..Toi qui entres ici, abandonne tout espoir de trouver un contenu sérieux. Ici, on dérise, on batifole, on plaisante, on ricane.

samedi 9 août 2014

Les deux écoles



En matière d’entretien du terrain, il existe deux écoles. La première est conservatrice, on y sent qu’un désir malsain de domination de la nature s’allie à un besoin étriqué d’ordre. Voici ce que ça donne :
DSCF0673.JPG





La seconde est moderne, elle respecte la nature, la laisse se développer, des herbes folles s’y dressent, des arbres, des fougères, force ronces et orties y naissent et croissent :



N’est-ce pas merveilleux ? Dire que voici bientôt sept ans, quand nous sommes arrivés, il s’agissait d’un seul et même terrain ! Que de progrès depuis !

N’empêche que mon cher voisin, sa créativité botanique, elle commence à m’agacer grave. Les ronces et autres arbustes menacent la clôture qu’il m’a laissé le soin et le coût d’installer. Peut-être que son amour de la liberté lui a fait considérer le grillage comme un obstacle à la divagation de son rottweiler mignon. Allez savoir avec les âmes nobles…

Le plus amusant avec lui, c’est que chaque fois que je lui ai signalé un problème, il était justement sur le point de le résoudre. Ainsi, une pelleteuse devait-elle venir aménager son terrain il y a quelques semaines et bien entendu, en l’attente des travaux, il allait s’empresser de dégager à la débroussailleuse les abords de ma clôture. Il ne m’a pas déçu : j’ai au fil des années compris qu’il ne fallait rien en attendre. Je trouverai bien, comme d’habitude, par trouver une solution…

vendredi 8 août 2014

Du baccalauréat de français



Lors des dernières épreuves de français du bac, certains candidats des séries S et ES se sont, sur les réseaux sociaux,  répandus en jugements peu amènes sur M. Victor Hugo au prétexte que la simple limpidité de l’œuvre  du grand homme qu’on leur proposait de commenter leur échappait totalement. En réaction, tout un chacun se gaussa de ces ignares qui semblaient penser qu’Hugo était vivant et lui conseillaient d’éviter de les croiser dans la rue ou d’aller se livrer  à des pratiques incestueuse en compagnie de madame sa maman. Seulement, je crains que la faute soit davantage à imputer aux enseignants qui rédigent les sujets et se font une idée un peu flattée des capacités littéraires des élèves de sections scientifiques plaçant ceux-ci dans la délicate position d'un un analphabète à qui l’on demanderait de commenter en Serbe ancien un texte rédigé en Mandarin.

J’ai toujours été très sceptique sur la valeur du commentaire littéraire qu’il soit composé ou linéaire. Surtout quand il mène à transformer un texte de Pascal en éloge du sadomasochisme ou à expliciter ce qui fait de la recette  du lapin à la moutarde un sommet de la littérature mystique.  Sans tomber dans ce genre d’excès, je me suis vu contraint dans le cursus de mes études littéraires de me livrer à cet exercice et même avec un certain succès. Il n’empêche qu’écrire un texte sans intérêt à propos d’un autre qui en a peut-être, qu’extraire les significations dissimulées d’un extrait en explorant ses champs lexicaux et leurs connotations obscures me paraît particulièrement inutile quand ça ne relève pas du délire. Comme disait un mien professeur doté d’un bon sens certain : « Si Victor Hugo avait voulu le dire, il n’avait qu’à le dire ! »

On ne fait pas de quatre-vingts pour cent d’une génération autant de distingués  et subtils critiques littéraires. Dans un premier temps, si on se contentait de leur demander d’être capables de saisir le sens d’un texte écrit en français correct et d’en rédiger un compte rendu  intelligible dans cette même langue, ce ne serait déjà pas si mal. L’épreuve en question est intitulée « épreuve de français » et non de littérature. Caresser dans le sens du poil les innocentes  lubies du corps des Inspecteurs Généraux en faisant comme si rien n’avait changé au fil du siècle dernier est certes charitable mais pose problème : d’où les pauvres correcteurs vont-ils tirer les points nécessaires à attribuer une note à une copie écrite en sabir sur un texte dont le sens est visiblement resté  celé   au commentateur  ?

