..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

jeudi 5 février 2015

Trahison ou cohérence ?



Charles De Gaulle, politicien madré, sauveur de la France à l’occasion, traversait le désert depuis plus de douze ans. « Quand t’es dans le désert, depuis trop longtemps », je ne sais pas si « tu t'demandes à qui ça sert toutes les règles un peu truquées du jeu qu'on veut te faire jouer les yeux bandés » comme disait Capdevielle mais sans pays à sauver, un Général providentiel, ça doit s’emmerder ferme. Sa « certaine idée de la France » ne correspondait pas bien à la réalité du pays sous la quatrième, livrée aux combinaisons partisanes entraînant une instabilité ministérielle où régnaient les Mitterrand (11 fois ministre) et autres politiciens cyniques grâce aux partis-charnières ; depuis fin 1954 était venu s’ajouter le bourbier algérien où le régime pataugeait avant d’y sombrer. Suite aux événements d’Alger en mai 1958, le bon Général rempile comme sauveur. Se faisant une douce violence, il cède aux impérieuses sollicitations de ses amis et devient le dernier président du conseil de la IVe, le 1er juin. Trois jours plus tard, du balcon du Gouvernement Général d’Alger, il lance à une foule qui voit en lui son sauveur, son célèbre :

JE VOUS AI COMPRIS !

Phrase ambiguë ! Comprendre n’est pas approuver et encore moins soutenir. Avec effort, je parviens à comprendre le désir de M. Hollande de rester président en 2017. Je ne l’approuve pas plus que je ne voterai pour lui…

Toujours est-il que le père Charles, si tant est qu’il l’ait été en ce beau jour de juin, ne resta pas longtemps partisan de l’Algérie Française. Ainsi, cette déclaration rapportée par Alain Peyrefitte, en date du 5 mars 1959 et citée par Lebuchard courroucé laisse planer peu de doutes sur son total scepticisme quant à la possibilité d’intégrer les populations algériennes à la France. En résumé, pour le Général, les musulmans d’Algérie ne sauraient se mélanger à une population française aux racines gréco-romaines et chrétiennes. Du fait de son dynamisme démographique, et du niveau économique supérieur de la métropole, ces populations deviendraient vite majoritaires dans l’Hexagone et son village deviendrait Colombey-les-Deux-Mosquées. Mane, thecel, phares !

On continua bien la guerre afin de négocier en position de force… Je passerai sous silence les sanglantes péripéties qui suivirent. Je me bornerai à évoquer l’attitude de la France vis-à-vis des harkis, ces Algériens ayant combattu aux côtés des Français. La directive ministérielle du 15 juillet 1962 émanant de Louis Joxe, ministre des affaires algériennes, stipulait : « Je vous renvoie, au fur et à mesure, à la documentation que je reçois au sujet des supplétifs. Vous voudrez bien faire rechercher, tant dans l'armée que dans l'administration, les promoteurs et les complices de ces entreprises de rapatriement, et faire prendre les sanctions appropriées. Les supplétifs débarqués en métropole, en dehors du plan général, seront renvoyés en Algérie, où ils devront rejoindre, avant qu'il ne soit statué sur leur destination définitive, le personnel déjà regroupé suivant les directives des 7 et 11 avril. Je n'ignore pas que ce renvoi peut-être interprété par les propagandistes de la sédition, comme un refus d'assurer l'avenir de ceux qui nous sont demeurés fidèles. Il conviendra donc d'éviter de donner la moindre publicité à cette mesure ». Ainsi quiconque favoriserait le « transfert » des harkis serait sanctionné et ces derniers seraient renvoyés sans pitié vers un possible assassinat. En gros : « Accroche-toi au pinceau, je retire l’échelle ! ».  On a vu plus chevaleresque. Il y eut bien des exceptions. Ainsi deux avions militaires permirent au Bachaga Boualam de rejoindre la France en compagnie de sa famille et d’une partie de sa harka et de s’installer en Camargue. Il faut dire qu’il était encore vice-président de l’Assemblée Nationale et héros de la seconde guerre mondiale. L’abandonner à la vengeance du FLN eût fait désordre. Sans qu’on puisse en donner le nombre avec exactitude, on estime que 90 000 personnes furent transférées en France et qu’entre 60 et 70 000 furent massacrés en Algérie.

