ans que ça dure ! Une sacrée histoire d'orgueil .

Pour sortir de là, il faudra l'habileté démoniaque d'Ary-Gajar. Salomon va se servir du gars Jeannot comme d'un appât-révélateur qu'il tend à la Cora. En quoi ça consiste au juste ? Comptez pas sur moi pour vous l'expliquer. Allez-y voir vous-même. Parce que le dénouement de l'intrigue n'est pas ce qui importe. La midinette en vous sera comblée, ça je peux vous le dire. Ce qui compte, c'est que l'auteur fait montre tout au long de l'ouvrage d'un parfait équilibrisme.

 Le sujet, c'est la vieillesse. La décrépitude. La mort. Qui rendent tout le reste vain. Qui créent l'angoisse (ou pétoche). Inévitables. Irrémédiables. Et face à ça, un Don Quichotte octogénaire en costume prince-de-Galles qui ne veut rien savoir, rien comprendre, rien abandonner. Un réac de la vie qui s'accroche à son privilège avec toute l'énergie de l'espoir. Le jeune Jean en est parfois malade ! Il y a de quoi. Mais que ça lui plaise ou non, c'est l'espérance qui l'emportera.

Deux ans avant de nous tirer sa révérence, Roman Kacew nous avait fait ce cadeau. A mon sens le plus beau de tous : un cocktail détonnant où se mêlent subtilement la profondeur de la réflexion, l'inventivité langagière d'un Ajar à son meilleur et tout l'humour du monde. Un livre triste à pleurer de rire. Un vrai livre de vie.

dimanche 27 janvier 2013

Faut-il croire TOUT ce qui se dit à la télévision ?



Spontanément, je serais tenté de répondre par l’affirmative. Les journalistes, de manière générale et ceux de la télé en particulier, sont des personnes dévouées corps et âme à ce qu’il faut bien appeler leur apostolat.  Traquer la vérité n’est pas toujours chose aisée et la manière dont ils y parviennent laisse deviner la somme incroyable d’efforts qu’ils déploient dans ce but.

Toutefois, il arrive que certaines informations me troublent : ce samedi même durant son passionnant journal de treize heures,  la toujours jeune et belle Claire Chazal  nous annonça qu’en Normandie il était tombé de deux à cinq centimètres de neige et que celle-ci avait bien vite fondu.  

Cette nouvelle me perturba grandement car  un simple coup d’œil à la fenêtre me permettait de voir, comme en attestent la photo qui suit et que j’ai prise vers 14 heures, qu’en fait de  deux à cinq centimètres, il semblait y en avoir largement le triple de la fourchette haute annoncée et que pour ce qui était d’avoir bien vite fondu, il n’en était rien.


Cela mes plongea, comme vous vous en doutez, dans des abîmes de perplexité.  Comment expliquer une telle distorsion entre information et réalité ?

J’ai envisagé différentes possibilités
1.       Contrairement à ce qu’on m’a fait accroire, je n’habite PAS en Normandie
2.       Il s’agissait d’une moyenne : l’épaisse couche d’ici compensant l’absence totale de précipitations sur d’autres parties de cette belle province
3.       Le centimètre normand serait 3 à 4 fois plus long que le centimètre parisien
4.       En patois bas-normand, « fondre » est synonyme de « persister »
5.       Les syndicats d’initiative du bocage auraient sciemment menti aux enquêteurs de TFI afin de ne pas nuire à la réputation touristique de l’endroit.
6.       Alors que sur le reste de la province le climat est doux nous souffrons d’un microclimat particulièrement dégueulasse

Je me suis vu contraint après vérification de repousser les quatre premières possibilités. La cinquième me paraît peu vraisemblable vu que l’éthique des syndicats d’initiative est elle aussi au-dessus de tout soupçon.  Restait la dernière. Mais la retenir reviendrait à reconnaître que Mme Chazal  ne nous a fourni que des informations  partielles et qu’elle aurait dû ajouter « sauf sur les collines du bocage où, à cause d’un microclimat particulièrement dégueulesse, il en est tombé entre 15 et 20 centimètres qui ne sont pas près de fondre. »

J’avoue que cette approximation nuit à la profonde confiance que j’avais en l’information télévisuelle : je frémis en envisageant que sur des sujets encore plus importants la fiabilité des informations qu’on nous communique ne soit pas meilleure. Où irions-nous en ce cas ?