Mais trêve de bon sens. Il me semble que ceux qui ont eu la patience de me suivre jusqu’ici ont mérité une petite récréation. La voici, sous forme de commentaires  que m’inspirent la lecture d’un poème du grand Hugo.


Saison des semailles. Le soir

C'est le moment crépusculaire.
J'admire, assis sous un portail,
Il va être propre, ton futal, tu vas l’entendre la mère Juju quand tu vas rentrer !

Ce reste de jour dont s'éclaire
La dernière heure du travail.

Du travail des autres, hein, fainéant !

Dans les terres, de nuit baignées,
Je contemple, ému, les haillons
Comme quoi travailler de l’aube au crépuscule ça n’a jamais payé !
 
D'un vieillard qui jette à poignées
Un vieillard, contraint de bosser quand les feignasses comme toi à 64 ans passent leur temps à écrire des conneries !

La moisson future aux sillons.

Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours.
Aussi profonds que soient les labours, s’il ne les dominait pas ça serait un sacré nain !

On sent à quel point il doit croire
A la fuite utile des jours.
Honnêtement, s’il ne croyait pas qu’avec le temps les graines poussent, on se demande pourquoi il s’emmerderait à semer !

Il marche dans la plaine immense,
Va, vient, lance la graine au loin
Rouvre sa main, et recommence,
Ben oui, qu’est-ce que tu voudrais qu’il fasse  entre deux jets de graines ? Un triple salto arrière ? Qu’il joue « Viens Poupoule » à la cornemuse ?

Et je médite, obscur témoin,

Pendant que, déployant ses voiles,
L'ombre, où se mêle une rumeur,
Et qu’est-ce qu’elle colporte comme ragots cette rumeur ?

Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur.
Une ombre, soit ça obscurcit et on ne voit pas bien, soit c’est projeté à terre. Mais élargir jusqu’aux étoiles un geste, si auguste soit-il, c’est pas possible, pomme à l’eau !

jeudi 7 août 2014

Explication de texte



 Dans un billet divertissant, Didier Goux se gaussait des universitaires qui encombraient les oeucres de notes de bas de pages aussi insipides qu'inutiles. Il est cependant possible, grâce à des notes érudites et profondes d'apporter un supplément de sens aux grands textes. C'est le défi que j'ai voulu relever en ajoutant des notes de bout de ligne*   au magnifique texte immortalisé par l'immense Pauline Carton
* j'aime mieux vous dire que ce n'est pas de la tarte de les placer en tapant le texte dans blogger car quand on publie, se produisent d'inexplicables changements de mise en page auxquels je n'ai pas toujours pu remédier.

Et voilà le travail : 

Sous les palétuviers

[Pedro]:
L´amour, ce fruit défendu 1                                      1 Référence à la confusion généralement 
entretenue entre le fruit de l’arbre de la
Vous est donc inconnu?                                           
connaissance du bien et du mal et le péché de chair.
Ah! Cela se peut-il,                                                   
Joli petit bourgeon d´avril 2?                                    2 Le poète compare métaphoriquement la jeune femme à la
promesse
[Honorine]:                                                            
que représente un bourgeon printanier que seul l'amour saura faire s'épanouir.

Ah! Je ne l´ai jamais vu,
Jamais vu ni connu,
Mais mon cœur ingénu
Veut rattraper, vois-tu,
Tout le temps perdu 3!                                              3 Elle a littéralement le feu au cul !

[Pedro]:
Ah! Rien ne vaut pour s´aimer
Les grands palétuviers 4,                                          4 Le palétuvier, arbre caractéristique de la mangrove offre en effet un abri idéal
Chère petite chose5 5!                                               aux amoureux, le chant des crapauds buffles couvrant leurs plaintes
                                                                                langoureuses
[Honorine]:                                                              5 En ces temps heureusement révolus, la femme était souvent considérée
Ah! Si les palétuviers,                                              comme un objet (ici de désir) !
Vous font tant frétiller 6,                                             6 Pedro, éperdu d'amour, est  excité comme une queue de chien.
Je veux bien essayer...

{Refrain:}
[Pedro]:
Ah! Viens sous les pa...

[Honorine]:
Je viens de ce pas,
Mais j´y vais pas à pas!

[Pedro]:
Ah! Suis-moi veux tu?...

