..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

samedi 13 décembre 2014

L’affaire du siècle !



Jeudi matin, alors qu’encore en pyjama j’émergeais avec peine d’une première nuit reposante après six jours d’errances, j’aperçus Raymond pousser le portail puis venir frapper à mon huis. Que me valait cet honneur ? Vu que ce n’était pas la saison des ventes d’agneaux, venait-il me demander de lui rendre quelque menu service ?  J’ouvris. Le but de la visite me fut vite exposé : il avait pris la sage décision de faire rénover ses toits de maisons par une entreprise. 2000 € pour celle d’en face, 3000 € pour celle du bourg. Grâce à l’application d’une résine miracle, après décapage et démoussage, ses couvertures retrouveraient leur beauté d’antan. Soucieux de faire profiter l’humanité entière de ses précieux services, l’entrepreneur lui avait donné sa belle carte afin que je puisse au plus tôt le joindre par téléphone afin de convenir d’un rendez-vous qui nous permettrait d’établir un devis en vue de rendre à ma toiture grisonnante son noir-bleuté d’origine. Selon mon bon voisin, je pouvais joindre ce philanthrope le jour même, voire, à l’extrême rigueur, le lendemain. Je remerciai le messager de mon potentiel sauveur,  pris la carte, et lui souhaitai une bonne journée.



En fait, je me trouvais pantois devant le sentiment d’urgence que trahissait la démarche de Raymond, vu que la rénovation de ma toiture ne faisait pas plus partie de mes priorités du moment que de celles à venir. En conséquence les chances pour que je téléphone à l’artisan étaient inexistantes. Hélas, on n’échappe pas à son destin. Alors qu’hier je m’apprêtais à confectionner le sandwich qui me tient lieu de déjeuner, je vis une voiture se garer dans mon entrée, deux hommes en sortir et, affrontant une pluie battante, venir frapper à ma porte.



Vu la force des précipitations, que faire sinon les prier d’entrer ?  Mon hospitalité n’alla pas jusqu’à leur offrir un siège mais, résolus, c’est eux qui me demandèrent la permission de s’asseoir. Ils sortirent plaquette publicitaire, tablette et portfolio et se mirent en demeure de m’expliquer tous les avantages que je tirerais de leurs (provisoirement) inestimables services. Photos avant/après, contrat de garantie décennale, précisions sur les techniques mises en œuvre, ancienneté et sérieux de l’entreprise, modicité des tarifs pour lors mystérieux, rapidité d’exécution, urgence de l’intervention, rien ne me fut épargné. Distrait mais poli, je les écoutais comme je l’aurais fait si  deux zozos m’avaient vanté les avantages inouïs que je tirerais de l’achat de trois tonnes de scoubidous multicolores ou d’une machine à récolter l’ananas.  



On finit par en venir à l’essentiel, à savoir à quel montant s’élèverait le prix de ma félicité. Ce fut vite fait. Ayant préalablement évalué la surface de mon toit, le chiffre tomba : 5343 €. « Ah, tout de même, m’étonnai-je ! ». Bien entendu viendrait s’ajouter à cette modique somme 10% de TVA. On approchait les 6000 €. Toutefois, voyant que la modicité de la somme ne m’avait pas frappée, ils se montrèrent prêts à tous les sacrifices. Allez, tiens, c’est bien parce que c’était moi, ils me consentiraient l’ancien tarif : 3 € de moins au m2 ! Un coup à ne pas gagner l’eau de leur soupe mais quand on a bon cœur, on se voit contraint à obliger…



Hélas, tant de grandeur d’âme me laissa de marbre et je me vis contraint à leur avouer que leur proposition, malgré tous ses mérites, ne m’intéressait pas. Ils en conçurent une visible amertume du genre que ressentirait un ange vous ouvrant les portes du paradis à qui vous répondriez que vous préféreriez passer votre éternité à Argenteuil. Je leur demandai de me laisser leur devis au cas où, les années passant… J’essuyai un net refus. Une telle affaire ne se représenterait plus. C’était tout de suite ou maintenant… La politesse me souffla d’évoquer un éventuel appel téléphonique, le jour venu : inutile. Ils partirent dépités.