Tout ça est bien atroce et peu glorieux. Bien qu’ayant autorisé l’enrôlement massif de harkis, le Général, en les abandonnant en 1962, se montrait cohérent avec sa position de 1959 évoquée  plus haut. Accueillir en tant que réfugiés les quelque 160 000 harkis, tous les  algériens plus ou moins compromis avec les autorités françaises et leurs familles eût signifié un afflux soudain de un à deux millions de musulmans alors que l’intégration des 800 000 pieds noirs ne se faisait déjà pas sans problèmes. Les harkis furent donc pour certains immolés sur l’autel de la raison d’état et d’ « une certaine idée de la France » selon laquelle, pour reprendre les paroles de de Gaulle, « C’est très bien qu’il y ait des Français jaunes, des Français noirs, des Français bruns. Ils montrent que la France est ouverte à toutes les races et qu’elle a une vocation universelle. Mais à condition qu’ils restent une petite minorité. Sinon, la France ne serait plus la France ».

M. Giscard d’Estaing et ses successeurs ne se montrèrent pas aussi soucieux de la conservation de l’identité française. Et nous voici aujourd’hui avec une France « diverse » parcourue de courants contradictoires où certains se veulent « pluriels », « ouverts » tandis que d’autres en gardent une vision plus gaullienne. Qu’on le veuille ou non, les problèmes d’intégration que prévoyait le Général sont là et bien là. On nous parle même d’ « apartheid »…

Quelle morale tirer de ce triste épisode ? A mon sens : aucune. Raison d’État, politique et morale entretiennent peu de rapports.  Quand on tente de les mêler, il se peut que ce noble dessein entraîne de peu réjouissantes conséquences…

mercredi 4 février 2015

L'inde (2)



L’aspect le plus amusant de ce pays est sa ou plutôt ses cultures. Ainsi en plus de l’anglais et de l’hindi, y compte-t-on 21 autres langues officielles que l’on parle avec volubilité et un accent rigolo. Du point de vue religieux, l’hindouisme domine à 80%, suivi par l’islam et tout un tas de religions plus ou moins originales comme le sikhisme (qui permet de substantielles économies de coiffeur), le christianisme, le bouddhisme qui bien que né en Inde y regroupe moins de 1% de fidèles, le zoroastrisme ou le jaïnisme. Ce qui ne va pas sans provoquer de temps à autre de menues échauffourées inter-communautaires durant lesquelles on s’étripe avec ardeur, conscience et sagesse (la sagesse est, comme chacun sait, une grande spécialité du pays : il fut un temps où il en exportait à tour de bras).

L’hindouisme comporte une palanquée de dieux dont le célèbre Ganesh qui a une tête d’éléphant (ce qui à mon sens n’est guère mieux qu’une tête de cochon). L’hindouisme répartit les hommes en quatre castes et en hors-castes ou intouchables, ce qui le différencie du gauchisme qui n’en discerne que deux : les gentils et les fascistes. Les brahmanes, caste la plus élevée, se voient interdit toute viande mais les castes inférieures sont autorisées à manger du poulet ou du mouton. Les intouchables étant impurs par nature peuvent se taper la cloche, à condition d’en avoir les moyens. On hérite de sa caste et on s’y marie, ce qui a pour effet de mettre l’ascenseur religieux en panne définitive. Les mariages y sont arrangés au contraire de chez nous où on les met au rancart dès le moindre accident de fonctionnement. La vieille coutume de brûler les veuves sur le bûcher de leur mari défunt est en totale désuétude ce qui complique la tâche des âmes chevaleresques qui auparavant n’avaient à secourir que les orphelins. Par pitié, nous ne nous étendrons pas sur les fakirs (qui eux le font sur des planches à clous ou se promènent sur des charbons ardents) ou les sâdhu (sortes de clochards hirsutes qui parcourent les routes en mendiant leur pain parfois nus et couverts de boue) et que les locaux considèrent comme de saints hommes.

