Le titre de ce billet plagie honteusement l’inoubliable succès de Jordy. «
Dur, dur, d’être bébé » constatait le jeune chanteur. Je ne sais s’il a
raison. Mes souvenirs de cette lointaine période de ma vie, si j’en ai jamais
eu, se sont totalement estompés. Reste qu’être père n’est pas de la tarte et
que ça dure bien plus longtemps. Mon « bébé » se dirige d’un pas
assuré vers la trentaine et elle envisage de changer d’emploi. Cette recherche
a des conséquences.
Ainsi mes conseils éclairés sont-ils sollicités lorsque
lettre de motivation il y a. Je deviens correcteur orthographique et éventuellement
« reformulateur ». En début de
semaine dernière une nouvelle mission me fut assignée. Envisageant de s’installer
au Luxembourg, ma fille avait besoin d’un Curriculum Vitae rédigé en anglais. Rebutée
par la difficulté de la tâche, elle eut l’idée généreuse de solliciter mon aide
pour la mener à bien. J’acquiesçai.
Je ne me doutais pas d’à quel point l’épreuve serait rude.
Une première version du document à
traduire me parvint au format PDF. Je la
lus et là commença mon angoisse. Le
document me parut très long, trop détaillé et surtout jargonnant. De plus, tout
bon ou médiocre traducteur vous le confirmera, pour un bon résultat, on traduit
toujours de la langue originale vers la sienne et non le contraire. Quand, pour tout arranger, on comprend mal l’original,
ça se corse bougrement. Me sentant d’emblée
incapable de mener à bien ce pensum, je saisis mon plus beau téléphone et fis
part de mes doutes à l’intéressée. Je lui suggérai de faire plus court, moins
détaillé, moins jargonnant. En vain : il était, selon elle, indispensable
que tout soit gardé. Je lui dis qu’alors ça risquait de prendre du temps,
beaucoup de temps et réclamai une
version « Word » afin de pouvoir
écrire ma traduction sous l’original.
Je me résignai et me mis au travail le soir même. Deux heures
de labeur plus tard, je n’avais pas beaucoup avancé tant les vocabulaires de la
grande distribution et de la finance m’étaient inconnus. Je trouvai un site
fournissant des traductions de phrases qui me fut d’un grand secours. Un rien découragé,
je m’en fus me coucher. Au réveil je pris une décision radicale : plutôt
que traîner les pieds, j’allais m’atteler à la tâche et ne lâcherais l’affaire
que terminée. Ce fut long, pénible,
harassant. Ce que je fis, aucune bête ne l’aurait fait, et c’est bien dommage
car sinon je lui aurais refilé le bébé... Au bout de huit heures de travail intense,
seulement interrompues par une courte
pause sandwich, je pus envoyer le résultat à ma progéniture. Un long entretien
téléphonique suivit afin de corriger d’éventuelles bévues dues à ma
méconnaissance du sujet. Il y en eut très peu.
Aussi, le soir venu, je m’endormis, devoir accompli, du
sommeil du juste. L’exploit accompli,
mon premier mouvement de révolte fut oublié et fit place à une douce
satisfaction : n’est-il pas au fond préférable de se voir sollicité même
pour une tâche ingrate, que d'être considéré comme un vieux con inutile ?