Je me demande quel est le pourcentage de gens qui, sans consulter la concurrence, s’empressent de dépenser près de 6000 € en vue de travaux qu’ils n’envisageaient pas d’effectuer. Je souhaite à mes visiteurs qu’il soit élevé et à ceux qu’ils visitent qu’il soit inexistant. Nouvelle preuve, s’il en était besoin, qu’il est difficile de contenter tout le monde et son père.

vendredi 12 décembre 2014

Mettons fin à un scandale !



Voyager instruit. Visiter des endroits populaires encore plus. Une promenade à Collioure même en morte saison inspire à l’esprit distingué une foule d’émotions esthétiques mais aussi d’amers constats et le désir de mettre fin à certains abus.



A ceux qui l’ignoreraient j’apprendrai que ma compagne, Nicole, possède un petit animal de compagnie appartenant à la sous-espèce Canis lupus familiaris de race Yorkshire terrier.  J’ai ailleurs dénoncé la nature sanguinaire de cette bête qui comme bien des criminels dangereux bénéficie d’une physionomie avenante apte à tromper les braves gens sur sa véritable personnalité. Et c’est là la source du problème que je voudrais évoquer. Sa taille réduite, sa frimousse sympathique ont pour effet que, dès lors qu’on se trouve en un lieu passager on est en butte à de multiples agressions. La plupart venant d’enfants ou de vieilles dames. On ne peut pas faire un pas sans, dans le meilleur des cas,  entendre des commentaires flatteurs sur les qualités esthétiques de l’animal, et, dans le pire, voir enfants ou mèmères à chien-chien s’accroupir afin de lui caresser la tête après s’être assuré qu’une telle manœuvre n’entraînerait aucun danger de morsure.



C’est tout simplement inadmissible.  Voilà une bestiole qui ne demande à la vie que de pouvoir aller renifler de ci-de là à la recherche de traces olfactives laissées par ses congénères et qui ce faisant se voit perpétuellement dérangée dans son innocente quête par ce qu’il faut bien appeler des harceleurs sans vergogne.



Mettez-vous à sa place.  Imaginez que chaque fois que vous sortez acheter votre baguette ou votre journal vous vous voyiez apostrophé tous les trois pas par des personnes saluant vos atouts physiques ou s’arrêtant pour vous caresser la tête ou le dos ? On me dira que certaines (plus ou moins) jolies femmes sont en partie victimes ce genre de harcèlement. Elles se voient adressé des sifflets ou de lourds "compliments" de la part de rustres. Toutefois, si l’ouvrier du bâtiment ou le teneur de murs s’aventuraient qui à descendre de son échafaudage, qui à quitter son point d’appui pour aller caresser les cheveux ou le dos de la femme en question, cette dernière serait en droit de faire appel à la force publique pour mettre un terme à ces excès. Pour le Yorkshire, rien de tel. Si son propriétaire s’aventurait, de la voix ou du geste, à remettre à leur place les importuns, c’est lui qui se verrait blâmé par une foule hostile.



Cela dit, que faire ? La solution serait-elle de renoncer au York et de se rabattre sur le Pitbull ou le Rottweiler qui, bien qu’appartenant à la même sous-espèce, semblent provoquer nettement moins de ces familiarités déplacées ?  Ne serait-il pas plus raisonnable que le gouvernement ou le parlement promeuvent une loi apte à mettre fin à ce scandale ?  Ou que, faute de légiférer, une campagne de sensibilisation du public vise à décourager ces inadmissibles pratiques et faire accepter par ceux qui s’y livreraient qu’une magistrale gifle ou un bon coup de pied dans les tibias vienne sanctionner leurs audaces ?

PS : Vu les nombreuses critique faites à l'air lugubre que révélait ma photo d'hier, je vous en propose une plus souriante : 

jeudi 11 décembre 2014

Retour !



Huit jours entiers sans le moindre petit bout de commencement d’un semblant de billet. C’est bien la première fois que ça arrive depuis plus de trois ans.  Comme quoi les pires addictions se dominent. Il faut dire que 4 journées passées à conduire, les soirées au restau, les emplettes en Espagne, le temps passé entre amis ne m’ont laissé aucun temps pour m’adonner à la passion du blogage. Des mornes plaines poitevines aux causses du Quercy où subsistent tant bien que mal d’étiques chênes, des pluies de l’ouest à la Tramontane balayant sans merci la plaine du Roussillon, des contreforts montagneux du Limousin aux massifs des Albères, des Corbières  ou des Pyrénées, on en a vu du pays.