En matière architecturale, les temples hindous se caractérisent par une statuaire abondante que certains qualifieraient de chargée. Rehaussés de couleurs vives, ils ne sauraient passer plus inaperçus que les constructions d’un quelconque Disneyland. Quoiqu’on en dise ou pense, ils sont cependant plus agréables à l’œil que les bidonvilles de Calcutta ou de Bombay.

Pour ce qui est de la poésie et de la littérature indienne, je n’en dirai rien vu qu’elle est totalement incompréhensible. Non seulement elle s’écrit avec des caractères pour le moins bizarres mais une fois qu’on maîtrise ces derniers, on se trouve lire les mots incompréhensibles d’une langue étrangère, ce qui est un comble !  Il y a fort à parier que l’intérêt des textes indiens ne mérite pas vraiment qu’on se donne la peine d’apprendre graphies et langues.

L’industrie cinématographique indienne est, en volume du moins, la première du monde. Son principal centre de production, surnommé Bollywood,  est situé à Bombay. On y produit par centaines des films où il est question d’amour, de haine, de tromperies, de vengeances, de guerre, de paix, de recettes de clafoutis (plus rarement) bref, de rien de bien original ou qui mérite qu’on s’y attarde. Ce qui fait la grande différence entre le cinéma d’Ingmar Bergman et les productions bollywooodiennes, c’est que dans ces dernières on chante et on danse beaucoup plus et que les Suédois les jugent moins hilarants.

Enfin, l’Inde possède une cuisine qui ne manque pas d’intérêt ni d’épices. J’en suis moi-même friand, sauf des plats combinant marrons et cochon du pays. Maintenant, peut-on, sans cruauté, la conseiller aux dyspeptiques ?

Nous voici, chers lecteurs, arrivés à l’heure délicate de la décision, celle où, en toute connaissance de cause, on envisage ou pas d’aller vérifier si le géographe ne vous a pas raconté des sornettes. Je peux vous assurer que tous les faits mentionnés ici sont rigoureusement exacts. S’ils ne vous détournent pas d’envisager un voyage en Inde, je me demande sincèrement ce qu’il vous faut.

mardi 3 février 2015

L'Inde (1)



Le qualificatif que l’on attache le plus souvent à l’Inde est «mystérieuse». Quoi de plus respectable qu’un mystère ? Je vous le demande ! Aussi éviterons-nous de nous montrer trop exhaustif afin de ne pas trop déflorer ce dernier même si se montrer bref sur un si gros morceau est impossible.

On parle parfois de sous-continent indien. A mon avis, c’est très exagéré vu qu’il n’occupe même pas le tiers de la surface de l’Europe qui est déjà un très petit continent. Quoi qu’il en soit, ce pays a grosso-modo la forme d’un triangle reposant sur sa pointe, en tout cas, il se rapproche bien plus de cette figure géométrique que ce qu’il est convenu d’appeler l’hexagone ne le fait de la sienne. Pourtant, à ma connaissance, personne ne l’appelle « Le Triangle ». Encore un mystère… Baignées par l’Océan Indien ses côtes sont probablement sablonneuses quand elles ne sont pas rocheuses et vice-versa. Au nord, se trouve une chaîne montagneuse appelé Himalaya caractérisée par la hauteur de ses sommets dont certains dépassent allègrement les 8000 m mais vont plutôt faire ça au Népal. Le pays a des frontières terrestres avec le Pakistan, la Chine, le Népal, le Bhoutan, le Bangladesh et la Birmanie (rebaptisée Myanmar en 1989, histoire de gagner quelques points au scrabble). Preuve qu’on ne choisit pas ses voisins. Le pays est arrosé par de nombreux fleuves dont le plus connu, le Gange, est sacré ce qui rend jaloux nombre de ses collègues. Ses eaux putrides parcourent  le nord du pays avant d’aller noyer un nombre non négligeable de Bangladais qui ont eu la sottise de s’installer dans son delta puis de se jeter dans le Golfe du Bengale. Les autres ne sont pas mal non plus mais leur nom ne vous dirait rien. La forêt indienne occupe beaucoup de place malgré des efforts constants de déforestation. Toutes sortes d’espèces sauvages la peuplent dont le célèbre tigre du Bengale dont la taille est nettement supérieure à celle de son homologue de Seine-et-Marne et qui ne se prive pas de manger de temps à autres hommes, femmes ou enfants sans que ça ait une influence notable sur la démographie. Car le pays est très peuplé. Il y aurait en effet pas loin d’1,3 milliards d’indiens et pas de cow-boys ce qui explique que contrairement aux USA ils y tiennent le haut du pavé et que leurs westerns manquent d’intérêt.

