Deux braves garçons entrent
dans une bijouterie. Ils sont un peu armés :
un fusil à pompe, rien de bien méchant. Comment sinon s’assurer un minimum de
crédibilité ? L’un d’eux est animé de motivations
pures. Il agit en bon père de famille :
sa jeune compagne étant porteuse de l’avenir de sa lignée, les perspectives d’emploi
étant ce que nous savons, comment s’assurer des revenus sinon en braquant une
bijouterie ?
Surtout quand on sort
à peine de prison. Il aurait pu,
comme
fait fils de ministre, braquer une vieille dame, mais non : lui, son
truc, c’était le bijou.
Après qu’ils l’en eurent poliment prié, le commerçant leur
remit le contenu de son coffre. Qu’eussiez-vous fait dès lors à leur place ?
Vous auriez quitté les lieux en hâte,
non ? C’est ce qu’ils firent au
moyen d’un scooter. Hélas, le bijoutier était du genre hargneux. Il sortit de
son échoppe et tira sur les fuyards. L’un d’eux, le futur chef de famille, fut
touché et mourut.
Triste histoire. Chacun s’en émeut. A droite on soutient le
bijoutier. A gauche on pleure un brave garçon. La famille s’émeut : c’est
trop injuste. Père et frère disent qu’on l’a tiré comme un pigeon. Leur ferai-je remarquer que le pigeon, s’il
pratique le vol ne le fait pas à main armée ?
Si l’on suit le raisonnement qu’impose la doxa
gauchiste, le coupable est le bijoutier :
il aurait dû se dire que, couvert par l’assurance, le préjudice subi n’était
rien et qu’il faut bien que tout le monde vive. Partant, plutôt qu’une arme, c’est
de son téléphone qu’il se serait saisi afin d’appeler son assureur pour lui
annoncer le sinistre. Curieusement ce
raisonnement est proche de celui de la famille du braqueur. Au point qu’on se
demande si c’est la racaille qui copie le discours socialiste ou le socialiste
qui copie la racaille. Tout cela est bel
et bon, mais, sauf à vivre ce genre de situation, en admettant que tout le
monde ait le même tempérament, il est difficile d’imaginer ce que l’on ferait.
La maîtrise de soi, le calme sont des qualités certes louables mais dans de
telles circonstances qui peut affirmer
qu’il les garderait ?
D’autre part, j’ai du mal à accepter une attitude qui
revient à considérer que dévaliser un commerçant sous la menace d’une arme est
une bien excusable
peccadille et que la
seule attitude possible en tel cas est la soumission.
Soumission assortie bien entendu du recours à
une justice supposée efficace.
Je trouve
également curieux que l’on s’indigne de voir celui qui ne craint pas de menacer
la vie d’autrui arme en main être victime d’une autre arme. A moins, bien
entendu que l’on considère que ces menaces ne sont que paroles en l’air et poudre
aux yeux. Il arrive cependant que les menaces
des braqueurs soient mises à exécution comme à
Albertville.
Admettons néanmoins que nos racailles soient de braves petits
gars pas violents pour un sou. On peut donc reprendre le scénario :
Après qu’ils l’en eurent poliment prié, le commerçant
leur remit le contenu de son coffre. Qu’eussiez-vous fait dès lors à leur place ?
Vous auriez quitté les lieux en hâte,
non ? C’est ce qu’ils firent au
moyen d’un scooter. Hélas, le bijoutier était du genre hargneux. Il sortit de
son échoppe et tira sur les fuyards. L’un d’eux, le futur chef de famille, fut
touché et mourut.
Le bijoutier, bon enfant, vit bien qu’il avait affaire à de
pauvres jeunes gens victimes d’une société injuste. Sans se départir d’un doux
sourire, il refusa de céder à leur demande et préféra s’adresser à leur raison.
Il expliqua à nos deux compères la profonde malhonnêteté de leur démarche et
leur fit comprendre à quel point les conséquences de leur action pourraient compromettre leur avenir. Touchés par ces propos tout empreints de bon
sens, nos braqueurs posèrent leur fusil
et, saisis de remords, demandèrent à celui qui leur avait parlé comme un bon
père d’appeler la police afin qu’une juste punition vienne sanctionner leur
erreur. Le brave bijoutier éclata d’un bon rire. Il n’était point question de
les dénoncer ! Il voyait bien que ses propos, ayant touché les tréfonds de
leur âme pure, ils suivraient désormais le droit chemin. S’enquérant de ce qui
avait motivé l’action des deux gamins,
il fut ému par l’annonce d’une proche naissance au foyer de l’un d’eux. Choisissant
dans une vitrine deux belles gourmettes
d’or il les offrit au futur papa afin qu’il en ornât les poignets du bébé et de
sa jolie maman, le priant de passer plus tard afin d’y graver leurs prénoms. De son tiroir caisse, il sortit
quelques grosses coupures qu’il remit à ces braves gamins dont il eût été heureux
et fier d’être le père.
Les deux aspirants gangsters comprirent suite à cette
édifiante aventure qu’essayer d’améliorer son sort par des moyens douteux ne
menait à rien. Ils se mirent à travailler d’arrache-pied et à militer dans un
parti de gauche afin que s’établisse en France et dans le monde entier une
société plus juste. Le succès vint bientôt couronner leurs efforts et une
nombreuse descendance qu’ils élevèrent dans l’amour du labeur et l’idéal socialiste vint bénir leurs
foyers respectifs. Le bijoutier fut naturellement choisi pour parrain de leur
premier né et une amitié quasi-filiale les unit durablement à leur bienfaiteur.
Cessons de rêver. Ça
se passe ainsi chez Walt Disney, cette vieille baderne de le grand Victor Hugo ou encore dans le monde fantasmatique
des socialistes. Hélas, nous ne vivons pas en ces lieux idylliques mais dans une France où la montée de la
violence et une justice plus « généreuse » (du moins avec certains)
qu’efficace exacerbe le ressentiment des
victimes et les pousse à des réactions moins débonnaires.