Et puis les retrouvailles où se mêlent joie, tendresse, mélancolie. Revoir, après vingt ans de quasi absence, une amie qui fut si proche, qui accompagna vingt ans de jeunesse n’est pas rien. Tout et rien n’a changé. Certains ont disparu, tous ont vieilli. Tel jeune sportif n’est plus que l’ombre évanescente de lui-même, les parents sont morts ou ne valent guère mieux perdus qu’ils sont dans le labyrinthe de leur gâtisme. On évoque les anciens conjoints perdus de vue, les bambins qu’on a vus naître atteignent la trentaine. On évoque les bringues et coucheries de nos folles jeunesses, les amours disparues, on rit des petits drames qui nous avaient un temps démolis, en fait, on n’a pas changé vraiment : juste un peu muri, chacun suivant sa pente ou la redressant quand elle semblait mener au pire. On est heureux. Quelques rides de plus, quelques kilos perdus ou supplémentaires mais rires et sourires demeurent comme toujours. Qu’importent les cimetières et autres accidents de la vie, on est là comme en nous-mêmes l’éternité nous change : incorrigibles, intangibles et prompt à s’envoler dans des délires qu’on ne saurait partager avec d’autres.



Et puis on s’en va. Incapables de planifier la prochaine rencontre. Car chacun a trouvé son coin de paradis et répugne à s’en éloigner. On se dirait bien « à dans vingt ans », comme de plus voisins se disent « à la prochaine ». Mais où et dans quel état seront-nous dans vint ans ? Conduira-t-on encore ? Le hasard fera-t-il qu’un voyage permettra de nouvelles retrouvailles ? Qu’importe au fond ?



PS : M. Aristide s’étant plaint de ne pas me voir moustachu et le moindre désir d’un tel lecteur prenant à mes yeux des allures d’ordre voici une photo apte à apaiser ses attentes :

Notez l'air songeur et un rien mélancolique qui sied au profond penseur

jeudi 4 décembre 2014

Amis de quarante ans



Un des nombreux avantages qu’on a à ne plus être très jeune est qu’on a de vieux amis ou plus exactement des amis de longue date. Ainsi moi qui vous parle partirai-je demain au volant du break (avec compagne et chien) pour un périple de près de 2000 km (aller-retour quand même) pour aller fêter l’anniversaire d’une amie de 40 ans… Il y a pas loin de vingt ans que nous ne nous sommes pas revus, parce que la vie, la distance et tout ça mais le contact n’a jamais vraiment été rompu.



Voilà pourquoi ce blog risque de demeurer silencieux quelque temps.

mardi 2 décembre 2014

Chapeau bas, Mr Waugh !




Dedicated to M. Goux whose enlightened advice made me discover this author.

Je l’ai reçu hier midi et viens de le finir : il s’agit du second livre et du premier roman d’Evelyn Waugh, Decline and fall  (Le déclin et la chute) dont il existe une traduction nommée Grandeur et décadence que l’on trouvera chez  tous les bons Amazon. Au contraire de Wodehouse, Waugh ne met pas un point d’honneur à utiliser la langue alambiquée et fleurie des aristocrates de la première moitié du siècle dernier avec pour conséquence de faciliter le travail du traducteur et, s’il a quelque talent, d’éviter que le lecteur français ne se voit servi un récit ayant perdu beaucoup de ses couleurs d’origine. Le burlesque, si l’on excepte le nom des personnages, est bien moins dans le verbe que dans la nature de ses personnages.



De quoi s’agit-il ? Des aventures sur un peu plus d’un an du jeune Paul Pennyfeather. Il va lui en arriver des choses à ce jeune étudiant en théologie ! Je laisserai à ceux qui le  souhaitent le soin de découvrir lesquelles. Il s’agit d’un roman initiatique où, après quelques dramatiques vicissitudes le héros revient à son point de départ, transformé. Il y a du Candide et du Picaro chez Paul. Les êtres pour le moins bizarres qu’il rencontre dans la première partie et qui lui racontent leur vie réelle ou supposée, il ne cessera, sauf quand ils connaissent une fin tragique, de les croiser pour les perdre de vue avant qu’ils ne reviennent dans les deux parties suivantes suite à des hasards aussi invraisemblables que n’est leur caractère. Si Waugh se livre à une critique sociale, il le fait avec humour. La société est injuste ? Le faible et le doux y sont écrasés par le méchant ou le puissant dans l’indifférence, voire même avec l’approbation,  générale. Elle est amorale ? Les vrais crapules s’en tirent toujours. L’auteur fait un portrait au vitriol d’une société de classes où seuls prospèrent riches et malhonnêtes. Mais attention, on dénonce avec le sourire et c’est ce qui fait l’intérêt du roman.  Plutôt que de vous indigner la comédie sociale provoque votre  sourire aigrelet ?  La Maison Waugh a en magasin de quoi vous satisfaire !