L’histoire de l’Inde est assez complexe, ce qui l’apparente à celle d’autres pays. A la préhistoire (indienne) succéda l’antiquité (indienne encore) puis le moyen-âge (toujours indien). Ces périodes virent fleurir diverses religions et royaumes dans le détail desquels rentrer serait fastidieux. Il faut attendre le XVIe siècle pour que les Moghols viennent unifier ce bazar en un empire. A partir du XVIe siècle les Européens établissent en Inde des comptoirs où les locaux viennent boire des coups et taper le carton tout en causant business. Les sujets de Sa Gracieuse Majesté finiront par arracher le morceau via une compagnie commerciale puis, suite à la révolte des Cipayes, en 1857-58, une fois le dernier empereur Moghol déposé, la compagnie sera dissoute et le pays passera sous l’autorité directe de la couronne britannique, la reine Victoria (God bless her !) devenant  Impératrice des Indes en 1876. Bien qu’habitués à la misère et aux famines, les Indiens finirent par trouver pesant le joug britannique. Un certain Mahatma (titre qui signifierait « Grande âme » bien que la taille ou la superficie d’une âme soit difficilement évaluables) Ghandi prit la tête des contestataires. Il mena des actions non-violentes, fit des grèves de la faim, bref, sema le dawa jusqu’à ce que, lassés de tant d’ingratitude les Britanniques accordent l’indépendance aux Indiens en 1947. S’ensuivit des affrontements sanglants entre musulmans et Hindouistes, la partition du pays, l’exode de millions de personnes, accessoirement l’assassinat du Mahatma et une première guerre Indo-pakistanaise. La routine, quoi. Depuis, l’Inde est devenue une république parlementaire et fédérale dont on assassine volontiers les dirigeants surtout lorsqu’ils s’appellent Gandhi et sont les descendants du Pandit (faute d’avoir une âme bien vaste, il était « savant », ce qui n’est pas mal non plus) Nehru. A part ça,  l’Inde va son petit bonhomme de chemin, de violences religieuses ou de castes en guerres avec le Pakistan ou la Chine…

Du point de vue économique, l’Inde, sans faire des étincelles, a, depuis les années 90 du siècle dernier, connu une expansion remarquable. Il faut dire que, comme son voisin chinois, elle partait de si bas que l’inverse lui eût été fatal.  Toujours est-il qu’en PPA (parité de pouvoir d’achat) elle occuperait la troisième place mondiale et qu’en dollars elle se classerait douzième ce qui est mieux que le Pérou.  D’une économie largement basée sur le vol des vêtements mis à sécher par le voisin, on est passé à des industries modernes comme le textile, la téléphonie, les mines, la pharmacie, la construction automobile, le spatial, pour ne citer que les plus importantes. L’agriculture produit un peu de tout et atteint les premières, deuxièmes et troisièmes places pour bien des produits ce qui, vu sa population n’a rien que de très logique. L’amélioration de sa productivité a même permis à un pays traditionnellement  adepte des famines de devenir exportateur de produits alimentaires, c’est vous dire les progrès. Cela n’empêche qu’y subsistent tant dans les campagnes que dans les bidonvilles des grandes agglomérations une misère à faire pâlir d’envie la chine.

lundi 2 février 2015

L’éléphant (2)



