J’ai été, de longues années durant, clown professeur au cirque « Éducation
Nationale ». Et plus je vois l’évolution de ce grand corps qui un
temps fut instruisait la jeunesse, plus je suis heureux de ne plus faire partie
de son personnel. Ce ne sont pas les articles que signale Skandal
qui me feront changer d’avis.
En gros, il semblerait que l’on encourage fortement, dans l’Académie
d’Orléans-Tours (où j’ai sévi), les professeurs à noter plus largement afin d’éviter
que ladite Académie ne se trouve dans le peloton de queue des succès au bac.
Rendez-vous compte : « En
2012, avec 83,3 % de réussite à l’examen, elle se classe 22e académie de
France, juste avant Nancy-Metz, Amiens et Créteil, un point et demi en dessous
de la moyenne nationale. » Un point et demi ! Si après ça le Recteur ne passe pas pour un gros
nul et qu’on ne le rétrograde pas à un emploi de femme personne de
service dans un collège « sensible » du 9-3, c’est qu’il n’y a plus
de démagogie justice dans le royaume du Danemark la République ! Il lui fallait réagir ! Et fissa ! Ce serait ce qu’il a fait en demandant que l’on
notât sur 24 au lieu de 20. Il aurait pu
ordonner que l’on repêchât les élèves jusqu’aux abysses. Mais c’eût été moins joli.
On peut se poser la question de savoir si dans ces
conditions le bac conserve une fonction autre que de prouver l’efficacité
manipulatrice du Recteur et de ses sbires son équipe et si le jour des
résultats ce ne sont pas eux qui paniquent le plus.
De manière générale, c’est la question de la note qui est au
centre du problème. Il y a quelques jours, une jeune collègue me racontait que
son chef d’établissement avait de son propre chef relevé le niveau des notes qu’elle
avait attribuées à ses élèves, trouvant ces dernières trop basses pour assurer
le statut d’ « excellence » (ou de simple médiocrité) de sa
boite. On croit cauchemarder…
Et pourquoi ceci ? Parce que la « réussite »
scolaire devient de plus en plus indispensable. Les parents la rêvent, la
demandent, l’exigent ! Faute d’une
amélioration massive des performances, histoire de ne pas les décevoir, on
procède à une augmentation substantielle du niveau de la notation. Ainsi tout
le monde est content. Même s’il fait vingt fautes diverses par ligne d’incompréhensible
débagoulage, votre fils, votre fille, chère Madame, cher monsieur a sa moyenne
en français. N’est-ce pas là l’essentiel ?
Chaque élève a droit à la réussite. C’est comme le mariage
pour tous : accorder un droit à de nouvelles personnes ne retire rien à
ceux qui en bénéficiaient auparavant. Ce
qui est indéniable. Cela n’empêche aucunement l’élite de se reproduire et les
meilleurs éléments d’intégrer les meilleures écoles et d’obtenir, pour ceux qui en sortent avec un bon rang, les
meilleures postes.
Le seul problème c’est qu’il y a un peu tromperie sur la
marchandise. On tend à faire croire à tous qu’ils appartiennent à une relative
élite et quand vient le temps de trouver un emploi ils se retrouvent face à la
réalité. Ça crée des amertumes. Sans
compter que pour obtenir des performances de moins en moins convaincantes on
dépense de plus en plus d’argent.
Je plains les jeunes qui embrassent la carrière de clown d’enseignant si celle-ci continue d’évoluer
comme elle le fit. Je me console en me disant que beaucoup ne font qu’y passer
un bref séjour tant ce qu’on leur a vendu est différent de ce qu’ils pouvaient
en attendre.