[Honorine]:
J´ te suis, pas têtu´,
Sous les grands palétu...

[Pedro]:
Viens sans sourciller,
Allons gazouiller 7                                                                                 7  D'abord simple bourgeon, Honorine passe soudain du statut d'objet à
Sous les palétuviers
                                                                             celui d'objet d'amour (cf.. "Viens Poupoule ou Ah, si vous connaissiez ma                                                                                                                       pou-ou-ou-ou-ou-ou-le"

[Honorine]:
Ah! Sous les papa papa
Sous les pa, les létu,
Sous les palétuviers...

[Pedro]:
Ah! Je te veux sous les pa,
Je te veux sous les lé,
Les palétuviers roses...

[Honorine][Pedro]:
Aimons-nous sous les palé,
Prends-moi sous les létu 8 ,                                                  8 L'homophonie pourrait faire penser qu'Honorine voudrait pratiquer le
Aimons-nous sous l´évier 9!...                                               le coït sous des salades ! Idée amusante mais difficilement applicable;
                                                                                           9 Faire l'amour dans des endroits improbables autant qu'inconfortables
{Fin du Refrain}                                                                  est un fantasme récurrent qui parcourt notamment les œuvres de Proust
                                                                                           de Mauriac ou de Heidegger.
{2ème couplet:}

[Pedro]:
Ah! Ton cœur me semble encor´
Hésiter cher trésor 10,                                                           10 Métaphore hardie qui attribue à Honorine une valeur immense :
Mais je veux tout oser                                                          Pedro, pour arriver à ses fins recourt à la flagornerie !
Pour un p´tit, tout petit baiser!

[Honorine]:
Un vertige m´éblouit,
Un baiser c´est exquis!...
Même un p´tit tout petit,
Je crains d´être pour lui
L´objet du mépris 11 !...                                                         11Une tradition machiste, heureusement révolue, voulait qu'après
                                                                                             être parvenu à ses fins, le séducteur méprisât sa conquête (cf. le
[Pedro]:                                                                                 "Maintenant que je l'ai sautée, elle peut aller se faire voir chez
Non, le mépris, je t´en prie,                                                    plumeau" in Blaise Pascal, Correspondance)
Ce n´est pas dans mes prix,
Car je suis pris 12, mignonne!...                                               12 Notons la savoureuses utilisation des homophones (Prie, prix,pris)

[Honorine]:
Ah! mon coeur est aux abois 13,                                           
13 Métaphore de vénerie faisant d'Honorine une biche à la merci 
 tu peux prendre ô mon roi 14                                                du métaphorique chien qui la poursuit de ses ardeurs (cf notes 6 et 18) 
Mon corps au fond des bois 15...                                           14 Honorine se veut l’obéissante sujette d'un Pedro qui règne sur ses
                                                                                             sens.
{au Refrain}                                                                         15 Ainsi se confirme la thématique empruntée à Alfred de Vigny (cf.    
                                                                                            la mort du loup et le son du cor)
{3ème couplet:}

[Pedro]:
Près des arbres enchanteurs
Viens goûter les senteurs
Ce cocktail où se mêlent
Le gingembre avec la cannell´

[Honorine]:
Oui c´est l´effet du tropique
Qui me pique, pic, pic, pic 16...                                                 16 La reprise du verbe "pique" par l'onomatopée "pic", reprise trois
Je sens les muscadiers,                                                             fois, ajoute à la scène une touche de réalisme.
Je sens les poivriers
Et les bananiers!...

[Pedro]:
Le parfum des néfliers
Et des doux pistachiers17                                                                             
17 L'énumération d'essences et de plantes tropicales renforcent
N´ vaut pas l´étuvier tendre...                                                   
l'impression de réalisme esquissée plus haut (cf. note 16)
[Honorine]:
Tous ces arbres tropicaux
Vous incitent aux bécots,
Allons-y mon coco!...

{au Refrain}

Si je comprends bien
Tu me veux mon chien18                                                                                    18 Honorine rompt avec ses réticences évidemment feintes
Sous les grands palé...                                                                  et reconnait en Pedro l'animal lubrique susceptible d'assouvir
Tu viens!..                                                                                    ses désirs bestiaux (cf. note 3)                                                          .