La cohabitation entre l’homme et l’éléphant, comme l’ont vite compris les Limougeauds, ne va pas sans poser de problèmes. Doté d’un appétit égal sinon supérieur à celui du pygmée, il a tendance à ravager les cultures et accessoirement, tant il est balourd, à écrabouiller quelques cases et leurs habitants quand il gambade. Du coup, l’habitant des savanes, dont la fierté ne saurait cacher le caractère irascible, a pris l’animal en grippe et a tendance à le zigouiller quand les gardes-chasses sont occupés à vérifier si l’appétit sexuel des femmes pygmées est égal à celui de leurs hommes en matière de nourriture. Le côté cabochard et largement imprévisible de l’éléphant ainsi que les problèmes d’accidentologie que risquerait de provoquer leur déambulation sur le réseau routier ont fait remettre à plus tard un projet de réintroduction du proboscidien dans la plaine de Beauce. Preuve s’il en est besoin qu’il est plus aisé d’être en faveur de sa libre divagation quand on vit à plusieurs milliers de kilomètres de son aire de répartition que quand on l’a en face de soi et qu’il charge.

L’industrieux asiatique a su tirer un autre profit des éléphants qui peuplent son continent. Plus petit que son cousin africain et doté d’un caractère moins fantasque, ils furent depuis la plus haute antiquité (4500 ans avant notre ère dans la vallée de l’Indus) domestiqué et employé à des tâches civiles ou militaires. Citons, plus près de nous et dans ce dernier domaine le célèbre Carthaginois Hannibal qui franchit, bien avant la caravane du cirque Bouglione, les Alpes avec ses éléphants et Alexandre le Grand qui en fit, comme chacun sait ou devrait savoir, participer quelques uns à la bataille de Gaugamèles en octobre 331 avant notre ère. Toutefois, les éléphants de guerre s’ils impressionnaient par leurs taille et semaient l’effroi parmi les rangs de l’adversaire présentaient le léger défaut d’avoir tendance à fuir si on les effrayait, écrabouillant au passage les combattants de leur camp. C’est pourquoi ils ne dépassèrent qu’exceptionnellement les grades de caporal-chef ou de sergent. 

Dans le civil, ils furent utilisés comme animaux de  trait ou de transport. Dans les forêts, ils étaient employés au débardage des troncs et c’est pourquoi, bien que le fait soit peu connu,  les vêtements sans manches confectionnés à l’origine en peau d’éléphant d’Asie prirent le nom de « débardeurs ». Le transport à dos d’éléphant connut son heure de gloire mais son interdiction sur les autoroutes au nom du sacro-saint principe de précaution l’a fait régresser. De nos jours, il est surtout utilisé pour épater le touriste que ce soit en se livrant à des pitreries sur la voie publique (triple salto arrière vêtu d’un tutu rose, etc.) ou comme animal d’apparat par les maharajahs qui en ont encore les moyens. L’éléphant d’Asie est censé bénéficier d’une grande intelligence : il serait capable d’assimiler jusqu’à trente ordres (dont l’ordre alphabétique et l’ordre chronologique). Moins futé, celui d’Afrique n’obéit à personne.

On attribue à l’éléphant quel que soit son continent d’origine une mémoire phénoménale : il pourrait  réciter la table de multiplication par sept, plusieurs tirades de Corneille ou de Racine, se souvenir du menu servi à la communion de chacun de ses neveux ainsi que de citer la date et l’heure de TOUTES les apparitions télévisuelles du président Hollande depuis son élection. En fait, et jusqu’à preuve du contraire, je pense qu’il s’agit là d’une légende qui ne repose que sur les témoignages de piliers de bistro dont l’exactitude est aussi douteuse que la couleur rose qu’ils attribuent aux spécimens qu’ils côtoient

Je m’aperçois que je n’ai fait qu’esquisser quelques uns des traits qui rendent cette bête odieuse. Par crainte d’être long, je vous renvoie aux traités d’éthologie à elle consacrés confiant que je suis qu’ils vous permettront de la juger avec toute la sévérité qu’elle mérite.

dimanche 1 février 2015

L’éléphant (1)



« Mon âme ne connaîtra de paix que lorsqu’on aura empalé le dernier éléphant sur la corne du cadavre du dernier rhinocéros »
Saint François d’Assise, in Pour en finir avec les pachydermes

L’éléphant a ceci de commun avec le tigre, l’otarie, le chameau et le clown d’être très rare à l’état sauvage dans les collines du Mortainais, les quelques spécimens qu’on peut y observer appartenant généralement à des cirques de passage au triste spectacle desquels nul n’est contraint d’assister. Son absence explique en grande partie mon choix d’y résider. Il se trouve que de longues années de réflexion sur le sujet m’ont conduit, à l’instar du Poverello,   à concevoir vis-à-vis des pachydermes en général et de ce proboscidien en particulier une aversion qu’on ne saurait qualifier de phobique tant elle est rationnelle.