Tiens si ça peut vous distraire deux extraits traduits par votre serviteur, l’un bref et l’autre moins où le Docteur Fagan, directeur d’une école privée s’entretient avec le héros :


« - Si j’ai bien compris, vous avec quitté l’Université un peu précipitamment. Et pourquoi donc ?

C’était la question que Paul redoutait et, fidèle à sa formation, il avait décidé d’être honnête.

-        - J’ai été renvoyé, monsieur, pour comportement indécent

-        - Vraiment ? Bon, je ne vous en demanderai pas le détail. J’ai appartenu suffisamment longtemps au corps enseignant pour savoir que nul ne le rejoint à moins qu’il n’ait pour cela une excellente raison qu’il s’empresse de cacher. Mais, soyons réalistes, M. Pennyfeather, il m’est difficile d’offrir 120 livres à quelqu’un qui a été renvoyé pour comportement indécent. Et si on fixait votre salaire à 90 livres, pour commencer ? »



«  - Le caractère gallois est intéressant à étudier, dit le Dr Fagan, j’ai souvent pensé écrire une petite monographie* sur le sujet, mais j’ai craint que cela puisse me rendre impopulaire dans le village. Les ignorants en font des Celtes mais c’est évidemment totalement erroné. Ils sont de pure race Ibérienne c'est-à-dire de celle des habitants originels de L’Europe qui ne survivent qu’au Portugal et au Pays Basque. Les Celtes se marient volontiers avec les peuples voisins et les absorbent. Depuis les temps les plus reculés, les Gallois ont été jugés répugnants. C’est ainsi qu’ils ont conservé leur pureté raciale. Leurs fils et leurs filles s’accouplent volontiers avec les moutons mais, en dehors de leurs frères de race, jamais avec les humains. Au Pays de Galles, point ne fut besoin  de législation pour éviter que les conquérants ne se mariassent avec les conquis. Ce fut nécessaire en Irlande car là ces mariages étaient un problème politique. Au pays de Galles, c’était une question morale. J’espère, soit dit en passant, que vous n’avez pas de sang gallois ?

-        - Pas la moindre trace, répondit Paul

-       - J’étais certain que vous n’en aviez pas mais on n’est jamais trop prudent. Il m’est arrivé une fois d’évoquer la question avec les terminales avant d’apprendre que l’un d’eux avait une grand-mère galloise. J’ai bien peur que cela n’ait terriblement blessé ce pauvre garçon. Notez qu’elle était originaire du Pembrokeshire, ce qui change tout. Je pense souvent, continua-t-il, que tous  les désastres de l’histoire anglaise trouvent leur origine au pays de Galles. Souvenez-vous d’Édouard de Carnarvon, le premier Prince de Galles, de sa vie de pervers, Pennyfeather, et de sa mort inconvenante, ensuite des Tudor et de l’abolition de l’Église et encore de Lloyd George et de ses ligues de tempérance, de la non-conformité et de la luxure marchant main dans la main, répandant dans le pays les ravages et la désolation. Mais peut-être pensez vous que j’exagère ? J’ai tendance, je l’admets, à laisser les mots m’emporter…

-        - Pas du tout, dit Paul.

-       - Les Gallois, dit le docteur, sont la seule nation au monde  à n’avoir produit aucun art graphique ou plastique, aucune architecture, aucune œuvre dramatique. Ils ne savent que chanter, dit-il avec dégoût, chanter et souffler dans des instruments à vent argentés. Ils sont malhonnêtes parce qu’ils ne savent pas discerner le vrai du faux, dépravés parce qu’ils ne voient pas les conséquences de leurs excès."


* NdT : le bon docteur mettra son projet à exécution et ça deviendra un best-seller !