Quoi de plus disgracieux, de plus nuisible et de plus grossier qu’un éléphant qu’il soit d’Afrique d’Asie, de Limoges* ou socialiste ? Déjà son nom devrait nous mettre en garde : il est en effet dérivé du grec ἐλέφας signifiant à la fois ivoire et, par synecdoque, éléphant. Le seul choix de cette figure de style montre à quel point cette bête est prête à tout pour s’arroger une valeur qu’elle n’a pas. Notons au passage que le preux Roland, pour appeler à sa rescousse son Charlemagne de tonton, souffla dans son olifant. Or qu’est-ce qu’un olifant, sinon une déformation du nom de cet infâme pachyderme ? Comment s’étonner dès lors que personne ne vint le secourir à temps ? N’ayant pas été élevé à la cour d’Aachen, je ne me serais jamais permis une pratique aussi révoltante dont les effets en matière de son équivalent à ceux qu’on obtient en pissant dans un violon. Mais foin de digressions, venons-en aux tristes faits.

L’éléphant d’Afrique vit soit dans la savane, soit dans la forêt. Dans l’un et l’autre cas, il fait l’objet d’une chasse sans merci tant le fier homme des plaines herbeuses et le vorace pygmée sont friands de sa chair dont le goût rappelle celui de la girafe avec en plus des arômes de fruits rouges et de balayures d’atelier de mécanique générale. Bien que de petite taille, le pygmée est doté d’un solide appétit : un éléphant cuit à la broche est le repas traditionnel qu’offre un célibataire à son futur beau-frère en vue d’obtenir son soutien lorsqu’il demandera la main de sa sœur (les oreilles et la queue, peu digestes sont données aux chiens ou aux matadors de passage qui en raffolent).

 Seulement, cet ingrédient de base de la gastronomie africaine (nous ne saurions trop recommander l’éléphant et son coulis de mangue cuisiné en papillote) présente en dehors de ses éminentes qualités gustatives un intérêt économique certain du fait qu’il fournit un sous-produit appelé la défense. Après avoir constaté que, quel que soit le temps de cuisson qu’on lui consacre, la défense demeurait indigeste, l’homme préhistorique remarqua qu’elle pouvait être utilisée pour façonner divers objets comme des boules de billards ou des statuettes dont l’aspect rappelait celui des plastiques les plus fins. Les Grecs, furent également séduits par cette matière au point d’orner leurs temples de monumentales statues chryséléphantines (pour ceux qui se seraient montrés distraits lors de leurs cours d’histoire de l’art grec : faites d’or et d’ivoire). Celle qui ornait le temple de Zeus à Olympie, œuvre de Phidias, fut même considérée comme la troisième merveille du monde, ce qui n’est pas rien. Ce goût pour l’ivoire perdura et mena à la création d’un trafic hautement rémunérateur qui connut une grande expansion avec la propagation des armes à feu. En effet, sa chasse traditionnelle, qui s’opérait à l’aide d’une épuisette, requérait une nombreuse main d’œuvre et donc en augmentait considérablement le coût. De nos jours, une balle dum dum entre les deux yeux, deux coups de tronçonneuse et l’affaire est dans le sac. Quel progrès !  Seulement, à force de se faire braconner, l’éléphant vit son nombre se restreindre dangereusement et des âmes généreuses prirent sa défense (ce qui est paradoxal vu que c’était exactement ce qu’on reprochait aux braconniers). Le commerce de l’ivoire fut prohibé mais le massacre continua.

*L’espèce a heureusement disparu suite à la chasse dont il fut l’objet de la part des porcelainiers dont il ravageait les magasins.